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est surmonté lui-même d'une forte corniche où s'étage un fronton découpé comme celui des bahuts de menuiserie. Deux cornes d'abondance, débordant de fruits, sont appuyées à leur naissance contre un médaillon ovale encadré de fruits et de feuillages, contenant dans un écu à l'allemande une tête de mort entourée de cette philosophique devise: TENDIMVS HVC omnes.

Au-dessus de cet ensemble surgit une niche voûtée en coquille contenant une statuette de la Vierge en marbre blanc, représentant celle-ci drapée dans un long voile, les mains jointes sur la poitrine. Au-dessus, un Père éternel, traité presque en bas-relief, est assis sur des nuages, les épaules drapées, le corps perdu dans les plis d'une longue robe; sa main gauche tient un globe crucigère; sa droite ouverte complète du geste les paroles de bénédiction que semble prononcer sa bouche.

Ajoutons, pour compléter l'agencement de ce retable qui touche presque la voûte, deux hautes colonnes de marbre rouge, cannelées, avec chapiteaux corinthiens et soubassements de marbre blanc en forme de piédestal; chacune d'elles est surhaussée d'une console disproportionnée, ciselée de palmettes, qui supporte une statuette d'ange de marbre blanc, debout, ailes déployées, tenant un chandelier. Les trois faces du piédestal des deux colonnes portent en faible relief, celui de gauche le Christ ressuscité entre saint Jean-Baptiste et saint Marc, celui de droite sainte Véronique montrant la Sainte Face, entre saint Pierre et saint Paul.

En regard du retable de l'Annonciation, où se trouve amalgamée sous des ciseaux différents et d'une façon un peu incohérente la double idée de l'Annonciation, vocable de la chapelle, et de la Résurrection démontrée

par le Christ entouré de ses saints, se dresse la superbe ordonnance du tombeau des d'Andelot, traité dans le style des bahuts du temps d'Henri II. Sous deux portiques de fausse architecture profilés en perspective et taillés dans du marbre rouge, se détachent deux figures orantes agenouillées, grandeur nature, représentant Pierre d'Andelot en costume d'abbé cistercien, tourné vers la droite, et derrière lui, Jean son frère, en armure, drapé dans un manteau de chevalier de Calatrava. Surmontés d'un fronton unique et légèrement cintré, dans lequel apparaît, mutilé, l'écu de la famille d'Andelot, ces deux portiques sont ciselés dans la pierre de Sampans. Leur ton chaud fait ressortir et le marbre blanc rehaussé d'or de l'armure du combattant de Pavie, de celui qui de la royale épée de François Ier reçut en l'arrêtant une glorieuse balafre, et le marbre noir de la coule monastique de l'abbé de Bellevaux; la mâle figure du soldat forme contraste avec la tête imberbe et quelque peu banale de l'homme d'église, qui devant lui et comme lui, joint ses mains suppliantes. Sur la frise servant de soubassement immédiat à cette superbe page de sculpture, à ces figures d'un caractère pseudo-vénitien, se lit, partagé en deux versets par quatre têtes ou masques à l'antique (deux au centre, un de chaque côté), ce mauvais quatrain dicté vraisemblablement par l'abbé Pierre d'Andelot:

En bonne paix et union
Fraternité et dilection

Ces deux frères et en accord
Vescurent jusques à la mort.

Une inscription latine d'égale étendue et disposition remplissait naguère la frise interposée entre l'extrados. des portiques et le couronnement, mettant sans doute

sous la protection des saints du retable le repos éternel des deux frères unis dans le tombeau (1) (Pl. 4).

S'élevant à 5m 50 du sol, son fronton se heurtant presque au formeret de la voûte, ses flancs ayant pour contreforts de hautes volutes de marbre rouge, le tombeau proprement dit repose sur un revêtement, analogue à une boiserie, composé de marbres polychromes, égal en hauteur au portique avoisiné de balustrades qui donne accès à la chapelle. Ce revêtement, dont la saillie ne dépasse pas celle d'une menuiserie à fortes membrures, reproduit sur deux faces de la chapelle d'Andelot, celle opposée à la clôture et celle opposée à l'autel, le même dessin que nous verrons tout à l'heure dans la chapelle de la famille Mairot : une ordonnance d'arcatures cintrées, séparées par des pilastres à cannelures, surmontées d'une frise et d'une corniche. Sous ces panneaux règne, à une assez faible distance du sol, un banc continu de marbre rouge reposant sur ces arcatures profilées en tore, dont le demi-cintre au moment de toucher le sol se replie intérieurement en colimaçon. Une frise en pierre jaune, ornée de feuilles d'acanthe, surmontée d'un attique divisé en panneaux chargés d'armoiries, avec supports délicatement ouvrés, précède la corniche, que soutiennent de petites consoles en pierre de Sampans. La même pierre a fourni les matériaux des encadrements en arcature et des pilastres cannelés du revêtement.

(1) Voici les seules lettres que nous avons pu déchiffrer dans cette partie odieusement martelée en 1793:

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Chacune des arcades porte incrustée une série de très légers bas-reliefs traités à la manière des camées antiques, alternativement taillés dans du marbre blanc et noir et bizarrement empruntés, sauf un, à l'iconographie de l'Olympe. En partant de la gauche du spectateur, c'est-à-dire de la droite de l'autel, nous rencontrons les sujets suivants: 1, masque grotesque tirant la langue; 2, arabesques, style des reliures Henri II; 3, grotesque coiffé et soutenu de feuilles d'acanthe; 4, tête de Cérès; 5, tête de Bacchus; 6, tête de MichelAnge; 7, tête de Gorgone; 8, tête casquée et barbue de Mars; 9, deux bustes grotesques de profil, adossés; 10, mufle grotesque feuillagé; 11, tête à triple visage, barbue et couronnée; 12, buste d'empereur romain; 13, tête de Bacchante; 14, tête casquée de jeune guerrier; 15, arabesques analogues à celles du n° 2.

Du même ciseau qui exécuta ces reliefs, empruntés aux recueils gravés qui pullulaient au milieu du XVIe siècle, sont incontestablement sortis et les huit panneaux de l'entablement du dossier, représentant autant de groupes de tritons, hippocampes, sirènes, griffons et naïades affrontés, soutenant des médaillons ovales jadis armoriés (aux alliances d'Andelot), et la frise élégante, pareille aux têtes de chapitre des imprimés de la Renaissance, qui soutient le fronton triangulaire de l'oratoire adjacent. Dans les rinceaux de cette frise, dont un masque grotesque occupe le centre, attaqué à la fois par deux couleuvres enroulées qui sifflent à ses oreilles, un chien est représenté poursuivant un fauve et épouvantant un oiseau.

Jadis, paraît-il, une série de pupitres ou prie-Dieu, analogues à celui qui meuble le petit oratoire, était disposée devant les bancs de pierre qui entourent deux

côtés de la chapelle et complétait la décoration dont nous avons cherché à préciser les moindres détails.

De cette étude minutieuse, il résulte pour nous cette conviction absolue, c'est que trois artistes au moins, quatre peut-être, ont collaboré à cette chapelle funéraire, sous l'inspiration de Pierre d'Andelot. Mettant de côté le sculpteur champenois auquel nous attribuons, d'après leur style, la Vierge et les deux sybilles du retable, nous allons les nommer, presque sûrs d'une conclusion que nous sommes les premiers à émettre.

L'auteur des deux figures monumentales, autour desquelles toute la décoration se groupe, ne peut être que le sculpteur franc-comtois que Gollut, le premier de nos historiens, a loué comme le statuaire par excellence; c'est Claude Arnoux dit Lulier, l'auteur du Charles-Quint de bronze de l'Hôtel-de-Ville de Besançon, dont nous avons essayé de faire revivre ailleurs et le nom et les œuvres oubliés (1). Or, Gollut était de Pesmes, il avait vécu côte à côte avec Claude Lulier, <«< cet excellent ouvrier », et fréquenté, il le dit, son atelier de Dôle, et s'il l'a proclamé avant Jean-Jacques Chifflet«<le Polyclète » de son temps, c'est que l'artiste n'avait sur le terrain comtois aucun rival à . craindre.

Nous connaissons de Lulier deux œuvres bien authentiques, le Neptune, à l'allure si vénitienne, qu'il exé

(1) Claude Arnoux dit Lulier, Étude sur un sculpteur franccomtois de la Renaissance, par Jules Gauthier (Bulletin de l'Académie de Besançon, 1890, 112). — Les initialeurs de l'art en Franche-Comté au XVIe siècle, par Jules Gauthier (Recueil des lectures faites au Congrès des Beaux-Arts, tenu à Paris en 1893).

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