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IV.

LES

FORTIFICATIONS DE DOLE

PAR

MM. Jules GAUTHIER, archiviste du Doubs

ET

Julien FEUVRIER, professeur au collège de Dole.

L'ancienne capitale du comté de Bourgogne occupe deux collines de la rive droite du Doubs et le ravin qui les sépare. La colline septentrionale est couronnée par l'église Notre-Dame; sur l'autre colline, regardant le couchant et coupée à pic du côté de la rivière, s'élevait naguère. au bord d'un rocher, le château des comtes souverains.

Les origines de Dole sont fort obscures; si le passage d'une voie romaine et des ruines antiques signalées dès le XVIe siècle témoignent, de son ancienneté, il faut venir au IXe siècle pour voir citer son nom (1).

(1) Agilmar, évêque de Clermont, qui vivait à cette date, était né à Dole.

Des chartes des XIe et XIIe siècles qualifient Dole de castellum, de castrum, et ses habitants d'oppidani, ce qui détermine l'existence d'un château et d'un bourg fortifié mettant ses habitants à l'abri d'un coup de main, en même temps qu'ils protégeaient le gué du Doubs, auquel la ville peut devoir sa naissance aussi bien que son nom (1). Au XIIe siècle, lorsque Rainaud III et l'empereur Frédéric Barbe-Rousse faisaient à Dole de fréquents séjours, l'enceinte primitive semble remplacée déjà par une muraille flanquée de tours, du côté ouest el nord tout au moins, le côté est étant suffisamment défendu par la rivière, le côté sud par le château.

En 1274, au moment où Alix de Méranie affranchit les Dolois, l'enceinte n'a pas changé, quatre portes lui donnent accès celle d'Arans (entrée de la caserne Bernard), celle de Saens (devant le théâtre), celle de Besançon (extrémité de la rue du même nom), enfin celle du Pont.

Ces fortifications étaient en mauvais état en 1360 et le 12 juillet de cette année, à Auxonne, le duc de Bourgogne ordonna de « renforcir de murs, travaux et eschiffes » la ville de Dole, par crainte sans doute des Anglais et des Grandes Compagnies. En 1375, nouvelles réparations; puis, en 1412, sur la demande des Dolois, Jean sans Peur leur alloue 300 francs par an durant quatre ans, à prendre sur les revenus de Dole et de Châtenois, pour compléter les fortifications de la place, a charge par la caisse municipale de fournir pareille subvention. C'est alors, rapporte un compte

(1) Dole procède philologiquement du radical thor (dor, dol), qui signifie porte, port ou passage.

du trésorier du comté de Bourgogne, Guyot Vurry, qu'il fut << commencé à clore et fermer de gros murs et de tours lad. ville du costé devers la rivière au long de la rue des Chevannes où oncques n'avoit eu murs ne fermeté. » (1).

Sous Philippe le Bon, six nouvelles annuités de 300 francs sont encore allouées à la ville pour compléter son système de défense; les bourgeois ne furent cotisés qu'à 600 francs, vu leur pauvreté et les charges considérables que leur imposaient l'entretien du grand pont et des écluses de leurs moulins.

Après la mort tragique de Charles le Téméraire, Louis XI s'empara de la Franche-Comté et mit garnison à Dole; les habitants se soulevèrent et, en 1477, chassèrent les « escharpes blanches ». Le châtiment se fit attendre, mais sa cruauté fut épouvantable. Le 25 mai 1479, Charles d'Amboise, gouverneur du comté de Bourgogne pour le roi de France, pénétra traîtreusement dans la ville, grâce à la coïncidence et au parjure de mercenaires alsaciens; après deux jours de meurtres et de pillages, un corps de 18,000 francsarchers brùla et détruisit méthodiquement toutes les maisons, tous les édifices publics. « Tout le circui des murailles de lad. ville, pour la laisser du tout champestre, fut abattu (2). Les ponts de pierre « grans et anciens» et jusqu'aux écluses qui dérivaient l'eau du Doubs dans le canal des moulins et dans les fossés furent rompus, l'anéantissement de Dole était con

sommé.

(1) Arch. municip. de Dole, no 1177.

(2) Arch. municip. de Dole, no 1180. - J. FEUVRIER, Notices historiques sur la ville de Dole, 1893.

Au moment de cette catastrophe, voici quel était le système défensif de la place: son enceinte mesurait un périmètre de 820 toises le comte (1), soit 2038 mètres. De la tour ronde des Bénits jusqu'à la porte de Besançon ou porte Verte (60 toises), la courtine n'était flanquée que d'une forte tour carrée dite des Cigognes. De cette porte de Besançon jusqu'à celle de Montroland (ou de Saens) (240 toises), on rencontrait d'abord un «coute» ou petit flanc carré, puis la tour Frémy, rectangulaire; ensuite un nouveau coute; la tour Thiébaud, ronde et grosse; la tour Saint-Marc, ronde; un coute; la tour Pénisse, la tour de Landon; un triangle dit «< fer à cheval » (derrière le couvent actuel de la Visitation); un coute; la tour Marchand (ou Notre-Dame); la tour de Citeaux (derrière le collège), et enfin un dernier coute. Entre la porte Montroland et la porte d'Arans (110 toises), existaient un coute, la tour Drouhot, la tour Nicole. Entre la porte d'Arans et la tour du Crot (à l'intersection de la rue du VieuxChâteau et de la rue de l'Hôtel-Dieu) (100 toises), se voyaient les tours Nourrice, d'Angoule- Bise, Malcouverte (ou Saint-Michel), et le massif du vieux château. De la tour du Crot à la porte du Pont, le rempart (long de 150 toises) traversait les terrains (alors vagues) où furent bâtis depuis l'hôpital et l'ancienne abbaye des Dames d'Ornans. pour atteindre le canal des moulins à gauche de la Halle au blé et, côtoyant le cours d'eau, aboutir finalement à la porte du Pont. Cette partie de l'enceinte était flanquée de la tour Fendue,

(1) La toise le comte valant 7 pieds le comte (0TM355 le pied) équivalait à 2m 485, d'après l'Annuaire du Bureau des Longitudes.

de la tour Saint-Claude (ou tour Naulot), des tours Marcousse et de l'Abreuvoir, enfin de la demi-tour Brûlée voisine du Pont. De ce dernier point, la courtine (160 toises), renforcée des tours Barrault et Seguine, courait le long du canal jusqu'aux Bénits.

A l'intérieur un chemin de ronde suivait la muraille, desservi de distance en distance par des escaliers, le rempart était percé presque à fleur de terre d'ouvertures << monniers ou monnyets » par lesquelles on pou-vait décharger sur l'ennemi artillerie ou arbalète ; ajoutons que des «< chaffaulx ou chauffaulx » surmontaient partie des tours ou des portes, permettant de fouiller l'horizon et d'utiliser les armes de trait. Chaque porte percée dans une tour était défendue par une herse et un pont-levis. et précédée d'un pont gisant. Tout autour de la forteresse régnait un double fossé avec glacis couronné d'une haie vive; les abords des portes, en avant des ponts gisants, étaient munis d'une forte barrière reliée à droite et à gauche aux haies des glacis par deux lignes de lices.

Après la mort de Louis XI, dont la haine avait pulvérisé Dole comme celle de Charles-Quint devait un jour anéantir Thérouanne, Charles VIII permit aux malheureux Dolois, réfugiés dans des cabanes, de relever leurs foyers. Les États réunis à Besançon en 1483, obtinrent du roi pour les villes et bourgs du comté la liberté de reconstruire leurs remparts; en 1491 celui-ci accorda même à la ville de Dole pour cet objet une somme de 2,000 francs. Quand le traité de Senlis rendit, le 23 mai 1493, la Franche-Comté à la maison d'Autriche, les travaux se poursuivirent avec toute l'activité que comportait la détresse financière d'une po'pulation épuisée; dès 1496, d'après un procès-verbal

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