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et les chapelles conservent encore de nombreux vestiges d'un ancien pavage de petits carreaux en terre cuite vernissée, dont l'ensemble dessinait des compartiments curieux.

La façade, depuis la destruction des tours, n'offre rien de remarquable; au lieu de portail elle n'a plus qu'une porte moderne qui présente toutes les parties et toutes les proportions du toscan à peu près, avec ses pilastres, ses piedsdroits, une archivolte ayant pour clef au milieu de ses voussoirs des anges bouffis ornés de guirlandes; le côté méridional presque jusqu'au transept, avec ses fenêtres, ses cordons ornés de figures grotesques mutilées, ses arcs-boutants, a le caractère d'une réparation qui daterait de la fin du XIV. siècle. Les fenêtres, destinées originairement à éclairer la galerie, étaient en plein-cintre, si l'on en juge d'après ce qui reste; la base de l'abside, à cette hauteur, présente seule une ogive à deux meneaux, inscrite dans un plein-cintre; mais cette disposition paraît être postérieure à la construction primitive: les fenêtres supérieures sont simples comme à l'intérieur; les corniches de l'entablement supportées par des modillons sont en arcs croisés, dont l'ensemble, par l'intersection, forme comme un réseau d'ogives, quelquefois simples, quelquefois ornées de salamandres et de têtes d'hommes. A la face occidentale du transept, on remarque un petit portail roman qui, par les feuilles en application et les zig-zags dont sont enrichies ses voussures, offre un aspect intéressant; sa baie est fermée depuis long-temps et les colonnes sont frustes. La façade méridionale du même transept est ornée de deux tourelles octogones, placées aux angles et engagées dans le mur; six angles sont dégagés et ornés de colonnes en forme d'arêtes saillantes, qui aboutissent au toit pyramidal qui sert de couronnement; la petite tour qui conduit dans la partie supérieure de l'église, se termine en dôme.

A l'origine de l'hémicycle, chacune des travées entre les

contreforts est remplie par une chapelle dont le toit s'adosse contre les murs des bas côtés autour du chœur ; elles ont une corniche en feuilles entablées dans le genre de la première voussure du petit portail; des piliers qui les séparent partent des arcs qui vont contrebuter les piliers du chœur, sous la toiture des bas-côtés ; les contreforts de l'abside, au lieu de s'élever d'un seul jet avec des retraites, suivant l'usage, se terminent en colonnettes qui rampent le long des murs et sont couronnées par un chapiteau en volutes. Le côté nord de l'église a été moins maltraité que le côté opposé; cependant, le pignon du transept a été refait depuis peu, le collatéral n'était pas percé de fenêtres parce qu'il servait autrefois d'appui aux bâtiments claustraux ; d'ailleurs, pour les ouvertures supérieures et les corniches, c'est toujours le même système d'ornementation. Les contreforts ayant subi moins de modifications que de l'autre côté, donnent, par leur retraite régulière, une idée bien précise de la construction primitive. Le clocher actuel, placé sur le point d'intersection du transept, est d'une époque assez rapprochée de nous. D'après une gravure renfermée dans un ouvrage intitulé: Icones monasteriorum Sancti Mauri, l'ancien clocher avait une forme quadrangulaire surmontée d'une toiture à quatre pans, et le pignon méridional, flanqué de deux tourelles à sa base, était orné d'une rose dans le tympan de son fronton. Les pierres tumulaires sont assez nombreuses dans l'intérieur de cette église célèbre, je me plais à signaler celle de Almabert, fils de Saint-Germer, remarquable par sa dimension, la beauté du dessin et la richesse de l'ornementation; la crosse, les mains, sont en marbre blanc (j'ai cru entendre dire que cette pierre avait été enlevée depuis peu pour orner un musée de la capitale). Dans la grande nef, la pierre tumulaire d'Eustache, qui fut secrétaire de Philippe, évêque de Beauvais, et choisi par Innocent III pour aller évangé

liser l'Angleterre et l'Ecosse, occupe encore aujourd'hui la place que lui assigne le Gallia christiana. Bien qu'oblitérée par le frottement, on parvient cependant encore à lire l'inscription suivante sur sa tombe :

CUSTOS HONESTATIS VERUS, JACET HIC PIETATIS

ARCA, LATOR LEGIS, FORMULA FACTA GREGIS :
VERMIBUS ESCA DATUS, CUNCTI QUO TENDIMUS IVIT

ABBAS EUSTACHIUS CUI DEUS ESTO PIUS.

Au bas des marches du chœur actuel, qu'on a agrandi de plusieurs travées au détriment de la nef primitive, on voit la pierre tumulaire de Villiers de Lisle Adam, dernier abbé régulier du monastère, qui compromit par la cession qu'il fit au roi, les services signalés dont l'abbaye lui était redevable. Voici l'épitaphe qu'on lit sur son tombeau : «< Hic jacet reverendus in Christo pater dominus Guido de « Villiers L'Isle Adam monachus et abbas hujus cœnobii qui «< obiit anno domini MDXXXVI, die XXIII junii, Requi<«<escat in pace. » Autrefois on pouvait lire son éloge sur une plaque de bronze encastrée dans le mur.

"

Cette description bien imparfaite suffit, Messieurs, pour vous donner une idée du magnifique monument sur lequel j'appelle aujourd'hui votre attention; mais il faut le voir pour être en mesure de l'apprécier à sa juste valeur. Vous seriez étonnés si je vous disais que cette église n'est pas classée parmi les monuments historiques, et cependant si l'on s'en rapporte à une délibération récente du conseil municipal, i en est ainsi les voûtes du collatéral, au nord, menacent ruine; plusieurs contreforts sont minés à leur base et se lézardent; une chûte partielle peut, d'un moment à l'autre, occasionner un ébranlement général compromettant pour l'édifice entier; la vie des paroissiens n'est pas en sûreté, aussi les conseillers municipaux, dont les faibles res

sources ne permettent pas de faire face aux dépenses qu'entrainerait la réparation de l'église, poussent un cri d'alarme et viennent de s'adresser au prefet de l'Oise en le priant d'appuyer leurs réclamations près de M. le Ministre. S'ils ne peuvent pas obtenir une restauration complète, ils demandent qu'on entreprenne au moins les travaux de réparation urgente, de consolidation. M. le Préfet s'est empressé d'appuyer cette légitime requête de sa recommandation, et M. le Ministre a répondu que cette église est abandonnée et vouée à une ruine prochaine; ainsi cet édifice qui est l'une des gloires de la France monumentale, dans vingt ans n'existera plus. C'est peut-être le plus beau spécimen de l'architecture du XI. siècle par l'harmonie de l'ensemble, la richesse des détails et l'originalité de la construction; cette église ogivale dans sa partie inférieure et en plein-cintre dans toutes les zones supérieures; cette église, avec son magnifique triforium originairement voûté dans toutes ses parties, avec ses fenêtres carrées, les nervures si riches et si harmonieuses de son abside, ses chapelles autour du sanctuaire, la constitution si élégante et si majestueuse à la fois de ses colonnes, avec sa tablette saillante à la retombée des voûtes; cette église aussi intéressante à l'intérieur qu'à l'extérieur par la finesse de sculpture de ses corniches, les essais timides encore des arcsboutants et les colonnettes qui rampent le long de son chevet; cette église est vouée à une ruine prochaine !!!.

Depuis bien des années le ministre a toujours témoigné un intérêt si vif et si efficace pour les monuments historiques et religieux, qu'on a lieu de s'étonner d'une telle réponse, d'autant plus qu'en 1844 le Ministre des cultes écrivait à Mgr. l'Evêque de Beauvais : « Il résulte des renseignements qui « viennent de m'être transmis par M. le Préfet de l'Oise, « que déjà, d'après les ordres de M. le Ministre de l'Intérieur « on a préparé le travail relatif à la restauration de l'église de

«Saint-Germer et que l'insuffisance du crédit destiné à la conservation des monuments historiques est le seul motif qui ait obligé mon collègue à ajourner toute allocation pour l'exécution des travaux.

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« C'est à M. le Ministre de l'Intérieur qu'il appartient plus particulièrement de concourir à cette dépense; d'après les mesures qu'il a déjà prescrites, je ne doute pas qu'il ne « seconde l'intérêt que vous portez à cette église.

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Comment concilier le langage contradictoire du ministère en 1844 et en 1846 ? Cela tient à un rapport alarmant présenté à M. le Ministre de l'Intérieur par une commission spéciale nommée à l'effet de vérifier l'état des lieux. Le rapport de cette commission concluait à l'abandon de l'église et à la restauration complète de la chapelle et de son couloir, construits au XIII. siècle, à la suite de l'église, et c'est en s'appuyant sur cette conclusion que M. le Ministre refuse aujourd'hui toute espèce d'allocation.

Messieurs, permettez-moi quelques insinuations qui n'auront rien de désobligeant pour personne. M. Boeswilvald, rapporteur de la commission, qui devait être l'architecte chargé de la restauration de Saint-Germer, arrive en présence de deux monuments qui tous deux avaient besoin d'une réparation importante à la seule inspection il peut présumer avec ses collègues que si on fait un devis exact des dépenses qu'entraînerait la restauration complète des deux monuments, on effraira le ministère par l'énormité du chiffre qui dépassera de beaucoup les ressources du budget, et l'on n'obtiendra que des sommes médiocres qui, éparpillées ça et là, pourraient consolider l'édifice, mais sans procurer de gloire à l'architecte; on prit donc le parti d'opter pour la chapelle, sauf à s'occuper de l'église plus tard s'il y avait lieu, et je sais très-pertinemment que ce parti ne fut pas pris à l'unanimité. La minorité de la coumission prit en main la défense de l'an

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