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que nous voyons enfin nos idées partagées par une foule d'esprits élevés et puissants sur l'opinion. On reconnaît aujourd'hui qu'il n'y a rien à attendre de Paris, surtout depuis que la barbarie aux prises avec la civilisation a choisi cette ville pour champ de bataille. Laissons donc les littérateurs de Paris avec leur dédain pour les hommes laborieux et consciencieux de la province, qu'ils se complaisent de plus en plus dans l'orgueilleuse contemplation de leurs œuvres, et nous, plus modestes, mais plus utiles peut-être, nourrissons, fortifions le goût des études sérieuses dans les départements, encourageons les publications locales de nos souscriptions. Donnons aussi notre concours aux comités qui se forment pour étudier sous toutes ses faces la grande question de la décentralisation, la plus importante de toutes pour l'avenir de la France.

Deux hommes de cœur et de talent, MM. Louis de Kergorlay et M. de Gobineau, ont fondé sous le titre de Revue Provinciale, un excellent recueil destiné à propager les idées décentralisatrices; nous recommandons de la manière la plus pressante la lecture de cet important recueil mensuel (1); nous pensons avec les rédacteurs de la Revue Provinciale que l'un des plus grands maux de la France, c'est la concentration de la vie au cœur du pays, d'où résulte pour tous les membres épars sur le sol une faiblesse, une atonie qui va sans cesse croissant.

Il est temps d'arrêter cette faiblesse qui nous tue, qui anéantit l'esprit public; nous n'y parviendrons que par la décentralisation administrative, littéraire, scientifique, artistique, etc. C'est avec joie que nous avons concouru à créer, dans ce but, le Comité décentralisateur du Calvados. Trois séances ont déjà été tenues, deux à Caen et une à Fa

(1) Paris, rue du Helder, no. 5.

laise très-prochainement le Comité se transportera à Bayeux, à Lisieux et à Pont-l'Evêque. Nous ferons connaître successivement les résolutions qu'il aura prises au point de vue artistique, littéraire, scientifique.

Déjà, au point de vue artistique, il s'est prononcé contre la direction donnée par le Comité des bâtiments civils et pour l'affranchissement du contrôle de Paris dans un grand nombre de cas. Il a réclamé contre l'envoi des architectes parisiens dans les départements pour y diriger la restauration des monuments historiques, quand il existe partout aujourd'hui des architectes qui pour la plupart de ces restaurations sont tout aussi habiles que les architectes parisiens, et qui ont sur eux l'avantage d'être sur place, de mieux connaître les matériaux et le prix de la main d'œuvre, et surtout de surveiller les entrepreneurs. Les architectes venant de 100 lieues, à des époques très-éloignées, laissent les artisans livrés à eux-mêmes au grand dommage de l'exécution. Les autres réclamations du Comité décentralisateur du Calvados sont aussi justes que celles-ci; nous les ferons connaître ultérieurement.

D. C.

NÉCROLOGIE. Mort de M. le marquis Duplessis d'Argentré, membre de l'Institut des provinces. L'Institut des provinces, la Société française et l'Association bretonne viennent de faire une grande perte dans la personne de M. le marquis Duplessis d'Argentré, mort le 12 janvier au château d'Argentré, près Vitré, à l'âge de 62 ans.

M. Duplessis d'Argentré appartenait à une de ces anciennes familles de Bretagne, illustrées par de longs et nombreux services dans l'armée et dans la magistrature. Plusieurs de ses ancêtres siégèrent au parlement de Bretagne. D'autres se distinguèrent dans les premières dignités ecclésiastiques: témoin, l'évêque Duplessis d'Argentré qui occupait le siége épiscopal de Séez, dans le siècle dernier.

La famille Duplessis était alliée à beaucoup d'illustres familles, notamment à celle de Robien, de ce savant premier président du parlement de Bretagne dont les manuscrits ont tant de prix pour l'histoire de la province.

L'homme éminent que nous regrettons employait noblement et utilement pour le pays une grande fortune, et telle était l'affection des populations, leur reconnaissance pour le bien qu'il faisait, qu'en 1848 il fut, par le suffrage universel, nommé, à l'unanimité, membre du conseil général dans son canton; ce fait, unique peut-être, parle assez haut en faveur du mérite de M. d'Argentré. L'attraction que M. de Caumont exerce en France sur les hommes de bien et de progrès, fit que M. d'Argentré devint, en 1844, membre de l'Institut des provinces et de la Société française. Il assista, à Caen, en 1845, à la session de l'Institut et fut appelé au bureau comme vice-président à la séance publique qui se tint dans la grande salle de l'Université.

M. d'Argentré était aussi inspecteur de l'Association bretonne; il avait rendu les plus grands services à l'agriculture dans son pays, et obtenu des résultats très-importants pour l'amélioration des races d'animaux domestiques.

B. L. M.

Mort de M. le comte de Cossette, membre de la Société française, chevalier de la Légion d'honneur et de St.Ferdinand d'Espagne. — La Société française vient de perdre M. le comte Edouard de Cossette, membre de plusieurs Sociétés savantes, neveu et héritier du savant marquis Le Ver. M. de Cossette, après avoir quitté le service en 1830, avec le grade de chef-d'escadron, passa alternativement jusqu'en 1841, la plus grande partie de son temps à Montreuilsur-Mer et près de son oncle au château de Roquefort (SeineInférieure).

Décentralisateur et dévoué au progrès des études en province, il assista avec son oncle à plusieurs sessions du Congrès scientifique de France; il était au Congrès à Poitiers, en 1834, à Douai en 1835, à Metz en 1837, à Besançon en 1840 ; la même année il parcourut une partie de l'Autriche et de la Haute-Italie avec M. Le Ver; en 1837 il avait voyagé en Hollande et en Allemagne. Précédemment il avait visité l'Espagne et l'Angleterre.

A la mort de M. Le Ver, en 1841, M. de Cossette devint propriétaire du château de Roquefort, près d'Yvetot, et de la magnifique bibliothèque de son oncle qu'il a religieusement conservée (1); il continua à s'occuper d'études archéologiques et d'agriculture, il fit à l'Association normande et à la Société française, diverses communications, il assista souvent aux réunions tenues à Paris par la Société.

Vers l'année 1835 M. de Cossette avait fait à ses frais, aux environs d'Etaples, sur le lieu où l'on croit qu'a existé la ville de Quintovic, des fouilles qui avaient produit d'intéressantes découvertes. Il avait lu, à ce sujet, un mémoire à la Société française et au Congrès scientifique. Nous avons entretenu pendant vingt ans les rapports les plus agréables avec M. de Cossette que nous nous flattions de compter au nombre de nos amis dévoués. Nous le regrettons sincèrement; M. de Cossette n'avait que 50 ans.

DE CAUMONT.

(1) Il est fort à craindre aujourd'hui que cette précieuse collection ne soit vendue et disséminée.

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