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célèbre abbaye cistercienne de Rosières, fondée en 1130 par les sires de Salins, aujourd'hui complètement disparue. Les sires de Vadans en étaient gardiens.

Il existe un manuscrit, rédigé en 1714 par un religieux de ce monastère, nommé Benoît Besançon, sous ce titre Description de l'église abbatiale de Rosières. Ce manuscrit a été publié en 1879 et 1880, en guise de pièce justificative, par M. Jules Gauthier, dans un travail paru dans le Bulletin de l'Académie de Besancon, sous le titre Les monuments de l'Abbaye de Rosières (Jura). Dans la description des reliques possédées au siècle dernier par l'église abbatiale, le religieux cistercien en cite trois, sous les nos 4, 5, 6, dont l'origine constantinopolitaine est certaine ; c'étaient: 1o un coffret à reliques, porteur d'une inscription rappelant que les Croisés de 1204 l'avaient rapporté de la prise de Constantinople...Dolet Constantinopolis tanto nudata pretio (1); 2° le crâne de saint Akindynos, avec une légende grecque ; 3° l'os du genou de saint Denis l'Aréopagite, également avec une légende grecque. Disons de suite que notre regretté confrère, le comte Riant, n'avait pas eu connaissance de ce document établissant l'existence de ces reliques constantinopolitaines au commencement du XVIIIe siècle dans l'abbaye de Rosières (2).

(1) Voici la légende en entier telle qu'elle a été copiée par Benoît Besançon :

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Dolet Constantinopolis - tando nudata pretio

Sed iste locus nobilis - gaudet de tanto premio.

(2) Il ne cite dans les tableaux qui sont à la fin de son mémoire des Dépouilles religieuses enlevées à Constantinople (Pa

Parmi ces trois reliques, citées par Benoît Besançon, une, on va le voir, nous intéresse tout particulièrement, c'est le crâne du saint grec Akindynos. Je commencerai par reproduire ici la description qu'en a faite le religieux cistercien sous le n° 5 de son inventaire ou « Brief estat ou mémoire des Saintes Reliques qui sont et se trouvent présentement en l'abbaye de Rosières, comme encore de l'argenterie qui y est. »

< 5° Châsse de saint AKINAINOZ (coffret du XVoXVIe siècle).

« Il y a encore dans ladite abbaye de Rosières un joli coffret d'argent, fait en dos d'âne, orné de fleurs aussi d'argent sur le faite. » .....Suit la description du coffret, puis cette phrase

Dans ledit coffret d'argent, il y a plusieurs reliques, et entre autres, il y a le crâne de saint Akindin, patriarche grecque (sic). Sur ledit crâne il y a une plaque ou lame d'argent sur laquelle son effigie en portrait est en relief avec les lettres suivantes grecques Ο ΑΚΙΝΔΙΝΟΣ (ΑΚΙΝΔΙΝΟΣ en grec id est extra periculum vel sine periculo). Dans le martyrologe grec, que les RR. PP. Jésuites du collège de Dole me firent voir, quand je leur portais ledit crâne pour déchiffrer les lettres grecques qui étaient gravées sur ladite lame ou plaque d'argent, nous y trouvâmes: Sanctus Akindinus martyr, vigesima die aprilis.

<< Ils me dirent encore qu'on ne pouvait faire l'office et la fête: « cranium enim est pars notabilis corporis,

ris, 1875) aucune relique de Rosières. D'après lui, les seules reliques portées en Franche-Comté seraient le chef de saint Jean-Calybite et le Saint-Suaire, rapportés par Othon de la Roche et déposés à la cathédrale de Besançon (Ibid., p. 206-207).

pingitur ille sanctus in illa lamina argentea vel æris deaurati; uti alias depingebantur patriarchæ vel episcopi Græciæ scilicet cum pallio et pluribus crucibus e collo pendente usque ad pectus. Verisimile est quod illud cranium missum nobis fuerit e Græcia tempore bellorum crucigerorum. »

Nous avons vu que la provenance constantinopolitaine d'une des reliques de Rosières était prouvée par l'inscription même qui y figure. Il n'est pas douteux que les deux autres reliques byzantines, citées par Dom Benoit Besançon, le crâne de saint Akindynos et l'os du genou de saint Denis l'Aréopagite, n'aient exactement la même origine, et comme les sires de Vadans, protecteurs de l'abbaye, ont figuré à la croisade de 1204, M. Gauthier, dans le savant mémoire que j'ai cité plus haut, n'hésite pas à leur attribuer le don de ces objets vénérables. « Ce n'est pas trop présumer de leur générosité, dit-il, que de leur attribuer, sous toutes réserves. le pieux larcin de ces reliques au pillage de Constantinople et leur don à Rosières, dont ils étaient les gardiens. >>

Si M. Gauthier avait eu à ce moment connaissance de la publication des Exuviæ sacræ constantinopolitanæ du comte Riant, il aurait pu nous donner un renseignement de plus sur la relique de saint Akindynos et nous dire son origine certaine. En effet, au tome II, p. 224 de cette publication, le crâne de ce martyr se trouve cité dans l'Inventaire des reliques des églises de Constantinople, dressé par Antoine, archevêque de Novgorod, en 1200, quatre ans seulement avant le pillage par les Croisés latins.

"Inde venitur ad ecclesiam SS. Cosma et Damiani sat magnam. in qua adservantur crania Acyndini et Cosma, argento cooperta.

celui

Le crâne de saint Akindynos, mentionné par le pèlerin russe de l'an 1200, est bien le même objet que dont nous entretient le religieux franc-comtois du XVIIIe siècle. Un détail précis nous en donne la preuve certaine, c'est l'existence même de cette plaque d'argent doré portant l'effigie du saint, et qui se trouve mentionnée dans ces deux descriptions, faites à cinq siècles de distance.

Durant la période révolutionnaire, les richesses de l'abbaye de Rosières furent détruites. Toutes les reliques mentionnées dans l'inventaire de 1714 dispa

rurent.

Les choses en étaient là depuis un siècle lorsque, cette année même, le crâne de saint Akindynos, ou, plus exactement, un fragment de son crâne, encore muni de la fameuse plaque d'argent, a été presque miraculeusement retrouvé dans les circonstances que

voici.

M. l'abbé Guichard, curé de Pupillin, petit village du département du Jura, tout proche de Rosières, archéologue zélé, a fait faire ces temps-ci des fouilles sur certains points de sa commune et de la commune voisine de Grozon. Malgré les très modestes ressources dont il dispose en sa qualité de curé d'une des plus petites paroisses du Jura, les fouilles de l'abbé ont produit d'importantes découvertes d'antiquités gauloises et gallo-romaines. Cette année, elles ont été poursuivies par lui sur le territoire de Grozon dans de vastes amas de cendres provenant de la combustion du bois dans l'exploitation d'une antique saline. Ces cendres, déversées dans la suite des siècles aux environs de la saline, forment une colline artificielle exploitée aujourd'hui pour l'amendement des terres.

C'est dans ces cendres, à une profondeur de 1m 50, qu'un des ouvriers de l'abbé a retrouvé l'objet que voici et qui n'est autre que la relique de saint Akindynos.

L'abbé Guichard, au Congrès de la Société française d'Archéologie de cette année, fit voir sa trouvaille à M. J. Gauthier. Celui-ci, lisant sur la plaque d'argent qui accompagne l'os du saint l'inscription donnant le nom d'Akindynos, se rappela aussitôt le passage de l'inventaire de Benoît Besançon concernant cette relique, qu'il avait publié en 1880. Il n'y avait pas à en douter; c'était bien là la portion du crâne du saint byzantin, jadis vénérée dans l'église des saints Côme et Damien, de Constantinople, et qui avait été conservée de 1204 à 1791 à l'abbaye de Rosières. Et ce qui rendait précisément cette constatation certaine, c'était la présence de cette plaque d'argent déjà signalée par le pèlerin russe de l'an 1200, et puis au siècle dernier. par le cistercien, et qui, encore fixée à l'ossement, portait l'effigie et le nom du confesseur des premières années du IVe siècle.

La trouvaille de l'abbé Guichard me fut immédiatement communiquée par mon ami le comte de Marsy. On comprend combien je fus intéressé par cette découverte d'une nouvelle relique authentique de Constantinople, dépouille du grand pillage de 1204. Grâce à l'intervention de M. de Marsy, M. l'abbé Guichard a poussé l'obligeance jusqu'à consentir à me confier pour quelques jours sa précieuse relique. C'est ce qui me permet de la faire passer sous vos yeux. L'os, je le rénète, est un fragment considérable du crâne; c'est une portion du pariétal gauche, au niveau de la bosse pariétale. Le fragment a été arrondi pour

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