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dans les dernières années du VIe siècle. Ruinée par les Sarrasins vers l'an 732, puis par les Normands, sur la fin du IXe siècle, elle fut réédifiée par saint Bernon, fils d'un des seigneurs du pays. Sous le gouvernement du saint abbé et pendant les deux siècles qui suivirent, le monastère devint célèbre dans la France entière : ce fut sa période de gloire. Ses bâtiments étaient devenus trop étroits pour contenir la foule des moines; on dut en élever de plus vastes, en même temps qu'une église mieux appropriée à des besoins nouveaux.

Cette église est un édifice de proportions importantes, régulièrement orienté, à trois nefs et transept formant la croix latine. Sa longueur totale est de 70 mètres. La nef principale est formée de neuf travées d'arcades massives en plein cintre, jetées sur de gros piliers alternativement carrés, cylindriques et octogones. Ces piliers n'ont ni bases, ni chapiteaux, mais se terminent par un simple tailloir, aux angles duquel viennent s'amortir les chanfreins, dans les piliers octogones. Primitivement, la maîtresse nef, aujourd'hui voûtée, était couverte par une charpente apparente. Un rang de fenêtres s'ouvre au-dessus des grands arcs. Les bas-côtés ont une longueur de 40 mè-` tres, et également neuf travées, dont la dernière, sous le transept, a été murée à une époque inconnue, pour la séparer des travées précédentes; des voûtes d'arêtes couvrent les basses nefs; elles sont munies de formerets peu accusés et d'arcs doubleaux en maçonnerie, avec pilastres répondant aux piliers de la grande nef. Chaque travée est éclairée par une fenêtre; mais ces fenêtres ont été remaniées au cours du XVIe siècle, sauf celles des deux travées inférieures du bas-côté droit, qui nous en montrent la forme primitive, très étroite et à plein cintre sans moulures.

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Le transept de droite est seul conservé dans son entier, celui de gauche ayant été démoli en partie, selon M. Rousset, pour cause d'humidité (1). Il communique avec les nefs par de grandes arcades; sa voûte est en berceau; deux travées le composent : la première continue le collatéral, et la seconde, qui en est séparée par un arc doubleau, fait une saillie de 3m 50 dans œuvre. Le choeur a été réédifié dans le style du XIIIe siècle et le sanctuaire date du XVe, comme l'indiquent les chapiteaux et le profil des nervures. C'est dans la première restauration que les murs de la grande nef furent surélevés et la charpente apparente remplacée par une voûte, qui fait suite à celle du chœur. On ne peut douter que l'édifice ne se terminât autrefois par trois absides semi-circulaires. En effet, des deux côtés du chœur, à la suite du transept, une arcade cintrée donne accès dans une nouvelle travée couverte par un berceau. Malheureusement les absidioles terminales ont été détruites vers le XVe siècle, pour faire place à deux chapelles.

L'extérieur de l'édifice répondait à la simplicité sévère de l'intérieur. Nous ne pouvons juger de l'ornementation de la façade, car elle a été complètement remaniée, sinon rebâtie, par l'abbé Henri de Salins, au commencement du XVe siècle. Pas la moindre moulure ou la moindre colonnette aux fenêtres; le seul ornement des murs était une série d'arcatures lombardes, dont le collatéral nord a conservé des débris à sa travée supérieure. La tour du clocher surmonte le côté droit du transept; ses étages inférieurs sont

(1) Rousset, Dictionnaire historique des communes du Jura, art. Baume, t. I, p. 183.

romans et gardent des traces d'arcatures que l'on peut apercevoir des combles de l'église; sa partie supérieure a été rebâtie plus tard, de même que la flèche de pierre, qui porte la date de 1563.

Maintenant, quelle date faut-il assigner à cette construction primitive de Baume? Si l'on prend pour unique base d'appréciation les caractères fournis par le monument, on devra le faire rémonter au XIe siècle, comme l'a fait M. Jules de Laurière, dans son compterendu de l'excursion en Franche-Comté de la Société française d'Archéologie, en 1880 (1). Mais nous sommes en possession d'un document qui ne nous permet pas d'accepter une telle attribution. C'est une inscription dédicatoire, en vers léonins (2), gravée sur le trumeau de l'ancienne porte romane, trumeau heureusement conservé et déposé aujourd'hui dans l'intérieur même de l'église. De cette inscription, fort importante pour l'histoire de l'architecture religieuse en FrancheComté, il résulte que l'abbé Albéric a fait construire l'église abbatiale, sous le vocable de saint Pierre, de même que sa fille, la basilique de Cluny. Or on sait

(1) J. de Laurière, La Société française d'Archéologie en Franche-Comté (Bull. Monumental, 1881).

(2) Voici le texte de cette inscription:

1re face: INDICAT ISTUD OPUS QUANTUM FUERIT STUDIOSUS
ABBAS ALBRICUS CHRISTO TIBI REDDERE MUNUS;

QUOD FORET ACCEPTUM TIBI, QUOD POSSET FORE GRATUM.
CARMINE PERLECTO, PATRIS ALBRICI MEMOR ESTO

2 face ABBAS ALBRICUS QUOD DAT TIBI SUSCIPE MUNUS, PETRE, STRUENDO DOMUM, FAMULI NE DESPICE DONUM. QUI LEGIS HEC DICAS ABBAS, IN PACE QUIESCAS.

Voyez B. Prost, Notice sur deux inscriptions du XIIe siècle de l'ancienne église abbatiale de Baume-les-Moines (Mémoires de la Soc. d'Émulation du Jura, 1879).

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CRYPTE DE SAINT-DÉSIRÉ, A LONS-LE-SAUNIER. PLAN.

1

qu'Albéric occupa le siège abbatial de 1107 à 1139 (1). C'est donc dans cet intervalle, c'est-à-dire dans le premier quart du XIIe siècle, qu'il faut placer la construction de l'église de Baume. Le retard considérable de notre province sur la marche générale de l'architec ture romane en France est par là même un fait acquis. Nous en donnerons bientôt de nouvelles preuves.

II. ÉGLISE SAINT-DÉSIRÉ, A LONS-LE-SAUNIER.

Cette église offre avec celle de Baume des caractères d'une frappante analogie. Même plan; mêmes piliers alternés ronds, carrés et octogones; mêmes collatéraux voûtés à arêtes, arcs doubleaux et formerets. Les absides, malheureusement, n'existent plus; elles ont fait place à un choeur du XVe siècle Le clocher s'élevait autrefois sur la croisée du transept (2); détruit apparemment par les incendies de 1536 et 1595, il a été reconstruit en forme de tour carrée contre le côté inférieur du transept de gauche. Une mutilation récente a privé ce monument de sa façade et de trois travées. Mais sa partie la plus intéressante est une crypte, qui s'étend sous le chœur et le sanctuaire. Ses dimensions sont de 15 mètres en longueur, 6 mètres en largeur et 2,80 en hauteur. Elle a trois nefs de six travées, séparées par des colonnes dont les chapiteaux ont leurs angles aplatis, et trois absides en hémicycle, percées d'une fenêtre minuscule, ébrasée à l'intérieur.

(1) B. Prost, loc. cit.

(2) Rousset, Dictionn. hist. des communes du Jura, art. Lonsle-Saunier, III, p. 596.

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