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Il est encore à remarquer que la plupart des grands monuments qui nous attestent le génie des architectes au XIII., sont sans noms d'auteurs. Cela vient, comme le pensent avec raison ceux qui ont étudié le moyen âge, de ce que, durant cette période éminemment catholique, il n'y eut point d'individus, pour ainsi dire, mais seulement des confréries, des monastères, où l'on mettait en commun, non seulement sa vie, ses biens, ses espérances, mais encore ses pensées, son âme et son génie.

Toutefois, l'art commençait à s'individualiser, et les noms de quelques habiles architectes du XIII. siècle sont parvenus jusqu'à

nous.

Une inscription sépulcrale nous apprend que celui auquel on doit le choeur de SaintÉtienne de Caen, se nommait Guillaume (1).

Nous savons, par la chronique de l'abbaye du Bec, qu'Ingelramme qui avait travaillé à l'église Notre-Dame de Rouen, fut engagé, en 1212, par l'abbé Richard, à rebâtir l'Eglise de cette abbaye; un peu plus tard, Robert de Lusarches éleva la cathédrale d'Amiens; Hugues

murs ont été marquées pourraient donner lieu à quelques observations je n'ai point encore eu le temps de les comparer, mais j'en ai déjà recueilli un certain nombre.

(1) Cette inscription est gravée à l'extérieur de l'apside.

Libergier travaillait, en 1229, à la nef de l'Eglise Saint-Nicaise de Reims (1); Robert de Coucy construisait, dans le même temps, la belle cathédrale de Reims, dont la première pierre avait été posée en 1211 (2).

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Eudes de Montreuil, qui accompagna SaintLouis en Orient, où il fortifia la ville de Jaffa, bâtit le chœur de Beauvais, l'église Notre-Dame de Mantes et plusieurs autres édifices (3).

Il est inutile de citer un plus grand nombre de noms d'artistes; remarquons seulement, en terminant, que beaucoup d'habiles architectes du XIII. siècle n'appartenaient point au clergé; depuis les croisades la plupart des secrets de l'art avaient été confiés à des séculiers, ou devinés par eux. Tout dans la société de cette époque tendait à la sécularisation et à l'établissement des franchises.

(1) Hugo Libergier pronaon ecclesiæ perfecit, utrasque alas, frontem, propyleum et turres; chron. S. Nicas., p. 636. L'inscription tumulaire suivante prouve que cet architecte mourut en 1265.

CI GIT MAISTRE HVES LIBERGIERS QVI COMMENSA CESTE ÉGLISE AN L'AN M CC XX I X LE MARDI DE PAQVES ET TRESPASSA L'AN D. INCARNATION M C CLXIII LE SAMEDI APRÈS PAQVES POVR DEV PRIEZ POR LVI.

(2) Trente ans après (en 1241) on célébra l'office divin dans la cathédrale de Reims.

(3) Cet artiste mourut en 1289, et fut enterré dans le couvent des Cordeliers de Paris, dont il avait bâti l'Eglise.

CHAPITRE IX.

Style ogival secondaire,

(de 1,300 à 1,400 environ).

Réflexions préliminaires sur l'analogie qui existe entre les monuments de la fin du XIIIe. et ceux du commencement du XIVesiècle.-Enumération des caractères les plus saillants de l'architecture au XIVe.-Innovations introduites dans le plan des édifices par l'addition de chapelles le long des collatéraux de la nef.—Caractères des ornements, modifications introduites dans les fenêtres, le triforium, la décoration des portes, des grandes arcades, etc., dans la forme des tours et des clochetons, etc. Mention d'un certain nombre d'édifices élevés au XIV. siècle.

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Je vais indiquer le plus rapidement possible les caractères qui différencient les monuments du XIV. de ceux du XIII.; je dois faire observer avant tout, que vers la fin du XIII'. siècle, l'architecture ogivale offrait déjà la plupart des caractères qui la distinguent au XIV., et l'on comprend combien il serait difficile d'établir des limites absolues pour la

durée de chaque style: nous avons dû indiquer pour commencement du second style ogival l'époque où les changements qui nous permettent d'en établir les caractères sont le plus généralement adoptés.

Or, comme dans toute classification les coupes les plus simples sont les meilleures, j'ai préféré faire concorder celle que j'établis avec le commencement du XIV. siècle; mais je le répète, une fois pour toutes, rien ne doit être absolu dans nos divisions, la marche de l'art a été progressive et constante, il y a plutôt dégradation entre les productions d'un siècle et celles du siècle qui le suit, que des différences tranchées à époques fixes et précises; et qui voudrait toujours appliquer trop rigoureusement nos principes, courrait risque de se tromper souvent dans la véritable appréciation des dates en toutes choses il faut avoir recours aux tempéraments.

Forme des églises. Un changement notable s'introduisit au XIV. siècle dans le plan des églises par l'addition d'un rang de chapelles le long de chacun des bas-côtés de la la nef (v. la fig. 13, pl. I.). Ces chapelles, qui forment en quelque sorte le complément des temples du moyen âge, furent, à cette époque,

construites en sous-œuvre dans un grand nombre d'églises (1) à partir du XIV. siècle, on donna souvent à la chapelle terminale dédiée à la sainte Vierge de plus grandes dimensions qu'auparavant.

J'ai négligé jusqu'ici de parler d'une disposition qui se remarque le plus souvent dans les églises des XII. et XIII. siècles, et dans beaucoup de monuments du XIV. et du XV.; je veux parler d'une légère déviation de l'axe du choeur par rapport à celui de la nef, déviation qui a lieu vers le Nord-Est.

On croit généralement que les architectes qui donnaient aux églises la forme de la croix voulaient par cette déviation du choeur vers le NordEst représenter l'inflexion de la tête du Christ du côté droit, au moment où il expira; si l'inclinaison dont je parle s'observait seulement dans quelques églises on pourrait douter de cette intention, mais je l'ai remarquée dans plus de cent édifices du XIII. et du XIV. siècle (N.-D. de Paris, Bayeux, Le Mans, St.Denis, cathédrale de Nevers, etc., etc.), et

(1) Dans plusieurs cathédrales que je pourrais citer, on avait dès la fin du XIIIe. commencé à construire quelques chapelles le long des collatéraux de la nef, mais ceci n'infirme nullement mon assertion qui est exacte, prise en général.

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