Page images
PDF
EPUB

Archange. Le martyr de saint Hippolyte, écartelé par des chevaux, est peint à l'huile sur le mur, en la chapelle SainteAnne. Le lait de chaux cachait cet ouvrage assez pauvre d'ailleurs. Un religieux et une religieuse s'agenouillent et prient dans un coin de la scène. Voici la double inscription:

COMME JADIS PLAIN DE GRACE ET VERTU
SAINCT IPPOLYTE A LA FOY ADONNE
DE JESUS-CHRIST APRES ESTRE BATTU
NA PEU JAMAIS EN ESTRE DESTOURNÉ.

CE QUE VOYANT LE TYRANT EMPEREUR

TOUT ENRAIGE PLAIN DIRE ET DE FUREUR

PAR DES CHEVAULX INDOMITES TYRE

LUY FILT SON CORPS ET MEMBRES DESCHIRER.

1549.

Nous te prions o glorieulx martyr

Par le loyer (?) que tu as mer te

Prier pour nous Dieu q soit so playsir

Après la mort le voir en trinite

Amen.

Parmi les nombreuses toiles appendues dans l'église aux membres d'architecture, plusieurs, si elles n'ont pas le mérite d'être à leur place, ont du moins une valeur propre incontestable. On attribue à Raphaël celle qui représente l'orgie d'Hérode pendant laquelle est apporté sur un plat le chef décollé de saint Jean-Baptiste. Il y a peu de convenance à étaler cette scène au fond de l'abside et sur la galerie à jour dont l'effet est perdu. Un autre tableau plus authentique s'accroche à l'un des gros piliers du choeur; il représente saint Alexis. Le chevalier romain vêtu d'un manteau vert doublé de jaune et d'une courte tunique rouge tient le bâton de pélerin et marche récitant son chapelet. La tête d'une expression noble mélancolique et douce, est admirable et digne de son auteur André del Sarte.

Un troisième représente saint Luce, pape, refusant d'adorer l'idole que lui montre un flamine, il porte le costume pontifical moderne. Ce tableau dont les figures sont de grandeur naturelle est très-estimé des artistes qui n'hésitent point à y reconnaître le pinceau de Pierre de Cortone ou de quelque peintre héritier du génie du Carrache. Enfin je mentionnerai la mort de saint Joseph signée d'Edme Bouchardon. Cet ouvrage est un souvenir de sa jeunesse et fait d'après Carle Maratte. Il sert de rétable à l'autel de Sainte-Marguerite. Mais les bornes et le caractère de cette notice archéologique ne nous permettent pas de nous arrêter sur toutes ces pein

tures.

Dans la nef, on admire la chaire à prêcher et le banc d'œuvre sculptés en bois par un habile ouvrier nommé Landsmann, suivant les dessins du père de Bouchardon. Nous n'aimons pas le classicisme dans les églises; toutefois on ne peut se dissimuler que de pareils ouvrages révèlent un magnifique talent.

La sacristie est fort belle et voûtée comme le déambulatoire. En visitant le mobilier, nous avons trouvé beaucoup de reliquaires, les uns en bustes, les autres en tombeaux; mais aucun ne nous a paru ancien ni curieux. Un calice bien ciselé en vermeil, coupe évasée, galbe bien profilé, est décoré de scènes de la passion. Plusieurs armoires sont remplies de graduels et d'antiphonaires manuscrits sur vélin. Parmi ces infolio du XVI. siècle, il en est qui sont illustrés de miniatures, d'initiales coloriées sur fond d'or, de marges où brillent les fleurs et les arabesques. La plupart ont souffert et nul n'est de premier ordre pour la perfection du travail. Il y a cependant un antiphonier qui surpasse les autres en richesse. La liturgie qu'ils renferment est langroise ou plutôt romaine modifiée par les coutumes du diocèse. On peut y voir les anciennes séquences qu'on ne chante plus, et des

offices intéressants comme celui de la sainte larme du Christ, la célèbre relique de Vendôme que le docie P. Mabillon osa défendre contre les hardicsses de Thiers, lesquelles n'étaient pas toujours déplacées.

O lacryma gloriosa Christi precharissima
Gemma cœli preciosa lymphaq. purissima

A Christoq. nata angelo collecta
Magdalene data Maximino vecta
Imperatori græcorum unde presentata
Gaufredo Vandamorum ad locum translata
Interna et externa conserva lumina

Gratia sempiterna corda illumina

O fulgida o lucida o lympida
Quæ semper inviolata permansisti.

Si maintenant nous sortons pour examiner l'extérieur de l'église, les mêmes caractères de deux siècles éloignés se manifestent. J'attribue à la même époque, aux premières années du XIII. siècle, les tours et les flèches, toute la façade occidentale. Il est vrai, des architectes croient le portail d'un siècle plus ancien dans sa partie inférieure. Leur opinion se fonde sur ce que la porte est encore romane. Plusieurs colonnettes dont les chapiteaux sont ornés de têtes, de nudités indécentes, soutiennent des tores cintrés et en retraite l'un sous l'autre. Mais indépendamment de la pointe ogivale qui se révèle au sommet de la courbure, on voit qu'il n'existe aucune trace d'un travail interrompu. D'ailleurs, dans nos pays, pendant le XIII. et même au XIV. siècle, les traditions romanes apparaissent encore dans les églises, surtout au portail du couchant. Ce phénomène est évident pour quiconque étudie les monuments du pays Langrois placés à la frontière de la zone que l'art gothique comprenait dans sa marche. Il est certain qu'elle embrassa le nord de la France jusqu'à Chaumont; déjà elle expire ici; à Langres elle

est morte; on entre dans l'architecture Burgundo-Lyonnaise (1).

Les contreforts, arcs et piliers buttants qui appartiennent à la nef et aux bas-côtés se distinguent par la masse et la simplicité. Autour du chœur ce sont des arcs boutants à double rang d'arcades, des pinacles, des aiguilles, des galeries, des corniches avec moulures et denticules, des gargouilles effrayantes, vrais diables qui fuient sous l'aspersion de l'eau bénite; ils s'arrachent de la muraille grisâtre où ils hurlent depuis 300 ans.

Mais pour comprendre la profusion de la sculpture en cette période si prodigue d'ornements, il faut considérer le petit portail St.-Jean et les deux portes qui s'ouvrent dans les bras du transept. La pierre a obéi à tous les caprices de l'imagination et s'est transformée, par une sorte de magie, en dentelles, en roses, en crosses de feuillages, en choux frisés, en ceps de vigne, en salamandres, coquillages et animaux fantastiques. Des tambours disgracieux de bois et de pierre, ont fort endommagé ces merveilles. C'est justice à rendre à MM. Bouchard et Ragot, de louer le goût et le soin avec lesquels ils ont sagement réparé ces dégradations. On a restitué au petit portail, exécuté dans le style du XV. siècle, son bas-relief de la vie de saint Jean qui tapissait le tympan de la porte. Le trumeau symbolique qui la divise attend sa statue. Les niches sont vides et attestent le passage d'un vandalisme brutal.

En 93, l'église devenue magasin à fourrages fut violée et mutilée. On enleva les plombs, qui, à l'extérieur, conduisaient les eaux des toits; on brisa des mencaux de fenêtres, des statues et des aiguilles dont les morceaux gisent encore.

(1) V. pour la délimitation des écoles d'architecture l'essai de M. de Caumont sur le synchronisme de l'architecture, tome 7. du Bulletin monumental.

Les barbares se faisaient hisser jusqu'aux voûtes pour détruire, au péril de leur vie, les fleurs de lys placées sur un cercle qui tient encore aux pendentifs du chœur. Dans la maison no. 2, rue du Corgebin, j'ai vu incrustés dans un mur et cachés par des lambris, des bas-reliefs de la passion et de la vie de la Sainte-Vierge, que sans doute on a sauvés du marteau en ces jours désastreux; on se souvient qu'ils étaient dans les chapelles comme beaucoup d'autres dont il ne reste aucun vestige. Il y a peu d'années de grandes tapisseries à personnages étaient encore suspendues autour du chœur on les a vendues à des fripiers. J'ignore ce qu'elles représentaient, mais ma mémoire me rappelle les lances, les casques, les chevaux et les grands soldats qui frappaient alors mon imagination.

Le sépulcre est dû à une fondation faite en 1471 par Marguerite de Baudricourt, restée veuve de Geoffroy de Saint-Blin, conseiller et chambellan de Louis XI, seigneur de Saixefontaine. La noble dame accomplissait ainsi les vœux de son mari qui désirait faire bâtir de plus une chapelle en l'église St.-Jean-Baptiste. « Il était en intention, voulenté et propos de faire tailer et asseoir au fons d'icelle tour du clocher en ymaiges de pierre grandes et eslevées la représentation du Saint Sépulcre Notre-Seigneur JésusChrist et en icelle chapelle hors de la dicte tour les autres mystères de la Passion. »>

La chapelle fut construite, mais elle n'existe plus; seulement on reconnaît une fenêtre plus ancienne que les autres, et qui l'éclaira certainement. Du moins les ymaiges de pierre grandes et eslevées sont dans leur intégrité. Si le sépulcre de Saint-Mihiel est plus savant, il n'est, certes, pas aussi pieusement inspiré (1).

(4) On compare souvent le sépulcre de Saint-Mihiel et celui de

« PreviousContinue »