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EXTRAIT

D'UN MÉMOIRE SUR UN CHEMIN DANS L’ISTHME

DE PANAMA ,

Adressé à la Société de Géographie de Paris par M. Juste

PAREDES, membre de cette Société.

De tous les projets que ce siècle de progrès a fait éclore, il n'en est aucun qui soit d'une importance plus grande que celui qui a pour objet d'ouvrir une communication entre l'Océan Atlantique et la mer Pacifique au travers de l'isthme de Panama. On a beaucoup parlé de cette conception depuis la découverte de l'Amérique, comme propre

à faciliter les relations commerciales du monde entier; mais pendant la longue domination de l'Espagne, il a été impossible d'en obtenir la mise à exés cution, et il a fallu abandonner ce projet jusqu'à une époque plus propice.

Depuis que les colonies espagnoles ont secoué le joug, cette question a repris une existence nouvelle,

Elle a fixé l'attention des gouvernemens et celle des particuliers : tous les hommes entreprenans de l'Amérique comme de l'Europe, voient dans son exécution le moment desiré qui opérera par les intérêts du commerce le rapprochement matériel et intellectuel des individus des différens points de la terre, géographiquement trop éloignés les uns des autres, pour avoir entre eux des relations fréquentes.

Aucune position n'est aussi favorable au commerce de l'univers que celle de l'isthme de Panama , dont le

a

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sof, les productions et le climat sont autant de rares bienfaits de la nature. Leur concours heureux a fait de ce pays un séjour enchanté où l'on jouit d'un printemps perpétuel, et où le travail, que les habitans donnent à la terre, les récompense deux fois par an de leurs peines, qui sont légères en comparaison de celles que les cultivateurs ont ordinairement dans des pays moins favorisés par la fertilité et la température.

Le cacao, le tabac, le coton , le café, le sucre, la salsepareille, la cochenille, l'indigo , les bois de teinture, le riz, etc. etc. , peuvent s'y cultiver avec une extrême facilité. On y trouve aussi des mines d'or, d'argent, de mercure, toutes productions qui sont autant - de moyens d'échange parfaitement conformes aux besoins de l'Europe.

La nature qui s'est plue à répandre une telle abondance de biens sur cette terre privilégiée , a encore voulu que son terrain fut le plus uni, le plus étroit et te plus bas de ceux de toutes les Amériques; c'est là que s'interrompt si heureusement entre l'Amérique méridionale et l'Amérique septentrionale, la chaîne de montagnes qui s'étend presque uniformément et sans autre lacune de l'une à l'autre extrémité du

pays. Ce point est le plus convenable, sous tous les rapports , à une communication commerciale entre les deux mers.

Dans de telles circonstances, animé d'un sincère amour pour ma patrie, et pénétré de l'importance de l'objet qui m'occupe, j'avais demandé à la chambre provinciale de Panama le privilège spécial pour l'exécution d'un si grand travail, et ce corps, étant convaincu de l'utilité de ce projet, a accueilli ma demande, m'a répondu favorablement, et a émis un décret auquel l'isthme devra sa prospérité, qui donnera une grande prépondérance à l'état auquel il appartient, et rendra un immense service au commerce du monde entier.

On peut donc hautement approuver toute personne qui appelle l'attention publique sur un tel projet ; à une époque où l'esprit d'entreprise est répandu par tout, tt où aucun plan, qui offre quelque utilité, n'a manqué d'être mis à l'essai. Cette heureuse tendance vers le

perfectionnement général, sera une grande gloire pour le siècle où nous vivons.

Non-seulement cette entreprise fait partie des améliorations actuelles, mais l'époque est tout-à-fait propice à son exécution, et il ne faut plus qu'une unifor

à mité d'idées pour la réaliser. L'objet qui m'occupe intéresse plus ou moins directement toutes les parties de la terre, et un bien si général ne peut pas être entrepris par les seuls habitans de l'isthme , quand l'utilité est commune et les avantages égaux. Cette oeuvre doit être partagée par les autres pays qui ont le même intérêt.

On a songé à établir une communication au moyen du lac de Nicaragua , dans l'Amérique du centre, préférant cette voie à celle de l'isthme de Panama, mais la grande distance de 77 lieues qui sépare l'Atlantique de la mer Pacifique dans l'Amérique du centre , comparée aux 14 lieues qui traversent l'isthme de Panama, suffit pour prouver les avantages que l'on trouverait à s'occuper de préférence de ce dernier point. Portobello, quoique l'on ait dit de son insalubrité, n'a réellement pas ce défaut, et forme une excellente baie à l'abri des vents. Une compagnie s'est organisée dans l'isthme; et la souscription monte déjà à 500,000 fr. pour l'entreprise de la communication par terre, entre Portobello

.

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et Panama; de plus, un certain nombre de capitalistes de cette ville , m'ayant offert de l'aider, le moment est venu d'exécuter cet utile projet. Une fois

que

la communication sera ouverte par l'isthme, qui est dans le centre des régions les plus peuplées de l'Amérique, et dans la ligne la plus directe de l'Europe à l'Asie, elle facilitera extraordinairement le commerce par la grande promptitude, la singulière commodité et l'extrême économie, et mettra en contact des millions d'individus qui se trouvent séparés par les barrières

que la nature a placées entre eux, et qui les rendent tout-à-fait étrangers les uns aux autres. Les habitans de l'ouest de l'Amérique, depuis le Chili au sud jusqu'aux possessions russes dans le nord, ce qui embrasse une distance de 2,070 lieues , jouiront enfin d'un grand bienfait

par

le nouveau passage offert aux communications de leur commerce avec l'est de l'Amérique et avec l'Europe. Ce passage facilitera leurs échanges avec tout le globe, et il augmentera les relations du commerce de l'Europe avec tout l'occident de l'Amérique, en diminuant d'environ 1,330 lieues les distances à parcourir.

Le commerce de toutes les nations dans l'Océan Pacifique, trouvant par là un puissant auxiliaire, s'étendra et deviendra beaucoup plus lucratif, en abrégeant de plus de moitié les voyages des marins et des négocians qui vivent de ce trafic, et en les niettant à même de recueillir le fruit de leurs travaux avec moins de risques, plus d'économie et moins de rés et moins dispendieux rapporteront beaucoup plus de bénéficeś que ceux qui se faisaient auparavant.

Il est donc évident que le commerce et l'industrie de toutes les nations retireront de cette nouvelle voie ou

temps; des

voyages réité.

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verte à leurs relations, d'incalculables avantages qui opéreront une heureuse révolution dans le monde mer. cantile, parce que les productions manufacturées auront plus de circulation pour satisfaire un plus grand nombre de consommateurs auxquels elles seront offertes dans les différens marchés qui s'établiront sur de nouveaux points où il n'en existait pas,

RAPPORT SUR LES COMMUNICATIONS A ÉTABLIR AVEC

L'INSTITUT HISTORIQUE, Lu à la Société de Géographie, dans sa séance du 3 octobre 1834,

Par M, Roux DE ROCHELLE. Messieurs, Les contrées dont la géographie donne la description ne doivent

pas

être considérées comme des déserts sans vie et sans habitans. Nous nous attachons d'abord à observer leur situation, leurs fleuves, leurs montagnes, les productions, les phénomènes qui leur sont propres ; et si ces pays sont occupés par des peuples civilisés, l'intérêt de nos recherches augmente : nous voulons aussi connaître les hommes , suivre les révolutions qu'a éprouvées leur séjour, soit par le cours des évènemens politiques, soit par la marche de la nature, et nous rendre compte de l'influence que leur position géographique a pu exercer sur leurs destinées.

Dans ce nouveau sujet d'étude, tout nous conduit à reconnaître l'intime. liaison de la géographie avec l'histoire. L'une et l'autre science se prêtent un mutuel secours : elles s'éclairent; elles donnent plus de variété, d'importance et de grandeur aux tableaux que nous avons sous les

yeux. Convaincus de l'utilité de ce genre d'association,

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