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l'on peut affirmer qu'ils ont été fort rares dans ce pays avant la deuxième moitié du XIIo. L'usage des clochetons paraît s'être introduit plus tôt audelà de la Loire. L'église Notre-Dame de Poitiers en offre plusieurs d'une forme très élégante, et j'en ai vu de pareils sur d'autres églises regardées comme appartenant au XI. ou au XII. siècle.

Au reste, j'ai partout été frappé de leur petit nombre; on les voit le plus souvent aux angles des transepts et des façades, et l'on peut admettre que leur présence dans les monuments romans est encore une de ces innovations qui préparaient insensiblement la révolution qui éclata dans le XIII, siècle, un des éléments de l'architecture à ogives, et qu'ils n'appartiennent pas au style roman considéré dans sa pureté (1).

Le clocheton n°. 5, pl. LVIII, est un de ceux que je citais à Notre-Dame de Poitiers d'autres affectent la forme carrée.

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(1) On verra plus tard pour quelle cause les clochetons se sont multipliés dans le XIII. siècle.

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CHAPITRE VI.

Continuation du sujet.— Considérations sur la splendeur des arts au XIIe siècle.— Détails spéciaux sur la statuaire et la peinture à cette époque.— Sculptures symboliques des XI. et XII, siècles. - Catalogue d'églises appartenant au style roman secondaire.-Un mot sur les différences de style que présentent les monuments romans des diverses contrées de la France. - Conclusion.

Pour peu que l'on observe, on reconnaît que le XII. siècle est une des époques les plus intéressantes de l'histoire monumentale. « Au XII. siècle, époque incomparable, tout « naît, tout resplendit à la fois dans le monde « moderne. Chevalerie, croisades, architec<< ture, langue, littérature; tout jaillit ensemble <«< comme par la même explosion, c'est là que « débute véritablement l'histoire de nos arts, « de notre littérature, de notre civilisation, <<< comme celle des autres arts et des autres «< civilisations de l'Europe (1). »

Une grande impulsion donnée au commerce de l'Italie avec l'Orient, les pélerinages à Jéru

(1) M. Ampère, histoire littéraire de la France.

salem devenus plus fréquents, et surtout les croisades, établirent entre l'Orient et l'Occident des relations nouvelles qui favorisèrent de plus en plus la naturalisation du goût byzantin dans nos contrées. Aussi voit-on au XII. siècle un luxe de moulures que n'avaient point encore étalé les monuments du Xlo. (1).

En même temps que s'opére ce nouveau travail d'assimilation dont les progrès sont manifestes pour ceux qui visitent un certain nombre de monuments du XII. siècle et les comparent à d'autres du XIo., on voit paraître une forme nouvelle pour les voûtes et les arcades; c'est en effet au XII. siècle que l'on commence à employer fréquemment l'arc en pointe ou ogive qui prédomina dans le siècle suivant.

(1) On peut trouver des moulures caractéristiques du XII. siècle sur des églises qui ont été bâties dans le XI. siècle, suivant des documents certains. Il paraît en effet qu'un très-grand nombre de portes et de façades ont été sculptées postérieurement à l'érection des églises dont elles font partie.

On élevait des portes avec des archivoltes unies que l'on ciselait plus ou moins long-temps après l'achèvement de l'édifice. J'en connais plusieurs du XI. siècle, qui ne sont ornées qu'à moitié et qui prouvent la vérité de mon assertion.

Ainsi, si l'on sculptait quelquefois d'avance, et avant de les assembler, les pièces qui devaient composer les cintres des portes; quelquefois aussi elles ne l'étaient qu'après leur assemblage; la nature des ciselures et des matériaux influait sans doute sur le choix du procédé que l'on suivait à cet égard.

Un double intérêt se rattache donc au XII. siècle, époque de splendeur dans les arts, époque aussi de travail et d'invention.

J'ai fait remarquer plusieurs fois, dans le chapitre précédent, que les sculptures romanes les mieux fouillées dataient du XII. siècle; toutes les fois que les moulures seront riches et bien traitées, il y aura lieu de les rapporter à cette époque ou à la fin du XIo. siècle.

Bas-reliefs et statues. C'est aussi au XII. siècle que les figures se multiplient dans les monuments religieux.

Jusqu'à la fin du XI. siècle on avait rendu la figure humaine de la manière la plus bizarre et la plus incorrecte; encore s'était-on borné à la représenter en demi-relief. Je n'ai jamais vu dans nos églises de statues proprement dites qui aient une date antérieure à celle que je viens d'indiquer, et tandis qu'on excellait dans la manière de traiter certaines moulures, on ne savait représenter la figure humaine que d'une manière on pourrait dire hideuse.

Mais au XII. siècle on vit paraître des statues et des bas-reliefs qui, sans être exempts de défauts, étaient, au moins, ramenés à une certaine correction. Cette renaissance de la sta

tuaire contribua puissamment à changer l'aspect des monuments religieux en apportant un élément nouveau dans leur décoration.

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Les archivoltes et les voussures des portes ornées auparavant de zigzags, de frettes crénelées, de billettes et de moulures diverses que j'ai fait connaître, commencèrent à se couvrir personnages (Civray, N.-D. de La Coudre à Parthenay, etc., etc.); les tympans qui jusque-là n'avaient eu pour ornement que des figures chimériques ou simplement des pierres taillées symétriquement, parfois disposées en échiquier, furent aussi tapissés de bas-reliefs.

Le culte catholique avait, comme on le pense bien, modifié les traditions de l'art antique ; l'histoire religieuse avait fourni aux sculpteurs des thêmes qui avaient reçu une sorte de consécration: c'est ce qui explique pourquoi nous trouvons constamment les mêmes sujets rendus de la même manière.

L'un de ceux qu'on observe le plus ordinairement et qui frappe le plus, tant par la dimension des figures que par la place qu'elles occupent, c'est la représentation de Dieu entouré de divers attributs, qui, à partir du XIo. siècle, se trouve fréquemment sur le tympan des portes et parfois au milieu des frontons des

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