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maçonnerie est soutenue par un portique moderne qui sert aujourd'hui d'entrée unique, car la baie d'un portail latéral pratiquée au transept sud est bouchée, et il n'y a plus d'ouverture au côté nord depuis la destruction du monastère. L'aspect de l'église, à l'entrée de la nef, a quelque chose de saisissant; la longueur, l'élévation, la majesté et l'harmonie de l'ensemble, la beauté de l'abside, la Ste-Chapelle dont l'axe un peu incliné ne permet pas de découvrir toute l'étendue, et qui ne se révèle aux yeux de l'observateur que d'une manière mystérieuse; enfin, certaines particularités qu'on ne trouve nulle part ailleurs, telles sont les causes de l'impression dont personne ne peut se défendre à la vue de ce magnifique monument. La nef a huit travées jusqu'aux transepts, chacune d'elles est déterminée par quatre piliers de front, dont deux sont engagés dans les murs des collatéraux, et deux s'élèvent à la hauteur des voûtes, complètement dégagés dans le bas jusqu'à la retombée des arceaux des voûtes collatérales, puis, à demi perdus dans la maçonnerie jusqu'à la retombée des arceaux de la voûte principale. Les deux piliers engagés dans le mur de la façade et les deux suivants, qui probablement devaient servir de support aux anciennes tours, sont plus volumineux que les autres; cependant leur volume est dissimulé par leur constitution; ils sont flanqués de dix-sept colonnes plus ou moins grosses suivant leur destination, avec quatorze angles qui les séparent; la base élevée d'un mètre environ au-dessus du sol, a un dé octogone surmonté de vingt-quatre angles saillants; les piliers du reste de la nef, jusqu'aux transepts, ne présentent que de légères modifications entr'eux, et ne diffèrent des précédents que parce qu'ils sont d'une moindre dimension, d'ailleurs c'est le même système; en voici la constitution : quatre grosses colonnes destinées à soutenir les arceaux parallèles des voûtes et les arcades de l'entre-colonnement: huit petites,

dont deux entre chaque grosse colonne; l'une, plus volumineuse, supporte les nervures transversales des voûtes; l'autre plus petite supporte, du côté de la grande nef, une tablette saillante dont je parlerai, et aux collatéraux de petites arcades; douze formes anguleuses séparent les colonnes, le soubassement est prismatiquement découpé et la base des fûts est ornée de pattes aux angles du socle et des moulures rondes, soit en saillie, soit en creux, tels que quarts de rond, tores, etc., etc. Les quatre piliers du transept se composent de quatre grosses colonnes à demi cantonnées et de quatorze colonnes inférieures de grosseur différente; les six piliers de l'hémicycle du chœur forment un groupe de huit colonnes; trois d'entr'elles sont réunies et s'élèvent avec grâce jusqu'à la tablette saillante qui règne autour de l'église. Les grandes arcades qui mettent la nef en communication avec les collatéraux, sont à tiers-point avec les moulures qui caractérisent l'ogive romane; à l'abside, elles sont ornées de zig-zags. Dans le plein du mur, au-dessus des arcades ressort une saillie composée de plusieurs moulures rondes qui se profilent sans interruption, si ce n'est aux plus gros piliers de la nef et à ceux du transept; ce cordon sert de bordure à la tablette du mur d'appui d'un triforium maintenant bouché dans la nef, mais ouvert encore dans le transept et le chœur. Partout les arcades de ce triforium sont à pleincintre surbaissé dans la nef, mais exhaussé à l'abside à cause de l'espacement plus étroit de l'entre-colonnement; les deux extrêmes latérales qui sont tripartites présentent une arcade intermédiaire en fer à cheval double en hauteur des autres ; au chevet seulement un second cordon se profile sur les colonnes groupées au niveau des tailloirs des petites colonnettes du triforium, de sorte que les piliers du chœur sont annelés à deux endroits, tandis que ceux de la nef ne le sont qu'à la hauteur de la tablette de la galerie. Quelques-uns des tym

pans qui surmontent les arcades géminées sont ornés de roses et de quatre-feuilles; aux transepts quelques colonnettes sont liées l'une à l'autre par des violettes ou des zig-zags d'une grande élégance. Au-dessus de ce triforium règnent autour de l'édifice des fenêtres carrées oblongues dont la disposition est fort singulière; la baie de ces fenêtres est maintenant bouchée par une maçonnerie : plus haut on remarque une autre particularité qu'il est important de signaler, c'est une tablette fort saillante soutenue par des consoles et formant corniche autour de l'édifice. Cette corniche pose immédiatement sur les tailloirs des chapiteaux et sert de support aux arceaux des voûtes; comme le mur éprouve une retraite sensible à cette hauteur, des ouvertures ont été pratiquées dans l'épaisseur de ces arceaux, de sorte qu'on peut entreprendre une promenade aérienne dans le pourtour intérieur de l'église, quand on n'est pas sujet au vertige. Dans chaque travée au-dessus de la corniche et au-dessous de la carène renversée que dessine l'intrados, des fenêtres romanes simples sont inscrites dans une archivolte ogivale.

La voûte principale est divisée par des travées qui sont déterminées par des axes parallèles dont la retombée repose sur la principale colonne du pilier; ces arcs sont au nombre de dix jusqu'au rond-point, les cinq premiers du côté de l'entrée sont en bois ainsi que le reste de la voûte qui leur correspond, par suite d'un accident qu'entraîna la démolition des tours du temps des Bourguignons; les autres sont en pierre, la nervure a pour profil une plate-bande ornée de deux tores; des arcs transversaux coupent chaque travée en diagonale, et leur arête a pour moulure deux boudins et un canal; au transept, ce canal est orné d'étoiles, de violettes, de têtes de clous, etc. Les clefs des voûtes représentent des couronnes fort ouvragées, les arêtes qui viennent butter contre les clefs de voûte de la travée centrale du transept sont ornées chacune

d'une tête grimaçante; une tête grimaçante orne aussi la clef de voûte du chœur; au collatéral septentrional, un dragon se replie sur lui-même pour mordre une de ses aîles. La clef de voûte de l'abside est un demi-cercle appuyé contre l'axe de la dernière travée, c'est là qu'aboutissent les quatre arceaux qui déterminent la voûte à pans coupés de l'abside : le sculpteur a déployé dans cette partie de l'édifice toute la magnificence. de son art, dragons, lozanges avec une rose épanouie, guirlandes ornées de croix grecques, fleurons, bandelettes croisées sur un fond de feuillage, rien n'a été épargné pour saisir l'œil et l'imagination du spectateur; quelques-uns des médaillons de la corniche intérieure, quelques-unes des retombées des arceaux offrent des têtes grimaçantes, des êtres fantastiques, des serfs accroupis qui semblent se venger du poids qui les accable par un rire moqueur et insultant. Les voûtes latérales sont du même style que les voûtes centrales, mais elles sont comparativement très-basses avec des ogives romanes bien prononcées; le collatéral nord a conservé ses voûtes primitives, le collatéral sud a été refait dans presque toute sa longueur vers la fin du XIV. siècle; une seule fenêtre avec ses colonnettes romanes et son archivolte est restée. Dans les chapiteaux le système végétal règne partout; un seul présente un animal fantastique, les autres sont comme une réminiscence du chapiteau corinthien: presque partout la corbeille est fortement accusée, souvent elle est séparée du tailloir par un creux assez profondément fouillé; les campanes sont, en général, bien marquées. L'ornement le plus ordinaire est deux rangs de larges feuilles roulées vers le haut en volute, quelquefois simples, quelquefois découpées, mais simples; elles sont souvent inachevées : l'un d'eux présente une complication d'arabesques et de rinceaux dont les formes sont tellement douteuses et indécises qu'il serait difficile de dire si ce sont des feuilles ou des serpents; plusieurs ont des fruits qui poussent entre des

feuilles lancéolées et dont on aurait peine à déterminer l'espèce. (Ne serait-ce pas des plantes de la famille des aroïdes dont M. Eugène Woillez a montré dernièrement l'importance dans la sculpture romane. )

Quand on pense que l'église de St.-Germer a été bâtie dans la première moitié du XI. siècle, sur un plan invariable et bien conçu, on est étonné de voir des chapelles rayonner autour du chœur; ce fait exceptionnel semblerait démentir nos théories, si cette église n'offrait pas dans toutes ses parties de phénomènes archéologiques scientifiquement et chronologiquement inexplicables qui témoignent du génie de l'architecte auquel nous devons ce précieux monument.

Ces chapelles pratiquées entre les contreforts du chevet se divisent à l'intérieur en trois compartiments avec des voûtes à arêtes et trois fenêtres en plein-cintre surmontées d'une archivolte; mais il y a une certaine timidité dans la conception et un peu de maladresse dans l'exécution. Les lignes semblent gauchir, tout indique que c'était un coup d'essai ; l'une de ces chapelles possède un vrai trésor archéologique: c'est un autel roman en pierre de l'époque même de la construction. Adossé contre le mur dans la première des chapelles méridionales, entre les deux piliers du centre, il forme un carré long et ne s'élève guère à plus de 1". 20 c. au-dessus du sol; le noyau en moyen appareil est entouré d'une colonnade surmontée de petits arceaux assez élégants (1): les feuilles et les arcs croisés qui servent de base à l'ornementation de cet autel ne sont qu'une reproduction fidèle de la sculpture adoptée dans les modillons et les corniches à l'extérieur. Cet autel endommagé par les hommes et par le temps est en voie de restauration et va être très-prochainement remis à neuf. Le chœur est entouré de grilles en fer battu qui rappelle la facture du XIII. siècle,

(1) V. le Cours d'antiquités de M. de Caumont, pl. XC, fig. 3.

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