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du canton; ce plan n'est satisfaisant ni sous le rapport du goût, ni sous celui du style qui convient au monument. A cette occasion, un grand nombre de membres présents font entendre des réclamations au sujet de la plupart des plans exécutés par les agents-voyers, et dont la réalisation ne produirait ordinairement que de grossiers anachronismes, de hideux disparates. Il serait fort à désirer que M. le Préfet du Calvados, aussi bien que tous les préfets, se montrât difficile dans l'adoption des plans qui lui sont soumis.

M. Gaugain communique un autre plan destiné à l'église de St.-Georges-en-Auge, puis il entretient l'assemblée des travaux qu'il est question d'exécuter à l'église de Mézières. Il s'agit de remplacer le lambris tombé en vétusté. La fabrique qui doit subvenir aux frais de ce travail, s'est prononcée pour une voûte simulée en plâtre; mais jusqu'à ce moment aucun des projets présentés par l'agent-voyer du canton, n'a répondu à cette idée, et elle refuse de les adopter.

M. Guy et tous les membres présents insistent sur les avantages de ce mode de voûte simulée qui, jusqu'ici, à quelques exceptions près, n'a pu encore être mis en faveur dans notre pays, et substitué aux hideux planchers de bois dont on persiste à vouloir éterniser l'emploi dans nos églises. Ce système de voûte est pourtant très-avantageux. On peut se servir de tuiles, de plâtre ou de torchis; matières qui acquièrent une grande solidité; un recrépissement leur donne la physionomie de la pierre; et les nervures même peuvent être faites en bois, et une fois peintes convenablement, elles se confondent avec le ton général de l'édifice (1); outre la modicité de son prix de revient, et sa

(1) La plus grande partie des voûtes de l'Abbaye-aux-Dames de Caen sont simulées; elles trompent cependant par leur aspect l'œil le plus exercé.

facilité d'exécution dans tous les pays, ce système présente encore l'extrême avantage de la légèreté et de ne point pousser ainsi les murailles au vide.

En présence de ces avantages signalés la Société nomme MM. de Caumont et Richelet, pour aider de leurs conseils la fabrique de Mézières, et la mettre à même de faire établir une voûte convenable et en rapport avec le monument auquel elle est destinée.

M. Gaugain soumet à la Société le plan d'un autel en pierre composé par M. Vérolles pour l'église de Cagny.

M. G. Villers prend la parole au sujet de cet autel, et signale plusieurs modifications importantes qu'il désirerait lui voir subir, et qui, une fois adoptées, le mettraient à même de figurer convenablement dans l'église de Cagny. Après ces observations, M. Villers se plaît à reconnaître que, malgré ces imperfections, ce projet atteste chez son auteur de notables progrès dans l'étude de l'architecture du moyenâge, et il croit devoir signaler à la Société la fidélité irréprochable avec laquelle M. Vérolles a restauré le portail méridional de la cathédrale de Bayeux, restauration qui lui fait le plus grand honneur. La Société s'associe aux éloges de M. Villers et vote des félicitations à M. Vérolles pour le zèle qu'il déploie dans les travaux de restauration ou de consolidation dont il est chargé.

Grâce aux efforts de la Société française, un sage retour commence à se manifester vers l'architecture ogivale. L'arrondissement de Bayeux en peut déjà offrir plus d'un exemple; et dans ce moment où il s'agit de construire un clocher à l'église d'Ecrammeville, près Bayeux, deux projets gothiques ont été dressés par MM. Vérolles et Delaunay; un troisième plan, dit M. Gaugain, avait aussi été présenté par M. Pelfresne; il est fàcheux qu'on ait refusé de l'admettre à concourir.

M. Pelfresne met sous les yeux de l'assemblée ce projet de clocher pour l'église d'Ecrammeville. L'élévation de cette tour placée en avant de l'église est de 36. 60°. Le style pur et correct est celui du XIV. siècle, époque de laquelle datent les autres parties du monument, et l'aspect général est on ne peut plus satisfaisant; l'exécution de ce projet aurait entraîné une dépense de 35,000 fr.

Le même architecte soumet encore à la Société le plan d'un clocher en style du XIII. siècle, qui est actuellement en voie d'exécution à Esquay-sur-Seulles. Cette jolie flèche, dont la hauteur doit être de 25 mètres, ne coûtera que 6,400 fr., preuve évidente et incontestable que le style ogival, doué d'un caractère éminemment plus religieux que les autres genres d'architecture, n'entraîne pas de frais d'exécution plus considérables.

La Société engage M. Pelfresne à persister dans la voie où il est entré et où il promet de marcher brillamment.

M. Bouet, à son tour, donne communication de plusieurs dessins dans lesquels il reproduit, avec un talent et une fidélité remarquables, plusieurs monuments du pays.

M. Lambert présente aussi le dessin qu'il a relevé d'une pierre tumulaire dans le chœur de l'église d'Engranville.

Ce dessin offre d'autant plus d'intérêt que l'église d'Engranville va être très-prochainement démolie, cette paroisse ayant été pour le culte réunie à celle de Formigny.

L'église d'Engranville offre des parties curieuses. MM. Lambert et Villers signalent entr'autres son chœur, qui est du XIIIe siècle, et dont la voûte est élégante et hardie; à un des côtés de la nef, on voit aussi une porte romane d'une grande beauté et dont l'architecture présente une particularité unique dans le pays et probablement fort rare en Normandie, les claveaux en sont évidés. La destruction de ce monument est donc fort regrettable, et il serait fort à désirer que la

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Société pût arrêter la ruine imminente qui plane en ce moment sur lui.

M. de Caumont confirme ce témoignage sur l'importance monumentale de l'église d'Engranville qu'il connaît, et il engage la Société à voter une somme de 400 fr. qui, dit-on, sera suffisante pour en faire l'acquisition.

La Société accueille avec empressement cette proposition et nomme MM. Lambert, Gaugain, Villers et de Bonnechose, propriétaires dans le canton, pour négocier l'achat.

M. Gaugain rappelle à la Société que précédemment elle avait alloué une somme de 150 fr. pour la restauration du prieuré de St.-Arnould. De leur côté, les habitants se sont cotisés. M. le colonel Langlois a donné 400 fr., et une somme de 1,000 fr. a été réunie; les travaux ont donc été entrepris et conduits à fin. Au dire de l'architecte, cette restauration aurait rempli le but que l'on se proposait, mais la fabrique de Tourgeville serait loin de partager cette satisfaction; de là, divergence d'opinions et rapports d'architectes experts contradictoires; aussi paraîtrait-il prudent que la Société ne versât son allocation que quand elle sera éclairée par le rapport d'un troisième architecte.

M. Bouet, qui a été témoin des travaux, affirme que la direction n'en a pas été convenable, en ce sens qu'elle n'aurait pas mis l'édifice en état de le rendre au culte, condition expresse imposée par la Société, dans le but d'en assurer désormais la conservation par la consécration religieuse.

La Société décide qu'avant de verser l'allocation promise, elle s'assurera préalablement de leur parfaite exécution et qu'il· en sera écrit à M. Le Métayer-Desplanches, commissaire de la Société à Pont-l'Evêque.

Sur la demande de M. Gaugain, 50 fr. sout mis à la disposition de M. le curé de Vaucelles, près Bayeux, pour contribuer à la restauration du chorur de son église; il s'agit

de restituer des parties de colonnettes mutilées dans le XVII. ou le XVIII. siècle.

La parole a été ensuite donnée à M. Le Flaguais.

Le vote récent, par le conseil municipal de Paris, de la construction de l'église Ste-Clothilde, et l'adoption de ce projet par le conseil des bâtiments civils, a, comme on sait, soulevé les colères de l'académie des beaux-arts. Indignée que l'on osât tenter de faire revivre ces types merveilleux créés par le génie de nos pères au milieu de la plus grande ferveur du catholicisme, la docte assemblée, par la bouche éloquente de M. Raoul-Rochette, a fulminé un terrible anathème contre la témérité de ces hommes qui ne craignent point de mettre en doute la convenance d'un temple payen tel que la Madelaine, pour le culte catholique. L'architecture ogivale n'est plus qu'un cadavre, dont on peut admirer la puissance passée, mais qu'il faut bien se garder de chercher à ranimer.

Devant cet acte d'intolérance, l'auteur des Neustriennes s'est indigné à son tour; et prenant la défense de l'art chrétien, dont l'esprit anima Piel, de même que tous les jours il suscite tant d'efforts généreux, dont l'Académie aurait dû au moins respecter le désintéressement, sa muse a noblement répondu à l'étrange manifeste, et glorieusement vengé la renaissance de l'architecture ogivale des attaques de ses détracteurs.

La pièce de vers de M. Le Flaguais, aussi remarquable par le charme de la poésie que par l'élévation et la recherche des idées, est intitulée: Aux Antiquaires. La Société française a accueilli avec enthousiasme cette apologie de ses labeurs, et en a voté l'impression par acclamation.

Lors de son apparition, la lecture du rapport de M. Raoul-Rochette avait aussi inspiré, à M. Georges Villers, l'idée d'en entreprendre la réfutation. Son travail a paru

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