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CHAPITRE VII.

Origine du style ogival.

Court exposé des principales opinions émises concernant l'origine du style ogival, et recherches sur l'époque de l'introduction de cette architecture dans l'Europe occidentale. L'ogive paraît en général avoir été substituée au plein cintre pendant le XII. siècle. Quelques-uns font remonter plus haut l'introduction de cette arcade dans nos contrées. Examen des faits allégués pour soutenir cette opinion. Réflexions sur la difficulté de faire accorder les progrès variables de l'art avec la marche uniforme du temps.

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Nous venons de voir que l'emploi de l'ogive devint fréquent dans le cours du XII. siècle ; il est curieux de suivre le développement de cette forme nouvelle et de voir comment après avoir été employée concurremment avec le plein cintre, elle finit par lui être préférée : ce progrès de l'architecture ogivale est facile à constater quand on observe quelques monuments de la seconde moitié du XII. siècle et du commencement du XIIIe.

C'est la voûte qui la première paraît s'être

modelée sur les idées nouvelles; elle semble parfois avoir revêtu la forme en pointe, quand le reste de l'édifice était encore sous l'influence du style circulaire.

Puis la forme ogivale fut adoptée pour les fenêtres qui pourtant restèrent quelquefois. semi-circulaire à l'extérieur, tandis qu'elles étaient pointues à l'intérieur.

Ce fut ensuite le tour des portails de se prêter au changement. Des portails il se communiqua aux arcades de la nef et finit par envahir toutes les parties de l'édifice.

Au XIII. siècle, l'arc en tiers point fut généralement préféré au plein cintre.

Mais ce n'était pas seulement l'adoption de l'ogive qui signalait alors une révolution architectonique, c'était, comme nous le verrons bientôt, l'adoption d'un système nouveau de moulures pour la décoration, et l'abandon de la plupart des ornements usités aux XI. et XII. siècles.

Un changement aussi considérable dans la manière de bâtir a particulièrement excité l'attention de tous ceux qui ont étudié l'histoire de l'architecture en France et en Angleterre. Presque tous ont cherché la solution des deux questions suivantes intimement liées l'une à l'autre dans quelle contrée

l'ogive a-t-elle pris naissance? à quelle époque a-t-elle été adoptée dans l'Europe occidentale? Considérée dans toute son étendue, la première question a donné lieu à beaucoup de

controverses.

En laissant de côté les opinions plus ou moins bizarres de quelques antiquaires (1), on peut réduire à trois les principales hypothèses émises sur l'origine du style ogival.

Suivant les uns, ce genre d'architecture existait très-anciennement en Orient, et les Croisés, enthousiasmés de ce qu'ils avaient observé dans ce pays, importèrent l'ogive en Europe, où elle fut généralement adoptée peu de temps après.

Les seconds sont d'accord avec les premiers quant à l'origine de l'ogive; mais ils croient que les Maures avaient introduit cette arcade en Espagne avant les Croisades, et qu'elle se répandit de là dans toute l'Europe, en même temps que la philosophie arabe.

(1) Parmi ces opinions singulières est celle de Warburton, qui a cherché l'origine du style ogival dans les voûtes naturelles formées par les arbres séculaires des forêts, frappé de l'analogie que présentent les grandes avenues d'arbres avec les nefs des églises à ogives dont la décoration est empruntée au règne végétal. Ce savant croyait ainsi avoir trouvé l'origine du système ogival, sans prendre garde que des innovations successives avaient de longue main préparé la révolution qui éclata au XIIIa. siècle.

Les troisièmes rejettent les deux systèmes précédents, et prétendent que l'architecture à ogives est née dans l'Europe occidentale.

Cententons-nous de prendre rapidement connaissance des principaux arguments employés pour ou contre ces différentes hypothèses.

D'abord on ne peut nier que l'arcade en tiers point ne fût connue long-temps avant d'être appliquée à un système particulier d'architecture; le type de cette arcade existe dans les ouvertures formées de pierre surplombant les unes sur les autres, comme on en voit dans plusieurs monuments en Chine, en Egypte et ailleurs.

Mais il y a loin de ces arcades grossières aux ogives proprement dites et au système d'architecture dont elles forment l'un des principaux caractères; aussi de pareils faits ne sont-ils d'aucune importance pour la solution du problème qui nous occupe.

Whittington et lord Aberdeen regardent le style ogival comme originaire de l'Orient. Ils ont habilement défendu cette opinion, et leurs arguments ont beaucoup contribué à la faire prévaloir aux yeux de quelques antiquaires.

Lord Aberdeen affirme (1) que si l'on traçait

(1) Dans la préface placée en tête de l'ouvrage de Whittington

une ligne partant du Pont-Euxin, passant par Constantinople et se terminant en Egypte, on trouverait dans plusieurs régions, à l'Est de cette zone, de fréquents exemples d'arcades pointues accompagnées des formes maigres et légères qui caractérisent l'architecture ogivale, notamment dans l'Asie mineure, l'Arabie, la Perse et sur les bords de la mer Caspienne jusqu'aux déserts de la Tartarie. Le noble écrivain convient qu'il serait impossible de préciser les dates de ces édifices, mais il pense qu'on doit les regarder comme remontant à une haute antiquité.

M. Haggit, dans les lettres remplies d'érudition qu'il a publiées sur l'architecture à ogives, annonce qu'on a remarqué des inscriptions en caractères cufiques sur des arcades en tiers point, et comme il paraît que cette écriture a été abandonnée dans le X". siècle, il résulterait du fait annoncé que l'ogive aurait été connue en Orient long-temps avant les Croisades.

Des observations plus récentes, faites en Sicile par un architecte français, M. Hittorf,

:

intitulé An historical Survey of the ecclesiastical antiquities of France with a view to illustrate the rise, and progress of gothic architecture in Europe. By the rev. G. D. Wittington. London

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