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CHAPITRE III.

Court aperçu de l'état de l'architecture en Occident au IV. siècle. Des premières églises chrétiennes ; elles ont été calquées sur les basiliques. Forme de ces dernières et des églises bâties à leur imitation. Un mot sur quelques-uns des monuments religieux qui fureut élevés en France au V. siècle.

J'ai dit que les monuments religieux du moyen âge (depuis le V. siècle jusqu'au XVI. ) peuvent être rangés dans deux grandes classes subdivisées en sept espèces qui se rapportent à sept époques assez nettement circonscrites; je vais successivement présenter les considérations et les développements relatifs à chacun de ces différents styles d'architecture.

Mais auparavant reportons-nous pour un moment aux siècles de l'ère gallo-romaine, et résumons en peu de mots ce que l'on sait de l'origine de la décadence dans les monuments de cette période.

L'architecture atteignit en Occident un assez

haut degré de perfection sous le règne d'Auguste; depuis cet empereur jusqu'à Adrien et aux Antonins elle conserva sa splendeur, mais elle perdit la simplicité du style grec dont elle avait tiré son origine: ensuite elle dégénéra graduellement par la surabondance des ornements et par de licencieuses innovations, surtout après les guerres d'Asie (1).

Ainsi plusieurs parties du vaste palais élevé par Diocletien à Spalatro, au IIIo. siècle, portent l'empreinte du mauvais goût qui commencait à dominer. On y voit des colonnes supportant immédiatement des arcs au lieu d'architraves (pl. I., fig. 1-2), des arcades interrompant l'entablement, et plusieurs autres défauts qui annoncent l'oubli des règles et des principes.

Cet oubli est plus choquant encore dans les thermes bâtis à Rome par le même empereur. Plusieurs des parties qui constituent cet édifice sont du style le plus bizarre et le plus licencieux; des colonnes sans emploi appliquées contre les murs, y sont élevées les unes au-dessus des autres sur des piédestaux de mauvais goût et surmontées d'architraves et de corniches interrompues;

(1) Voir la 3. partie de mon Cours d'Antiquités monumentales,

d'autres colonnes s'appuient sur des consoles et sont couronnées par des frontons brisés et sans bases. La fig. 3, pl. I., représente une partie de cet édifice dans laquelle on peut remarquer la réunion des défauts que je viens d'énumérer.

Les progrès de la décadence devinrent de plus en plus sensibles sous le règne de Coustantin; on orna l'arc de triomphe élevé par le sénat et le peuple romain en mémoire de la victoire remportée par ce prince sur Maxence, avec des colonnes, des statues et des bas-reliefs arrachés à l'arc de Trajan. Les artistes du temps ne purent coordonner convenablement ces différents morceaux de sculpture, et il régna de l'irrégularité dans leur assemblage. La plupart des autres monuments élevés sous Constantin se distinguent par les défauts que nous avons signalés sous Diocletien, et en outre par une grande pesanteur dans les principaux membres des ordres.

La dégradation était donc déjà assez avancée lorsque l'établissement du christianisme, protégé par ce prince, fit élever à Rome et dans les provinces de l'empire, un grand nombre d'églises dont quelques-unes ont subsisté jusqu'à

nous.

DES PREMIÈRES ÉGLISES ET DES BASILIQUES.

Quelle était la forme de ces églises élevées du temps de Constantin?

Pour répondre à la question, il faut savoir d'abord ce qu'étaient les basiliques, car ces édifices furent choisis par les Chrétiens pour la célébration des cérémonies, lorsqu'ils abandonnèrent les catacombes et les chapelles souterraines, et qu'ils purent se montrer librement au grand jour.

Les basilique's servaient à la fois de tribunaux et de bourses de commerce (1). On s'y réunissait pour parler d'affaires; quelques-unes pouvaient aussi contenir des étalages de marchandises comme nos halles ou nos bazars.

A l'extérieur elles se distinguaient par une grande simplicité; les murs percés de fenêtres semi-circulaires régulièrement espacées n'étaient pas décorés de colonnes ni de sculptures comme ceux des temples.

A l'intérieur, deux rangs parallèles de cclonnes ou de pilastres divisaient l'édifice en

(1) On peut consulter à ce sujet la 3. partie de mon Cours d'Antiquités, pages 286 et suivantes.

trois parties inégales dans le sens de la longueur (pl. I., fig. 7). La galerie centrale était la plus large et la plus élevée; elle était occupée en partie par les marchands, les plaideurs, les avocats, en partie par le peuple. Les plaideurs et les curieux se plaçaient aussi à droite et à gauche dans les deux ailes latérales.

A l'extrémité des trois galeries il y avait un espace peu profond (voir le plan n°. 7, pl. I".) qui, comme dans nos tribunaux actuels, était réservé exclusivement aux avocats, aux greffiers et aux autres officiers de justice, et qui se terminait par un enfoncement semi-circulaire placé vis-à-vis de la galerie centrale. C'était au milieu de cet hémicycle que s'asseyait le président ou premier juge (voir le point A, fig. 7, pl. Ir.) ayant à ses côtés les juges assesseurs.

Ainsi disposées, les basiliques parurent aux premiers évêques de Rome tout-à-fait convenables pour la célébration des mystères du nouveau culte, et préférables aux temples qu'ils auraient pu facilement s'approprier. Les Chrétiens devaient en effet se réunir dans la même enceinte, afin de participer tous aux cérémonies sacrées; et les temples généralement peu spacieux ne pouvaient contenir qu'un nombre de personnes beaucoup trop limité; c'étaient, dans l'ancienne

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