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Elle appartient aujourd'hui à l'administration militaire, qui y a établi un magasin à fourrages. Gardonsnous de nous en plaindre, car elle aurait disparu. depuis longtemps si elle avait appartenu à un particulier.

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IX

NOTES

SUR QUELQUES

TEMPLES DE BASSE-NORMANDIE

Par M. Émile TRAVERS.

Le temple de Montbéliard, bâti en 1604 par l'architecte Schickhardt, est un des rares exemples de monuments élevés au XVIIe siècle pour l'exercice de la religion réformée et existant encore en France. Il est vrai que le comté de Montbéliard, ayant eu des souverains protestants depuis la Réforme, n'a été annexé à la France qu'en 1796 et que, partout ailleurs, à l'époque de la révocation de l'édit de Nantes, souvent même quelques années auparavant, les temples ont été systématiquement détruits. Il n'est donc pas sans intérêt de relever ce qui touche à ces édifices, et c'est pour cela que je veux rappeler ici le peu que l'on sait sur le temple de Caen et quelques autres prêches de BasseNormandie.

En Normandie, la Réforme, surtout pour des causes politiques, et à l'instigation de quelques familles consi

dérables du pays, avait, dès les premiers temps, compté un grand nombre de prosélytes. Malgré les édits, malgré les persécutions, les progrès des nouvelles croyances avaient été rapides. Dès 1555, année même où s'organisa à Paris l'église du Pré-aux-Clercs, on vit se former en Normandie celles de Saint-Lo, de Dieppe, de Montivilliers, de Bayeux. Rouen date de 1557; Caen et Le Havre de 1558; puis vinrent Évreux, Luneray, Harfleur, Lillebonne, Falaise, Pont-Audemer, Caudebec, Vire, Conches, Gisors, Carentan, Alençon, Le Plain, Valognes et les autres qui, en 1560, couvraient la province entière (1).

Tout d'abord, les Réformés se rassemblerent, comme ils purent, dans des maisons aux faubourgs des villes, dans des châteaux dont ils comptaient les propriétaires au nombre de leurs partisans, dans des granges ou même en plein air. Souvent aussi, là où ils furent les plus forts, ils s'établirent dans des églises d'où ils avaient chassé les pasteurs légitimes. C'est ce qui eut lieu, dans les environs de Caen, à Plumetot, à Périers, à Secqueville-en-Bessin, à Putot et à Soliers (2).

L'église de Caen fut érigée, en 1558, sous la direction de deux régents de cette ville, maître Vincent Le Bas, sieur du Val, et Pierre Pinson ou Pinchon, ainsi que d'un Flamand nommé Cousin (3). « Le culte, dit

(1) Théodore de Bèze, Histoire ecclésiastique des églises réformées au royaume de France, depuis l'un 1521 jusqu'en 1563; Anvers (Genève), 1580, t. I, p 220, 305.

(2) Charles de Bourgueville, sieur de Bras, Les Recherches et antiquitez de la ville et Vniversite de Cuen; Caen, 1588, in-8°, p. 240.

(3) De Bras, ibid. Sophronyme Beaujour, Essai sur l'histoire de l'Église réformée de Caen; Caen, 1877, in-8°, p. 24, 25.

M. Beaujour, fut établi à la fois au Tripot ou Halle au blé, sur l'emplacement duquel a été construite depuis la maison no 50 de la rue Notre-Dame (1), et dans un local de la rue Guilbert. »

La Réforme fut officiellement reconnue par l'édit du 17 janvier 1562, et ses adhérents eurent le droit de continuer leurs assemblées, mais seulement de jour et hors des villes.

Au commencement de l'année 1563, ils étaient maîtres de la ville de Caen, où les cérémonies catholiques avaient entièrement cessé et où le seul culte public. était celui des protestants. Le jour de Pâques (11 avril 1563), ils firent la cène au couvent des Cordeliers dont ils brûlèrent l'église et les bâtiments la nuit suivante. Ce ne furent pas malheureusement les seuls ravages dont eurent à souffrir les églises et les monastères de Caen; tous furent l'objet de pillages et d'actes de vandalisme qui firent disparaître une foule d'objets précieux.

Cette conduite des protestants fut plus tard sévèrement punie. A partir de 1568, leur culte fut interrompu à Caen et il leur fallut transporter leurs assemblées parfois assez loin de la ville, chez des gentilshommes, tour à tour à Chicheboville, chez M. de Noyre, seigneur dudit lieu et y possédant un plein fief de haubert; à Avenay, chez la veuve de Jehan Regnauld, écuyer; à Venoix, sur le fief au Maréchal; à Secqueville-en-Bessin, dans le manoir de François Guillebert; à Fontaine-Étoupefour, chez Louis Le Valois, fils de Nicolas Le Valois, qui avait fait bâtir à Caen le fameux hôtel d'Escoville; à Verrières, au manoir d'Antoine

(1) Aujourd'hui rue Saint-Pierre.

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