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L'Empereur Nicolas, feignant de croire que les chrétiens de la communion grecque avaient été dépouillés au profit des chrétiens de la communion latine, envoya, au mois de février 1852, le prince Menschikoff à Constantinople, avec la mission apparente de rétablir les droits des Pères grecs; mais il ne fut pas difficile au Gouvernement français de démontrer jusqu'à l'évidence que les satisfactions qui lui avaient été accordées ne lésaient en rien les droits de personne. La Cour de Saint-Pétersbourg, après examen, fut forcée de le reconnaître; et, dès lors, si le prince Menschikoff n'avait eu réellement en vue que de faire rendre justice aux Pères grecs de Terre Sainte, sa mission eût été complé

tement terminée.

Il n'en fut pas ainsi, bien s'en faut. C'est alors que les véritables desseins de la Russie éclatèrent. Le prince Menschikoff demanda, avec hauteur et menaces, pour le Czar son maître, le droit de Protectorat direct sur tous les sujets de l'Empire turc appartenant à la communion grecque; et comme, parmi les sujets du Sultan, dans la Turquie d'Europe, de onze à douze millions appartiennent à la communion grecque, tandis que trois ou quatre millions seulement appartiennent à l'islamisme, c'est, au fond, comme si l'Empereur de Russie avait fait demander au Sultan sa couronne.

Cette prétention du Czar à protéger une si notable portion des sujets du Sultan contre le Sultan lui-même, prétention soutenue par une armée, était évidemment la même chose que l'asservissement de la Turquie par les Russes. Cette prétention est d'ailleurs d'autant moins justifiée, que l'Église grecque répandue en Turquie, sous l'autorité du

Patriarche de Constantinople, n'a pas consenti à la séparation de l'Église russe, dont le Czar est le chef spirituel et temporel; que le Gouvernement turc est beaucoup plus doux, beaucoup plus tolérant que le Gouvernement moscovite à l'égard des cultes dissidents, témoin les catholiques de Pologne; et que le clergé grec, en masse, le Patriarche en tête, repousse de toute son énergie la protection des Russes, dans lesquels, d'après la rigueur des canons, ils seraient tentés de ne voir que des schismatiques.

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Ainsi, l'ambition de l'Empereur de Russie ne tarda pas percer le voile religieux sous lequel il l'avait enveloppée. Être maître de Constantinople, s'y établir comme dans une forteresse inexpugnable, dominer sur la Méditerranée en même temps que sur la Baltique, envelopper l'Europe à la fois le Midi et par le Nord, et préparer, dans un avenir plus ou moins prochain, la domination des Cosaques et des Baskirs sur tout l'Occident, soumis au plus honteux despotisme voilà le but des Russes, but que l'Empereur Napo-léon signala dès le premier jour, et que toute l'Europe

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vu clairement après lui. Le Czar, mal renseigné par ses ambassadeurs, avait pensé que la France et l'Angleterre, séparées par d'anciennes rivalités, ne se réuniraient pas pour l'arrêter, et il a tellement l'habitude d'inspirer les résolutions des Gouvernements du Nord, qu'il n'avait pas cru pouvoir douter de leur concours. Il s'est néanmoins complétement trompé !

Lorsque l'Empereur Napoléon, pénétrant les vues ambitieuses et perfides de la Russie, résolut de défendre la liberté de l'Occident menacée, le Gouvernement anglais se réunit loyalement à la France. L'Allemagne elle-même,

révoltée d'être la vassale du Czar, après s'être réunie à la France et à l'Angleterre pour blâmer énergiquement la conduite déloyale des Russes en Orient, a noblement secoué le joug qu'on s'était flatté de lui imposer, et déclaré qu'elle soutiendrait la cause de l'indépendance des Nations.

C'est donc la cause de la liberté des peuples, de la dignité des Gouvernements, de la bonne foi publique, de la paix, de l'ordre, du travail, de la civilisation enfin, qu'il s'agit de défendre contre l'insatiable ambition de la Russie. Une pareille cause était digne de la France et de son glorieux Empereur.

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Le différend qui s'est élevé entre Votre Majesté et la Porte Ottomane en est venu à un tel point de gravité, que je crois devoir expliquer moi-même directement à Votre Majesté la part que la France a prise dans cette question, et les moyens que j'entrevois d'écarter les dangers qui menacent le repos de l'Europe.

«La note que Votre Majesté vient de faire remettre à mon Gouvernement et à celui de la reine Victoria

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