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Mais pour revenir au mouvement de progrès qui se manifesta dans les arts au XIa. siècle, le petit nombre de savants qui, depuis quelques années, ont fait de cette époque de renaissance l'objet de leurs études, reconnaissent deux éléments principaux dans l'architecture romane secondaire. D'une part, ils y trouvent un perfectionnement de l'architecture romane primordiale; de l'autre, une imitation marquée de l'architecture byzantine.

Le style byzantin n'est que l'architecture romane modifiée par le goût oriental; c'est une architecture que nous pourrions appeler gréco-romane, pour indiquer par un seul mot les éléments qui la constituent; elle s'était surtout développée dans l'empire d'Orient dont Byzance était la capitale, d'où lui est venu le nom de byzantine.

En parlant de la forme qui avait prévalu en Orient pour les églises romanes primitives, j'ai dit un mot du style qui avait dominé à Byzance et dans les contrées soumises à l'empire d'Orient. Vous avez pu remarquer déjà que le style grec ou byzantin différait du style latin ou de l'Occident.

Bien antérieurement au XI. siècle, le style byzantin avait paru sur quelques points de

l'Europe occidentale; dès le VI. siècle, des architectes grecs avaient élevé plusieurs édifices dans l'exarchat de Ravenne; l'église octogone de St.-Vital, imitation de St.-Sophie, est un ouvrage de ce temps reculé.

Plus tard, le style byzantin se manifesta dans les édifices élevés par Charlemagne sur les bords du Rhin, et notamment dans l'église d'Aix la-Chapelle.

Mais ce n'étaient là que des innovations partielles.

Dans les arts comme dans le monde moral, il y a des révolutions qui ont besoin d'être préparées, qui ont leurs époques et qui ne peuvent éclater que lorsque les esprits sont mûrs pour les changements qu'elles apportent dans le goût et dans les idées.

Ce ne fut donc qu'aux XI. et XII. siècles. que s'opéra véritablement l'association du style byzantin avec l'architecture romane.

Il n'est pas aisé de démêler ce qui appartient au style byzantin dans notre architecture nationale. Pour arriver à un résultat dans cette analyse, il faut avant tout examiner attentivement l'état de l'art aux XI. et XII. siècles. C'est ce que je vais essayer de faire

avant de me livrer à aucune appréciation des éléments divers de l'architecture romane secondaire.

Forme des églises. Les églises du XI. siècle et du XII. furent disposées comme dans les siècles précédents quant au plan principal. La forme ordinaire était celle d'une croix dont les branches s'étendaient du nord au midi, et dont la tête était figurée par le chœur tourné vers l'est. L'entrée principale était à l'ouest. La longueur de la nef comparée à celle du chœur, le développement plus ou moins considérable des transepts, établissaient dans la forme générale des églises des variations très-notables. En général, le chœur plus court que la nef ne formait que le tiers de la longueur totale de l'édifice.

Je connais un certain nombre d'églises du XI. siècle, celle de St.-Trinité d'Angers, par exemple, qui sont remarquables par la brièveté du chœur et des transepts, comparée à la longueur de la nef. Leur plan se rapproche, à cet égard, de celui de plusieurs basiliques anciennes. Par compensation certaines églises aux transepts très-longs offriraient dans leur plan l'image d'une croix grecque, si lá nef avait un peu moins de développement.

Les églises, en forme de croix grecque, sont rares; mais il en existe quelques-unes construites vraisemblablement sur des plans venus de l'Italie ou de l'Orient; telle est la cathédrale de Périgueux (fig. 1, pl. XI).

On fit aussi des églises rondes, peut-être à l'imitation du St.-Sépulcre de Jérusalem. Au nombre de ces églises circulaires est celle de Charroux, département de la Vienne, dont la date ne m'est pas connue, mais qui, selon toute apparence, est postérieure à la première croisade.

Il ne faut pas croire, en effet, que cette église puisse être reportée au temps de la fondation de l'abbaye dont elle dépendait, fondation qui eut lieu sous le règne de Charlemagne, puisque les Normands ravagèrent l'abbaye, et que plus tard elle fut ruinée par un incendie vers la fin du X. siècle. Le monument actuel présente une nef rectangulaire terminée par un chœur circulaire (pl. I., fig. 12) au centre duquel s'élève un autel entouré de huit colonnes qui supportent une tour octogone. Quarante-quatre autres colonnes disposées en cercle sur deux rangs forment deux nefs autour du sanctuaire (1).

(1) Aujourd'hui (1840) la curieuse église de Charroux est presque

L'église de Charroux n'est pas la seule en France dont le plan circulaire rappelle la rotonde du St.-Sépulcre; on connaît la curieuse église octogone de Montmorillon à laquelle on a, pendant long-temps, attribué une origine trèsreculée, mais qui ne peut remonter au-delà du XII. siècle ou de la fin du XI. M. de Saulcy m'a montré à Metz une autre église circulaire, servant aujourd'hui de magasin, et appelée l'église du Temple. Près de Carcassonne, l'église circulaire de Rieux-Mérenville, qui a été décrite par M. de Tournal, paraît, ainsi que la précédente, dater du XII. siècle. Il existe aussi quelques églises de cette forme en Angleterre, et le nom qu'elles portent encore aujourd'hui semble prouver que l'intention des architectes anglais était conforme à celle qui a déterminé, comme je le suppose, les architectes de Charroux et de Metz. En effet, l'église ronde qui existe à Cambridge et celle de Northampton s'appellent encore, l'une et l'autre, églises du St.-Sépulcre; celle de Londres, dont une vue a été publiée dans le 6°. volume de l'Archéologie Britannique, est connue sous le nom d'église du Temple. Et

totalement détruite; M. de Chergé, membre de la Société des Antiquaires de Poitiers, en a publié une description exacte et intéressante.

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