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que, ainsi que le montrent les marches depuis Fês jusqu'à El-Rabath. En admettant que dans cette dernière portion de route l'aiguille aimantée ait subi une déviation extraordinaire par suite du voisinage des montagnes, et que la même cause ait pu agir en sens inverse au sud de l'Atlas, toujours est-il qu'on ne saurait estimer à moins de 20 et quelques degrés la correction applicable aux gisemens depuis El-Harib jusqu'à Fès.

El-Harib est un campement dont le nom, qui est aussi celui d'une tribu considérable, m'avait paru d'abord devoir être restitué en celui d'El - Hharets (1); déjà Caillé avait altéré de même une finale analogue en écrivant Mouladrib pour Moulay Edrys; mais en écou -tant attentivement de sa bouche la prononciation de son El-Harib, je n'y ai point retrouvé l'aspiration forte d'El-Hharets, et j'en ai conclu qu'il faut dès-lors lire El-A'ryb, autre nom de tribu qui se retrouve jusque dans le pays d'Alger. El-A'ryb est à 5 journées au S. E. de Tatta, et à 131 heures en ligne droite de Fês, dans une direction S. 17° 0. de la boussole d'après la construction de détail de M. Jomard, et faisant par conséquent avec la direction sur Tatta un angle de 62°. Or si l'on ne comptait que 18 milles par journée, ainsi que l'a fait Rennel, pour placer l'atta et El-A'ryb, ce dernier point se tiendrait dans l'ouest de 7° 40' de longitude occidentale, c'est-à-dire au S. 3° 0. de Fês, ce qui réduirait à 14° la correction afférente à la variation: or non-seulement cette quantité est trop petite eu égard aux considérations tirées de la disposition des

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(1) Cette restitution se trouve adoptée dans la carte du Marok que vient de faire graver à Florence, par Segato, M. Graaberg de Hemsoe.

lignes magnétiques de Rennel, mais encore par l'impossibilité de lui faire remplir ses propres conditions d'application, savoir, de donner, entre les lignes tirées de Fês et de 'Tatta, un angle de 62° portant son sommet à El-A'ryb; ces conditions s'accomplissent au contraire dans l'hypothèse d'une valeur de 20 milles pour la journée de route, car alors Tatta vient par 28° 41′ N. et 8° 33' O., d'où une ligne de 100 milles, coupant sous un angle de 62° une ligne tirée de Fês, affecte ellemême une direction E. 24° S., et amène l'autre à une direction S. 4° E., vérifiant ainsi pour toutes deux une correction magnétique de 21° N. O., qui assure à ElA'ryb une position de 28° o' N. et 6° 49′ O., à 366 milles en ligne droite de Fês. En construisant sur cette base le tracé de la route effective de Caillé, j'obtiens les positions suivantes :

Mimcina, dans le gays de Dara'h...... 28° 37′N. et 5°31' O.
Ghourland, principal lieu du Tàfilélt.. 31.

Mdayara.

Tamaroc

Cars.....

L'Eksebi

Soforo.

4.42

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La nouvelle carte de M. Graaberg de Hemsoe (1), en reproduisant littéralement le tracé de la route de Caillé donné par M. Jomard, a encore outré l'erreur primitive de situation mutuelle entre Tatta et El-A'ryb, par suite d'une correction sur la latitude de Tatta: les constructeurs de cartes oublient trop souvent qu'une position

(1) Cette carte est intitulée : Carta del Moghrib ul Acsà ossia dell' impero di Marocco, giusta le più recenti scoperte e combinazioni, formata e descritta da Jacopo Graaberg di Hemsoe, ed incisa da Girolamo Segato, in Firenze, 1834.

n'est presque jamais indépendante, et qu'il faut toujours tenir compte des rapports qu'elle doit conserver avec d'autres points; faute de ce soin les cartes des contrées peu connues offrent un véritable chaos où sont jetées comme à l'aventure une foule d'indications erronées, et fourmillent de doubles et triples emplois ; ce dernier inconvénient est très fréquent dans la carte qui me suggère ces réflexions, et qui est loin cependant d'être sans mérite. Pour n'en donner qu'un exemple, il me suffira de citer Ifren, Ufaran, Eufaran et Oferan, ainsi écrit quatre fois sous des orthographes diverses et en des positions distinctes, bien que ce soit un seul et même nom que Léon, Marmol, Cochelet et quelques autres ont indiqué avec une simple différence d'orthographe; et comme le village d'Illekh est dans le voisinage, il se trouve répété, non pas quatre fois à la vérité, mais deux fois, sous les formes Ilekh et Ilirgh; Talent, qui figure aussi dans le même district, est pareillement doublé, mais d'une manière moins frappante. M. Cochelet est passé à Talent, et il a d'autre part rapporté un itinéraire par lui recueilli de la bouche d'un rabbin et qui passe à Talendaietegerrer. M. Graaberg a reconnu avec raison que ce dernier nom est composé de plusieurs, mais il ne me semble pas avoir été heureusement inspiré en lelisant Talendai-el-Tegerrer: il me paraît, sauf meilleur avis, qu'il le faut rétablir en Talent-A'yt-Gerâr, c'est-à-dire Talent appartenant à la tribu berbère de Gerar. Et puisque je touche en passant ce sujet, j'ajouterai un mot sur la restitution d'une dénomination analogue fournie par le voyage de Robert Adams: sa dernière étape avant Ouâdy-Noun est par lui prononcée, et par M. Cok écrite sous sa dictée, Aieta-MouessaAli; il me paraît hors de doute qu'il en faut déduire

A'yt-Abou-l sày-A’ly. Ces exemples doivent faire sentir la nécessité d'apporter une grande attention dans le mode de saisir et de transcrire l'émission orale des noms géographiques. Mais je me hâte d'abandonner cette digression pour revenir à l'itinéraire de Caillé, à l'égard duquel M. Graaberg, loin d'éviter les doubles emplois du tracé princeps, y a encore ajouté de fautives réduplications, comme on le verra tout-à-l'heure.

J'ai déjà signalé autre part (1) les coïncidences de cet itinéraire avec celui de Ahhmed ebn El-Hhasan el-Metsyouy, employé par M. Walckenaer pour déterminer le

, point de Tàfilêlt. Ces coïncidences, en partant de Fês, s'échelonnent ainsi : Soforo de Caillé avec Safrou (plus exactement Ssofrouy) d’Ahhmed, bien connu aussi par le Békry, l’Edrysy, Léon, Marmol, etc. (2); c'est la première étape d'Ahhmed, à 20 milles de Fês. Sa seconde étape à Quyoun-el-Asna, n'est pas indiquée dans Caillé,

à mais elle se retrouve dans le Hain-Lisnan de Léon, ElEssnâın du Békry (3), et dont on peut rétablir dès-lors le nom en A'youn-el-Essnâm ( les sources des idoles); Caillé

pu y passer sans être averti de cette dénomination, et peut-être est-ce le bas-fond indiqué sur sa carte comme un entonnoir, où il a rencontré le village moderne de Guigo. Quoi qu'il en soit, ce nom de Guigo, que notre voyageur a retrouvé diverses fois Comme désignant un ruisseau (probablement d'une manière appellative), se reproduit dans le fleuve Gygou d’Ahh. med.

a

a

(1) Revue critique citée plus haut.

(2) Je ne crois pas que les géographes biblistes aient encore rapproché ce nom de celui des Safarouym de l'Écriture.(Rois , IV. XVII. 31.)

(3) Békry, page 165.

Après avoir passé la montagne de Scha'bet BényO'bayd, au pied de laquelle coule le Molouyah, Ahhmed rencontre des daskerahs appelés Eqssêby-el-Scherfâ, où il est aisé de reconnaître l'Eksebi de Caillé, près d'un ruisseau au pied d'une chaîne de montagnes.

Le Nozelah d'Ahhmed (qu'on peut traduire par l'espagnol venta), est représenté par le Nzéland de Caillé.

Le Ghers d'Ahhmed se retrouve pareillement dans le Cars de Caillé, et tous deux répondent au Gherseluin de Léon et de Marmol, qui doit probablement être orthographié Ghers-A'louyn. Là encore Caillé a vu un ruisseau qu'il appelle Guigo, et qui, cette fois, est le Zyz ou le fleuve de Tâfilêlt. Je ne croyais pas possible, après la démonstration irréfragable donnée par M. Walckenaer de l'identité du Zyz et du fleuve de Tâfilêlt, qu'aucune carte reproduisît désormais l'erreur relevée par ce savant académicien: elle se retrouve pourtant encore sur la carte de M. Graaberg!...

Dans le Tamaroc de Caillé, il est facile de reconnaître le Tsemrakest (ou plus exactement Tamrah-Qosth) d'Ahhmed, Tamaracost de Léon et de Marmol (1); M. Graaberg en a fait trois positions différentes. En quittant cette station, Ahhmed parvint le jour suivant dans le district de Medghârah, décrit par Léon et Marmol, et auquel semble se rattacher le nom de Mdayara rapporté par Caillé.

Ce n'est qu'à trois journées de là, ou une soixantaine de milles, qu'Ahhmed, s'avançant dans le pays de Tàfilêlt, parvint à El-Dâr el-Baydhâ; cela porte, à ce qu'on voit, précisément dans le canton désigné par Caillé comme formant le territoire de Tâfilêlt. Y a-t-il

(1) Léon, lib. vi, art. Cheneg; Marmol, lib. vır, cap. 26.

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