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dans la zone Langroise ne détrône pas encore complètement le plein-cintre au XIV. siècle; si l'on veut y prendre garde, la porte couronnée d'une archivolte pesante arrêtée sur des têtes bizarres, amortie de manière à trahir à peine l'arc brisé, est une trace visible de l'architecture romane. On admire l'appareil des murailles en pierres de grès, la tourelle élégante agraffée à l'un des angles du couchant et où nous vîmes une cloche ancienne sans autre inscription qu'une espèce de trisagion latin.

Mais il nous tarde d'arriver au monument principal. A gauche du sanctuaire s'ouvre, dans le mur, l'arcade où se plaçait horizontalement la dalle funéraire. Pour établir un lutrin bleu, le plus affreux des lutrins, on l'arracha, on la mit dans le pavé, sous l'appui de communion qui la perça de ses pieds de fer, sous les souliers des fidèles qui la limèrent à loisir. M. l'abbé Michaut, curé de Montlandon et de Celsoy, mit fin à cette barbarie et la releva comme nous la voyons aujourd'hui.

Cette tombe est large de 1 mètre 45 c. et elle a le double en longueur; on aperçoit dans la pierre quelques empreintes de fossiles que je crois être des turritelles (1). Maître Guibert, assis dans une chaire gothique, s'enveloppe d'une longue robe dont le capuchon est ramené sur sa tête. Il appuie la main sur un pupitre dressé devant lui. Les feuilles métalliques où se dessinaient sa figure et celles des autres personnages, ayant été enlevées, on ne peut pas juger de sa physionomie; la forme du vide indique assez qu'une barbe vénérable ensevelissait son menton. Un cartel également formé d'une plaque incrustée et perdue semble sortir d'un nuage.

(1) Comme ce genre de coquilles caractérise les terrains tertiaires, on peut croire que la dalle vient du bassin de Paris et qu'elle a été gravée par un artiste étranger au pays Langrois.

A la gauche de Guibert, un clerc tient une longue baguette. En face on reconnaît ses élèves, qu'il surpasse de beaucoup en stature; le profil de leur silhouette en creux les montre lisant ou attentifs à sa parole. La scène s'encadre dans une arcade ogivale subtrilobée.

L'ensemble des ornements représente une façade en style gothique. La plume ne saurait décrire, l'imagination concevoir une si exubérante richesse. Galeries, pinacles, guirlandes, clochetons, rosaces épanouies sous mille formes, trèfles, rinceaux, nervures, archivoltes étoilées, mosaïques dans la toiture, effrayantes gargouilles, toute la profusion du XV. siècle s'y répand à flots, toute sa magnificence se condense et rayonne sur cette tombe merveilleuse.

Cependant au sein de cet éblouissant nuage, sous les dais en dentelles qu'un habile ciseau a finement découpés, ressortent plusieurs personnages intéressants. Au sommet, le Père éternel trône dans la région des astres, et reçoit l'âme du défunt, sous le symbole d'un petit corps d'enfant. La nudité des pieds, la barbe, les cheveux flottants et le nimbe caractérisent la personne divine. Plus bas, six anges aussi nimbés, nus pieds, en longues tuniques, se rangent symétriquement dans une galerie. Deux encensent en alternative; deux portent des flambeaux, les autres jouent l'un du violon, l'autre d'une espèce de guitare ou de mandoline. On remarque de plus les officiants d'un service funèbre, des acolytes avec la croix et l'eau bénite, le prêtre revêtu des ornements sacerdotaux, en particulier de la primitive châsuble, ample manteau à une seule ouverture. Enfin, la dalle est cantonée par les attributs emblématiques des évangélistes, tous quatre ailés et circonscrits par une auréole en quatre-feuilles dont les lobes sont séparés par un triangle.

L'inscription naïve et enthousiaste a été relevée infidèlement dans l'annuaire de 1811. M. Fériel l'a lue avec une scrupuleuse exactitude, laissant en italique les mots incertains.

CY GIST LA FLEUR A ODEUR FINE
DE SCIENCE DE MÉDECINE

MAISTRE GUIBERT DIE DE CELSOY
LEQUEL VO DIEU PENSER A SOY,
A FAIT CESTE CHAPELLE FAIRE
ET FUNDÉE DE GRANT DOAIRE
MAISTRE FU ES ARS EXCELLENT

ET EN MÉDECINE ENSEMENT

DE LA PRATIQUE SOUVERAIN

PAREIL N'AVAIT EU CORPS HUMAIN;

MEDECIN FU DES ROIS DE FRANCE

JEHAN ET DEUX CHARLES SANS DOUBTANCE
DE BÉNÉFICES HABONDANCE

OT ET DU SURPLUS SOUFISANCE
TROIS PREBENDES ET CATHÉDRAULX

LAON, CHALONS ET AUSSI MEAULX

A PARIS EN SON BEL MANOIR

FINI SES JOURS POR DIRE VOIR

L'AN DE GRACE M CCC ET X

ET 1111 CE M'EST ADVIS,

AU MOIS D'AOUST PRÈS DE LA FIN

JOUR DE SAINT-AUGUSTIN.

PRIEZ DIEU DE CUERTZ LOIAL

QUE LUI DOINT SON PALAIS ROIAL

On voit aisément qu'un c fut omis dans la date. Le règne du roi Jean commence en 1350; en 1378 Charles V fit une donation en faveur de son amé phisicien Guibert de Celsoy, pour les bons et raisonnables services par lui rendus. D'ailleurs le monument lui-même corrigerait cette erreur par son caractère architectonique.

Telle est la pierre tombale de Celsoy; j'ai l'honneur d'en offrir l'empreinte à la Société française, au nom de M. l'abbé Michaut, curé de la paroisse.

NOTICE

SUR LA DÉESSE SANDRAVDIGA,

ET

SUR UN AUTEL DE CETTE DIVINITÉ,

Par M. le Bon. DE CRAZANNES,

Correspondant de l'Institut, inspecteur divisionnaire de la Société française.

Il y a plusieurs années que, sur la route d'Anvers à Bréda, et entre les villages de Rysberg et de Zander, on découvrit un autel antique sur lequel est gravée l'inscription suivante :

DEAE

SANDRAVDIGAE

CVLTORES

TEMPLI.

Cet autel appartenant à la classe de ceux nommés ARAE par les Antiquaires, et formé d'une pierre calcaire très-tendre de 1 mètre 35 centimètres de largeur, sur 81 centimètres de hauteur; chacune des faces latérales de ce petit monument que nous visitâmes peu de temps après sa découverte, est orné d'une corne d'abondance remplie de fruits, sculptée en relief et semblable à celle que porte souvent le Dicu Priape, et au-dessus de l'autel est un phallus également figuré en relief, autre analogie avec les attributs ordinaires de cette divinité des jardins. Le travail de ce marbre est romain; auprès

de lui, lors de la fouille qui le remit en lumière, on a trouvé des anneaux en fer et des fers de lance corrodés par la rouille, et qui se sont en quelque sorte réduits en poussière dès qu'on les a touchés.

Ce monument nous a paru d'autant plus précieux et plus digne de fixer l'attention des explorateurs et des amis de l'antiquité, qu'il paraît être encore unique.

L'on ne connaissait pas la déesse Sandraudiga, lorsqu'un heureux hasard le rendit au jour, et appela sur lui l'intérêt des archéologues, d'après la description qu'en donnèrent les journaux.

La nouvelle divinité auquel cet autel est consacré doit être ajoutée à la nombreuse série de celles nommées DII MUNICIPES par Minutius Félix, DII LOCALES par Ammien-Marcellin, DII TOPICI par Servius, et que nous voyons figurer en si grand nombre dans nos recueils épigraphiques; elle devait donc, selon toutes les probabilités, appartenir à la localité, ou du moins à la contrée dans laquelle on a déterré son monument. Il ne serait pas aussi facile de dire quels étaient sa nature, ses attributions, son domaine. Il ne nous semble pas qu'on puisse rien préjuger avec quelque fondement et quelque certitude à cet égard, des armes ou instruments en fer, assez peu déterminés auprès de son autel, et qu'on soit suffisamment autorisé à l'inspection de leurs formes, lors même qu'on y reconnaîtrait des fers de lances, des anneaux (ou fragments de chaînes), etc., à lui donner le département de la guerre, chez les peuples qui la vénéraient; ces débris de ferrures pouvaient aussi bien avoir été destinés ou employés à d'autres usages qu'à ceux de l'attaque ou de la défense dans les combats. Ils pouvaient être relatifs aux sacrifices offerts à Sandraudiga, et avoir été même des instruments de supplice.

Les attributs emblématiques du phallus et de la corne

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