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Venez contempler ces superbes conquérants des Gaules, ces fondateurs de la monarchie française, ces rudes envahisseurs de l'empire romain, ces vigoureux athlètes qui renversèrent le trône des Césars. A présent qu'ils sont glacés par le trépas, vous pouvez toucher leurs fronts, mesurer leur taille, compter leur âge, inspecter leurs armes et décrire leurs vêtements. Voilà cette francisque qui a abattu l'orgueil des faisceaux consulaires. Voilà cette framée qu'on agitait en signe de joie dans les assemblées du peuple, ou que l'on brandissait dans les camps en signe de guerre. Voici la lance qui poursuivit l'aigle impériale lorsqu'elle fuyait vers les Alpes pour cacher sa honte et son désespoir.

Mais la mort a arrêté dans sa course ce dominateur du monde. Il dort, à son tour, à côté du Gallo-Romain qu'il a vaincu et dépouillé; mais lui, il dort avec ses armes invincibles que nul n'a été assez fort pour lui enlever. Il se repose de ses fatigues à côté de la fille du Gaulois, qui fut heureuse de partager son sort, de s'associer à sa gloire et à ses conquêtes. Elle s'est couchée auprès de lui avec ses joyaux, ses bijoux, ses colliers et tout le mobilier de son antique parure. On dirait qu'elle veut encore plaire à son époux au sein même de la tombe. Tous deux étalent à leurs pieds ces vases gallo-romains, restes des arts des vaincus, prix de la conquête dont on jouissait après la victoire, qui ornèrent long-temps leur tente vagabonde, et qui leur furent utiles même après leur trépas.

Debout sur tant de débris, je voudrais, nouvel Ezechiel, souffler sur cette froide poussière, et ranimer ces arides ossements. Vous verriez alors sortir du cercueil et se dresser devant vous ces vieux Francs couverts de sayons de poils de chèvre, de tissus grossiers filés avec la laine des bêtes fauves, nourrissant sur leurs joues une longue barbe qu'ils

coupaient avec des pinces de bronze, se ceignant chaque jour de ceinturons de cuir et de baudriers de peau, garnis de clous et de plaques argentées ou damasquinées, nouant à leur ceinture un couteau de fer qu'ils ne quittaient jamais, bouclant au côté gauche un sabre aigu, l'emblême du commandement, brandissant la lance, cette arme de la jeunesse, puis l'échangeant plus tard pour une dure francisque, qu'ils accrochaient d'une main à leurs robustes épaules, tandis que de l'autre ils veillaient sur la garde de leur épée. Ces guerriers sont ici comme dans le camp on dirait qu'il n'y a qu'à sonner de la trompette, pour réveiller cette armée assoupie et presque rangée en ordre de bataille.

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HISTORIQUE ET DESCRIPTIVE

SUR

LA CATHÉDRALE DE VALENCE

(Dauphiné) ;

Par M. l'abbé JOUVE,

Chanoine titulaire de cette église, Inspecteur de la Société française pour la conservation des Monuments.

Il fut un temps, et ce temps n'est pas loin de nous, où nos antiques églises obtenaient à peine l'honneur d'une mention, tandis que des édifices étrangers à nos mœurs, à nos traditions, à nos croyances et même à notre sol, absorbaient les nombreuses et laborieuses recherches de nos érudits. Qui ne connaît, en effet, les efforts incroyables de travail et de patience de nos numismates et de nos archéologues classiques, pour découvrir le sens d'une inscription, la date d'une médaille, pour suivre à travers les vicissitudes du temps celles de quelques fragments de sculpture, de quelque tronçon de colonne antique ? Et nos monuments vraiment nationaux, eux auxquels se rattache, par des liens intimes et nécessaires, toute l'histoire du christianisme et celle de la société moderne dont il est la base; ces monuments qui déroulent si fidèlement

à nos yeux le tableau des lois, des coutumes, des institutions du moyen-âge; qui nous rappellent le souvenir des bons et des mauvais jours de nos ancêtres; ces monuments, dont la seule vue aurait dû réveiller dans nos cœurs les douces émotions de la religion et de la patrie, ces monuments étaient condamnés à un honteux oubli ! Enfin, le jour de la réhabilitation a lui pour eux, grâce à l'initiative aussi éloquente que hardie de notre Châteaubriant, grâce aux écrits des de Caumont, des Alexandre Lenoir, des Victor Hugo, des Vitet, des Montalembert, des Didron, qui ont si bien continué, en la développant avec autant de science que de justesse dans les aperçus, l'œuvre commencée par l'illustre auteur du Génie du Christianisme. C'est ainsi qu'une admiration profonde et éclairée pour nos architectes et nos monuments vraiment nationaux a fait place à l'indifférence et même au dénigrement aussi injuste que passionné, dont, pendant trois siècles, ils avaient été l'objet. Mais, si une justice, d'autant plus complète qu'elle avait été longue à venir, a été rendue à notre art national, on peut dire que, dans ce grand acte de réparation, tous les monuments dignes d'être appréciés ne l'ont pas toujours été à leur juste valeur; et même à l'égard de bon nombre d'entr'eux, sur lesquels semble peser une sorte de fatalité! l'oubli et l'indifférence existent encore comme autrefois. La cause en est dans les habitudes un peu moutonnières de ces archéologues faciles qui trouvent plus commode de disserter sur des monuments vingt fois décrits que d'en étudier d'autres qui ne l'ont jamais été. En effet, il en est un certain nombre dont on est toujours sûr de voir arriver les noms sous leur plume, quand il s'agit d'indiquer les types de telle ou telle période de l'art. On ne s'inquiète pas le moins du monde, s'il n'en existerait pas d'autres plus intéressants, plus caractéristiques encore. De là une monotonie inévitable dans ces indications et descriptions, qui reviennent toujours

les mêmes, et qu'on dirait stéréotypées. Une autre cause de l'indifférence et de l'oubli dont nous nous plaignons, c'est que le réveil des études archéologiques ayant eu lieu dans le Nord et l'Ouest de la France, il en résulte que c'est la partie de ce royaume, dont les monuments ont été décrits et en plus grand nombre et avec plus de soin, tandis que ceux de l'Est et principalement du Midi sont restés à peu près étrangers aux habiles investigateurs de nos édifices historiques.

Parmi les églises citées, et à juste titre, comme types de l'architecture romane, qui est dominante dans notre Midi ainsi que sur les bords du Rhin, on compte St.-Sernin de Toulouse, St.-Trophime d'Arles, St.-Trophime d'Arles, Notre-Dame-des-Doms d'Avignon, l'ancienne collégiale d'Issoire, Notre-Dame-duPort, à Clermont, St.-André-le-Bas, à Vienne, St.-Philibert de Tournus, Notre-Dame de Beaune; et en Allemagne, les cathédrales de Spire, de Worms, de Mayence, St.-Mariedu-Capitole et St.-Cunibert de Cologne. La cathédrale de Valence, église romane, qui, par son antiquité, la régularité, la pureté de son architecture et l'importance de ses dimensions, était digne d'occuper un rang honorable parmi celles que nous venons de nommer, a été jusqu'à ce jour l'objet d'une indifférence presque générale et que rien néanmoins ne saurait justifier. Sans doute, des hommes qui figurent parmi nos sommités archéologiques, tels que MM. Mérimée, Leclerc, de Montalembert (1) ont pris la peine d'étudier ce noble édifice et lui ont payé le juste tribut d'admiration qui lui est dû. Mais tout s'est borné là, ou à peu près, et la basilique de Saint-Apollinaire, quoique bâtie

(1) MM. de Caumont, Victor Petit et plusieurs autres membres de la Société française ont visité la cathédrale de Valence; M. de Caumont en a dit quelques mots à la Société française dans un de ses rapports verbaux, mais sans la décrire dans son entier.

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