EXCURSION EN SUISSE

22 Juillet 1891.

Dès six heures du matin, le 22 juillet, nous nous trouvions, au nombre d'une quarantaine, réunis à la gare de Montbéliard pour prendre le train qui, par Dèle, Délémont et Porentruy, devait nous conduire à Bâle, nous faisant suivre la route sur laquelle avait eu lieu, quelques mois auparavant, la terrible catastrophe de Merchenstein. Le pont n'était pas encore rétabli et c'est sur un pont provisoire que nous avons passé à quelques mètres de l'abîme où ont péri tant de victimes.

A peu de distance après Porentruy nous apercevons dans la vallée la vieille église de Saint-Ursenne, l'une des plus anciennes constructions romanes du pays, dont on nous offre à Bâle un curieux dessin de 1580.

A une heure nous arrivions à Bâle et nous trouvions à la gare M. le docteur Ludwig Sieber, conservateur de la Bibliothèque de l'Université, accompagné de plusieurs de ses collègues, MM. le docteur Chr. Bernouilli, A. Burckhardt et Diaz, et auxquels avaient bien voulu se joindre deux de MM. les Conseillers d'État du canton de Bâle-Ville, qui venaient nous renouveler l'aimable invitation qu'ils nous avaient fait l'honneur de nous adresser de dîner le soir même au

Schützenhaus, hôtel de la Société des Arquebusiers. M. Pierre Carteron, Consul de France, avait eu la gracieuseté de venir, avec les savants Bâlois, serrer la main de ses compatriotes, parmi lesquels, à sa grande surprise, il retrouvait plusieurs amis de sa famille.

Une fois casés à l'hôtel de la Métropole (1) et après un lunch, dont le besoin se faisait sentir, nous nous sommes mis en route, guidés par nos aimables confrères et nous avons entrepris la visite des monuments de Bâle. Mais, ici, on nous pardonnera de ne donner le plus souvent que des itinéraires; il faudrait des connaissances préliminaires et un temps plus long que celui dont nous pouvions disposer pour étudier les richesses archéologiques et artistiques qui, pendant quelques jours, allaient défiler sous nos yeux.

Nous commençons par la cathédrale, belle construction gothique, récemment restaurée, et sur la façade de laquelle on vient de rétablir une statue équestre de saint Georges terrassant le dragon. L'intérieur renferme de nombreux tombeaux dont les statues fournissent de précieux éléments pour une histoire du costume au moyen âge. Du chœur élevé au-dessus d'une crypte, nous passons dans la salle du concile et dans le Musée archéologique, fort riche collection, placée sous la direction de M. le docteur Alfred Burckhardt-Finsler, mais qui gagnerait beaucoup à ne pas être dispersée dans une série de petites salles. Aussi nous associons-nous très vivement au projet qui

(1) Nous avions confié l'organisation matérielle de l'excursion à la Société des Voyages économiques et nous n'avons eu qu'à nous louer des mesures prises par cette compagnie et par l'agent qui nous accompagnait, M. Limousin.

a été formé de la transporter dans une ancienne église, sur la place du Marché. C'est ici que se trouvent quelques têtes peintes à fresque, seuls restes de la célèbre Danse des morts qui était autrefois dans le cloître de l'église Saint-Jean et qui a été souvent reproduite. Nous devons signaler parmi les curiosités du musée de Bâle, à côté de nombreux glaives et instruments de torture, d'objets d'orfévrerie, d'ornements liturgiques, etc., d'heureuses restitutions d'intérieurs (1).

Les cloîtres qui entourent l'église ont leurs murs couverts de nombreux monuments funéraires, dont plusieurs ne sont pas sans mérite. Des cloîtres on arrive à une place plantée d'arbres de laquelle on a une vue superbe sur le Rhin et la basse ville.

Le Musée, situé dans une rue voisine, occupe le second étage des bâtiments de l'Université. Les tableaux les plus importants appartiennent à Holbein et à son école. Plusieurs salles sont affectées aux peintres de l'école suisse moderne. A côté des tableaux, nous ne devons pas négliger la belle collection de dessins des anciennes écoles suisse et allemande.

Au rez-de-chaussée, se trouvent des collections d'archéologie classique et d'ethnographie. Dans la cour sont des fragments de sculpture romaine provenant d'Augst.

L'Hôtel-de-Ville, où siège le grand conseil et le conseil d'État est une construction dans le style gothique bourguignon, dont la façade et la cour sont couvertes de peintures à fresque. Au bas de l'escalier est une statue exécutée en 1580 par Hans Michel, et qui est

(1) Il existe un petit catalogue du Musée en allemand, illustré de nombreuses héliographies.

censée représenter L. Munatius Plancus, fondateur de la colonie d'Augusta Rauracorum. Au premier étage se trouve la salle du conseil d'État décorée de boiseries sculptées, que l'on est en train de restaurer.

Après un coup d'œil jeté sur le Vieux-Pont du Rhin qui relie le Grand-Bâle au Petit-Bâle, nous faisons une rapide toilette pour nous rendre au Schützenhaus, joli pavillon du XVIIe siècle, situé hors de la ville, au milieu de l'ancien tir et dont les salles sont décorées de panoplies d'armes. Les vitraux des fenêtres offerts par les anciens membres de la corporation, sont, malgré l'époque de décadence à laquelle ils appartiennent, d'une exécution remarquable et d'un bon coloris.

Par une gracieuse attention, on avait orné la table du banquet d'un certain nombre de pièces d'argenterie ancienne, vases, coupes, verres à pied et cornes à boire, appartenant aux diverses corporations de la ville de Bâle et qui sont ordinairement exposées dans le Musée d'antiquités.

Au dessert de nombreux toasts ont été portés par M. le Conseiller d'État Speizer, par M. le comte de Marsy, par M. Carteron, consul de France, par M. Castan, secrétaire général du Congrès, par M. le professeur Born, président du Comité du Musée des Beaux-Arts, par M. le baron de Bonnault, par M. le docteur Sieber, par M. le docteur Diaz, par M. Mareuse, par M. le docteur Bernouilli et par M. le professeur Soldan, recteur de l'Université de Bâle.

Nous regrettons de ne pouvoir reproduire qu'un seul de ces discours, celui de M. Castan, qui a su rappeler les souvenirs qui unissaient depuis tant d'années la France à la Suisse :

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