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couvert fortuitement, presqu'à fleur de terre, à l'ombre d'une pointe de rocher et sous une large brique romaine, le trésor qui était depuis si long-temps l'objet des rêves du village, savoir:

Un petit vase et un plateau en or massif, accompagnés de cent quatre médailles en or, de deux modules, et de quatre empereurs.

Si ces objets composaient tout le trésor de Gourdon, il n'était pas considérable, car le vase et le plateau ne pèsent ensemble que cinq cent vingt grammes; mais les condamnations de la Justice nous donnent le droit de supposer qu'elle n'a pas eu connaissance de tout ce que la terre contenait. DESCRIPTION DU VASE. L'élévation du vase a 0,075

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millimètres, et son plus grand diamètre 0,046, les oreilles

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non comprises. Il est composé d'une coupe supportée par un pied conique, formant à peu près le tiers de la hauteur totale. La coupe est profonde, cannelée par le bas, ornée dans sa partie supérieure d'une ceinture de six cœurs les uns de grenat, les autres de turquoises décomposées. Ils sont divisés en deux groupes, qui ont tous les honneurs de l'ornementation. C'est pour les cœurs et autour d'eux que se joue ce fil granulé qui monte, qui descend, qui les sépare, qui les réunit, qui les touche un moment pour se retirer ensuite, qui s'incline devant eux et se brise pour les embrasser : toute cette zône de cœurs est encadrée dans un double filet mouvant, qui n'est retenu au flanc du calice que par seize petits anneaux dans lesquels il est passé.

Le pied de ce petit vase, dans toute son étendue, est sillonné de canelures à arêtes vives, qui vont en diminuant de la base au sommet du cône, comme les canelures de la partie inférieure de la coupe vont, au contraire, en augmentant, du fond où elles convergent au flanc du vase, qu'elles font ressembler à un calice sortant d'une rangée de pétales d'or. Les deux parties du vase, le pied et la coupe, sont réunies par un nœud garni d'un fil granulé; enfin, il est flanqué de deux oreilles dont le bas est fixé dans une des canelures. Quant à la partie supérieure, elle est formée d'une petite tête d'oiseau, dont les yeux sont de grenat, et qui s'appuie par le bec sur les lèvres de la coupe.

DESCRIPTION DU PLATEAU.

Le plateau est un parallélogramme, dont les grands côtés ont un peu plus de dixneuf centimètres, et les petits un peu moins de treize; les bords sont formés d'une plate-bande de deux centimètres de largeur. Elle se compose d'une chaîne de losanges, formés de plaques de grenat à encadrements ondulés ; les côtés extérieurs sont également garnis de la même substance, qu'on

retrouve encore dans une foule de petits barils juxtaposés,

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qui composent les deux lignes parallèles des bords intérieurs et extérieurs de cette plate-bande. Pour rendre probablement plus vive cette couleur de sang qui la distingue, l'artiste avait mis sous chaque plaque de grenat un morceau de soie rouge, que le temps a fait disparaître, mais dont l'empreinte est restée sur la face des cristaux avec laquelle il était en contact.

Après cette plate-bande, la dépression du plateau commence et se fait par une pente légère; cette dépression a seize millimètres de profondeur. Aux quatre angles du fond se trouvent, un peu en relief, quatre cœurs en turquoises décomposées, encadrés de filets d'or; une croix, également saillante, orne le milieu du plateau qu'elle partage en deux parties, laissant toutefois à droite et à gauche deux espaces vides et lisses.

Cette croix centrale, elle aussi, est relevée de trente plaques de grenat; il n'y a rien dans ce signe sanglant qui ne soit de couleur rouge. Si l'on n'y retrouve pas les figures ou compartiments de la plate-bande, ce sont au moins la même couleur et les mêmes encadrements. Sur le point où se coupent les deux lignes qui forment cette croix, est une plaque carrée, rouge comme tout le reste, rouge comme le sang de la victime. Cette croix a ses extrémités un peu épatées, et l'une de ses branches un peu plus longue que l'autre.

Ce plateau, enfin, repose sur une élégante petite galerie en or, de huit millimètres de hauteur. Elle est à jour, et formée d'une série d'X arrondis, couchés sur le flanc les uns à côté des autres, et contenus entre deux bandes d'or. ETAT DE CES OBJETS. Ces petits meubles, en or massif et d'un titre très-élevé, sont d'une belle conservation; tout ce qui est or est à peu près intact, mais une grande partie des plaques de grenat est perdue; tous les morceaux d'étoffe rouge sont réduits en une substance pulvérulente d'une couleur qui tient le milieu entre le bleu et le vert.

MÉRITE ARTISTIQUE. La valeur du travail est assez mince; l'artiste a laissé partout les traces de son marteau, malgré les efforts du râcloir. Les canelures repoussées sont inégales dans leurs contours, dans leur largeur, dans leur profondeur. Les oreilles du petit vase, bien que partageant en deux parties égales le nombre des canelures, en réali1é ne divisent pas exactement la coupe, au moins

dans sa partie inférieure; cette tête d'oiseau a le bec peu fendu d'un côté, il est fendu de l'autre jusqu'à l'œil. Les dixhuit petits anneaux qui retiennent le fil mouvant, et que l'artiste a voulu régulièrement espacer, sont loin de répondre à sa pensée. Les soudures sont grossièrement faites; on voit dans quelques endroits de petites protubérances produites par la fusion; l'ouvrier n'a pas même pris la peine de les faire disparaître. Le plateau a dans son fond des pièces ajoutées trèsvisibles, et qui sont destinées à boucher des trous qu'avait probablement faits le batteur inhabile. Les dispositions symétriques sont mal prises; une faute est quelquefois réparée par une irrégularité plus choquante. Dans la légère galerie du plateau, on voit, par exemple, une massive plaque d'or ajoutée au lieu et place d'un élément à jour.

AGE DES OBJETS.-A quelle époque faut-il donc faire remonter ces meubles qui portent des traces évidentes d'ignorance, de grossièreté ou de barbarie ? Les médailles qui ont été trouvées avec eux nous donnent une réponse péremptoire : ils ont plus de treize cents ans d'existence. En effet, à l'exception de deux pièces un peu plus anciennes, dont l'une est de Zénon et l'autre de Léon, toutes les autres, au nombre de cent deux, sont d'Anastase et de Justin, son successeur, qui a régné, de 518 à 527, sur le trône de Constantinople. Les plus anciennes sont plus ou moins usées par le frottement; on voit qu'elles ont long-temps circulé. Les dernières, celles de Justin, ont les traits vifs, les lettres anguleuses; la circonférence est fraîchement coupée; quinaires et sous d'or sont à fleur de coin; on dirait qu'ils ont passé de l'atelier du monnayeur dans les mains de celui qui les a enfouis.

S'il n'y avait eu qu'une pièce monnayée, elle n'eût donné qu'une induction de peu de valeur, mais il y en avait une quantité considérable: ce sont autant d'inscriptions qui se répètent et se soutiennent; il faut en accepter la signification,

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