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ticulièrement développé, qu'elles jouissaient, en un mot, d'une civilisation véritable quoique d'ordre inférieur.

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Si, en Danemark, ces tribus paraissent avoir été les premiers occupants du sol, en Gaule elles avaient été précédées par des nomades s'abritant une partie de l'année dans des cavernes qui leur servaient également de sépulture. Ces nomades, chasseurs de rennes, vivaient dans des conditions sociales tout autres et beaucoup plus grossières que les tribus des constructeurs de dolmens. Ils n'étaient pas cependant à l'état sauvage absolu. Le sentiment de l'art était très développé

J.D

Fig. 4.

Bois de renne gravé découvert dans la caverne
de Chaffaud (Charente) en 1851'.

chez eux. Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter un regard sur les ossements et bois de cervidés recueillis dans leurs ca

1. Voir musée de Saint-Germain, salle I, vitrine 22. Cette gravure est la première qui ait été recueillie dans une caverne, à une époque antérieure aux discussions soulevées par les découvertes de Boucher de Perthes. Son authenticité ne peut faire aucun doute. Cfr. Congrès international de Copenhague, 1869, p. 114 et 133; Comptes-Rendus de l'Acad. des Inscriptions, 29 avril 1887.

vernes et qui, gravés et sculptés avec une rare habileté, font l'admiration de tous les visiteurs de nos musées (Musée de Saint-Germain, salle I, vitr. 20-26). L'étude des cavernes habitées forme aujourd'hui toute une branche de la science des temps préhistoriques.

Bien que nous touchions, avec les hôtes des cavernes, à des temps très éloignés de nous, ces nomades eux-mêmes avaient trouvé l'homme déjà établi en Gaule. Boucher de Perthes, dont cette découverte a illustré le nom, a prouvé que dans une antiquité bien plus reculée encore, à l'époque qualifiéc par Cuvier de diluvienne, l'homme vivait, en Gaule, associé aux grands mammifères dont la race est éteinte aujourd'hui : le mammouth, le grand cerf, le rhinocéros tichorinus, le bos primigenius. Des outils ou armes en silex, incontestablement travaillés par l'homme, gisent, en effet, dans les terrains diluviens de la plupart de nos grandes rivières (la Somme, la Seine, la Charente, etc.), mêlés aux ossements de la faune éteinte. Ainsi s'est développé peu à peu, aux yeux des savants étonnés, un âge de la pierre qui, se prolongeant, en Gaule, démesurément dans le passé, peut être suivi dans ses lents progrès jusqu'à l'établissement de l'état social représenté par les monuments mégalitiques, état social qui nous donne, pour la première fois, le spectacle d'une société organisée. - A côté de l'âge de la pierre général et vulgaire, commun à toutes les races à l'origine, et que nous retrouvons encore dans sa grossièreté primitive chez quelques sauvages modernes, a donc existé dans certaines contrées, sous des influences que la science devra déterminer, une civilisation spéciale de la pierre digne de toute l'attention du monde

savant.

Divisions de l'âge de la pierre en Gaule. En France, le pays où l'âge de la pierre se montre dans son plus complet développement, plusieurs subdivisions de cette grande époque ont été proposées; aucune ne paraît complètement satisfaisante. La science est encore en voie de formation. Les divisions qui ressortent des mémoires d'Édouard Lartet, ce sage

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Fig. 5. Silex quaternaires. Types divers (1/2 grandeur réelle).

T. 1.

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esprit, si sincère et si réservé, nous semblent encore les mieux fondées 1° Age de la pierre éclatée ou paléolithique, divisé en: (a) époque des alluvions ou des animaux éteints; (b) époque des cavernes ou des animaux émigrés, dite aussi époque du renne; 2° Age de la pierre polie ou néolithique, se manifestant sous deux aspects: (a) monuments mégalithiques; (b) cités lacustres c'est la période où apparaissent les animaux domestiques et les céréales. Mais ces divisions et subdivisions sont loin d'être applicables à tous les pays.

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Fig. 6.

Habitations lacustres de la Suisse restituées. (Voir Hamy, Précis de Paléontologie humaine, p. 30.)

Géographie des âges de la pierre. - La série des âges de la pierre, telle que nous venons de l'exposer en quelques mots, ne se présente jusqu'ici dans tout son développement qu'en Gaule (France, Belgique et Suisse), où tous les anneaux de la chaîne se sont rencontrés, depuis l'époque paléolithique des animaux éteints jusqu'à l'époque des dolmens et des cités lacustres en traversant l'époque des cavernes. Aucun autre pays n'a cet avantage au mème degré. En Danemark et en

Suède, où l'âge néolithique est si richement représenté, la civilisation dolménique si complète (toutefois sans cités lacustres), l'époque paléolithique tout entière fait défaut. Le pays était inhabité avant l'établissement, dans la contrée, des tribus qui y introduisirent à la fois la pierre polie et les monuments sépulcraux mégalithiques. Ce qui est plus singulier, on ne trouve ni en Danemark, ni en Suède, aucune trace d'un âge du renne. Mêmes observations relativement à l'Irlande. En Grande-Bretagne, l'âge paléolithique est mieux constaté, mais la période des cavernes est loin d'avoir l'importance de la même période en France; elle n'y a point le même caractère et les cités lacustres y sont inconnues. Des lacunes analogues et plus considérables encore se font remarquer en Allemagne. Non seulement l'époque paléolithique y fait pauvre figure et les cavernes habitées y sont d'une grande rareté, mais l'époque néolithique, si ce n'est dans les contrées du nordouest, y est également très mal représentée. Les dolmens sont inconnus dans le centre, l'est et le sud de l'ancienne Germanie où, par contre, il est vrai, se rencontrent des cités lacustres de l'âge de la pierre dans les vallées du Danube et de la Save. En Grèce, aucune de ces époques ne s'est révélée jusqu'ici avec quelque ensemble. L'époque paléolithique y manque même complètement, et si des cités lacustres y sont signalées, c'est seulement en Macédoine, à une date relativement récente et par un historien classique, Hérodote. L'Italie est, sous ce rapport, un peu plus favorisée, bien que la majeure partie de la péninsule paraisse être restée dans un état très voisin de l'extrême barbarie jusqu'à l'arrivée des migrations d'origine orientale déjà en possession des métaux. Les cités lacustres du nord de la Cisalpine sont seules à comparer avec notre âge néolithique.

Il n'y a donc pour les âges de la pierre aucun parallélisme à établir entre les diverses contrées européennes. On n'y peut saisir aucune loi générale de développement social. La civilisation n'y a point suivi une marche uniforme; l'homme n'y a pas passé partout par les mêmes phases d'évolution.

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