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la date indiquée pour le commencement de l'œuvre, car il ne reste souvent de cette époque que des fondations ou des murs cachés sous les ornements du XIII. siècle (1).

Au reste, hâtons-nous de le dire, le nombre de ces édifices, autrefois réputés exceptionnels, diminue chaque jour et bientôt, j'en suis convaincu, on reconnaîtra qu'ils sont du XIII. siècle ou de la fin du XII. Aussi, je ne crois pas devoir m'arrêter sur ces prétendues exceptions qui cesseront d'être considérées comme telles à mesure que l'étude plus approfondie des monuments en fera mieux connaître l'histoire et les vicissitudes.

La première question qui se présente lorsqu'une anomalie vient contrarier des principes fondés sur une grande quantité de faits concor

(1) Dans la 1. édition de ce Cours et dans mon Histoire sommaire de l'architecture, publiée quelques années plus tard, je m'étais efforcé de démontrer combien me paraissait peu fondée l'opinion qui considère les cathédrales de Coutances, de Chartres et quelques autres comme des monuments du XI. siècle ; aujourd'hui que la science est plus avancée, je ne crois pas devoir m'arrêter à combattre des croyances qui seront tôt ou tard complètement abandonnées de ceux même qui les défendent encore, et qui deviennent moins soutenables à mesure que les observations se multiplient: je supprime donc comme inutile ce passage de mes conférences (1re. édition).

dants, c'est de savoir si le fait exceptionnel est incontestablement prouvé; ainsi, lorsque le style d'un monument ne s'accorde pas avec la date qu'on lui assigne, on ne peut se livrer à trop de recherches pour découvrir si cet édifice n'a point été reconstruit à une époque postérieure, et si l'on ne peut trouver la preuve de cette reconstruction, il est encore prudent de rester dans le doute, car le silence des historiens ne peut souvent donner lieu qu'à de bien faibles présomptions.

D'un autre côté, les inductions qu'on tire souvent de la date de la consécration d'une église pour fixer l'époque à laquelle elle a été construite, ne sont pas toujours certaines par la raison que les dédicaces ont quelquefois eu lieu long-temps avant l'achèvement des édifices religieux.

Enfin, l'on ne fait pas toujours assez d'attention aux retouches nombreuses qui ont eu lieu dans presque toutes les églises, et qui en ont sensiblement modifié ou dénaturé le style primitif.

Il faut encore mentionner une opinion partagée par beaucoup d'observateurs expérimentés, et suivant laquelle les édifices de contrées différentes, quoique présentant le même type, n'appartiennent pas toujours à la même série d'années; ainsi des églises romanes ont été bâties

dans certaines contrées, lorsque l'architecture ogivale régnait déjà sans partage dans d'autres, et l'architecture à plein cintre n'a pas été totalement abandonnée au commencement du XIII. siècle. Nous verrons bientôt que cette opinion est fondée, et il paraît que le cintre et l'ogive ont été employés indistinctement pendant quelques temps dans certaines contrées, suivant le caprice des architectes; les innovations ont été tardives dans un pays, rapides dans un autre, et l'on aurait tort de vouloir toujours régler les progrès variables de l'art sur la marche uniforme du temps.

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Pour me résumer il me paraît évident que l'ogive a été usitée dès la première moitié du XII. siècle dans la France occidentale; il est impossible de faire remonter moins loin quelques parties de l'église de Chartres et plusieurs autres édifices dans lesquels l'ogive domine. Il n'est pas moins vrai que l'architecture romane a régné long-temps encore concurremment avec ce nouveau style, et que l'arc en tiers point ne triompha complètement du cintre qu'à la fin du XII®. siècle. Il faut donc assigner en général à l'architecture de transition la période comprise entre le XIo. siècle et le XIII., et je ne crois pas qu'il y ait lieu de modifier le principe que j'ai posé.

CHAPITRE VIII.

Du style ogival primitif

(Depuis 1180 environ jusqu'à 1300 ).

Observations préliminaires sur l'état progressif de l'art au XIIIe siècle. Description succincte des formes et des ornements appliqués aux différentes parties des monuments de cette époque.-Un mot sur la filiation des combinaisons usitées au XIII. siècle et sur les rapports qui existent entre les diverses parties des monuments romans et celles des monuments à ogives de la première époque. Considérations sur l'effet prodigieux des monuments du XIII. siècle et sur les éléments qui le produisent.

Moyens d'exécution. Les peuples étaient animés, au XII. et au XIII®. siècle, d'un zèle extraordinaire pour bâtir des églises sur de nouveaux modèles. - Conclusion

Nous avons reconnu qu'on n'abandonna pas entièrement l'architecture romane avant le XIII. siècle; mais que dès le XIIo, on éleva des églises dans le style ogival; le tableau que je vais présenter des caractères de cette nouvelle architecture s'appliquera donc principalement aux monuments du XIII., mais il conviendra aussi à une partie de ceux de la fin du XII. siècle.

Quoique les monuments à ogive, élevés depuis

cette dernière époque jusqu'au XIV. siècle, offrent les mêmes caractères généraux, cependant l'état progressif de l'art est visible dans cette série d'édifices, et l'on remarque des différences entre ceux qui remontert au commencement et ceux qui appartiennent à la fin de cette période.

A la fin du XIIe. siècle et au commencement du XIII., l'architecture nouvelle est empreinte d'une physionomie qui rappelle l'ancien style; ce n'est guère qu'au milieu du XIII. siècle qu'elle acquiert la légèreté, l'élégance et les heureuses proportions qui donnent, selon moi, tant de supériorité au style ogival de la première époque sur celui des siècles postérieurs. Je dois me borner ici à faire connaître les caractères généraux de cette architecture; l'observation apprendra bientôt à apprécier les différences au moyen desquelles on peut découvrir l'ancienneté relative des monuments élevés depuis le XII. siècle jusqu'à la fin du XIIIo.

Forme des Eglises. On apporta quelques modifications dans le plan des églises, au XIIIa. siècle; le chœur devint plus long qu'il ne l'avait été auparavant, comparativement à la nef (1). On prolongea les collatéraux autour du sanc

(1) Dans plusieurs églises de cette époque le chœur occupe la partie

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