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485 kilogrammes et porte l'inscription suivante gravée sur sa gorge:

Olim lignea, tecta plumbo, de cœlo tacta, deflagrata, anno 1506; vigilantia Vastini Des Fugerets succentoris, arte Johannis de Belsia, 1507, ad sexpedas 62 opere lapideo educta, stetit ad annum 1690, quò curvata ventorum vi ac penè disjecta; sed insequenti anno 1691, pari mense, die propè pari quatuor pedibus altior opere munitiori refecta, jussu Cap., Domino Henrico Decano Goault, curâ Roberti de Salornay canonici, arte Claudii Augé Lugdunensis, conferente in sumptus 1000 libras Philippo Goupil, clerico fabrica. Altum nubibus infer culmen; quod faxit Deus esse diuturnum 1.

C'est dans ce vase qu'est entée la croix qui domine tout l'édifice, comme pour annoncer au loin le mystère de la rédemption du genre humain. La croix, haute de 2 mètres 70 centimètres, est surmontée d'un soleil doré. Jadis le soleil avait 4 mètres de circonférence; il est maintenant beaucoup plus petit, afin d'offrir moins de prise aux vents.

$5. La Façade occidentale.

La façade principale est plus remarquable par ses colossales proportions que par la richesse de sa décoration. Elle se compose d'un perron de six marches, d'un porche à triple baie historiée de sculptures, d'un triplet ogival et vitré, d'une rose aux élégants compartiments, d'une balustrade avec trottoir, d'une galerie de rois, et d'un gable ou pignon orné d'une niche et terminé par une statue. Mais ce qui communique à la façade un mouvement extraordinaire, ce sont les deux clochers que nous venons de décrire. Elle occupe, y compris les deux clochers, une largeur totale de

48 mètres.

C'est devant cette façade qu'il est question, dit-on, de percer une nouvelle rue, afin de dégager les abords de la Cathédrale : nous espérons toutefois qu'on n'en fera rien. « C'est une grande erreur que de croire, dit M. de Montalembert, que les cathé

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1 Histoire de l'église de Chartres, par Sablon, 1697, page 67.

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>> drales gothiques ont besoin d'être complètement isolées pour produire tout l'effet que comporte leur architecture; les con>> structeurs de ces cathédrales n'avaient pas cette idée, et nulle » part on ne les a vus la mettre en pratique. Il n'existe pas » en Europe une cathédrale qui n'ait été dans l'origine flanquée » au nord et au midi, non-seulement de ses sacristies, mais >> encore du palais de l'évêque, du cloître des chanoines, de leur » salle capitulaire, et des vastes bâtiments qu'il fallait pour loger » les chapitres, presque toujours très-nombreux et très-riches. » En Angleterre, beaucoup de cathédrales ont conservé ces dépen>> dances bâties dans le même style que le corps de l'église, et bien que les cathédrales anglaises soient pour la plupart trèsinférieures aux nôtres, elles frappent souvent davantage au pre» mier aspect, précisément à cause de cet entourage dont les proportions inférieures font d'autant plus valoir celles du mo>> nument central. En thèse générale, la grandeur des admirables » édifices du Moyen-Age, comme toute grandeur d'ici-bas, >> besoin de points de comparaison qui la fasse apprécier et res>> sortir. L'isolement absolu leur est fatal. Il ne faut pas à coup >> sûr entasser les constructions voisines, de manière à dérober » des parties notables de l'ensemble à l'œil qui les contemple; » il ne faut pas permettre, comme à Rouen, à Chartres et ail» leurs, que les maisons viennent s'incruster entre les contre>>forts. Mais il ne faut pas non plus faire le vide autour de nos

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cathédrales, de manière à noyer dans ce vide les magnifiques » dimensions qu'elles ont reçues de leurs auteurs. Elles n'ont » pas été faites pour le désert, comme les pyramides d'Egypte, >> mais pour planer sur les habitations serrées et les rues étroites >> de nos anciennes villes, pour dominer et enlever nos imaginations par leur vaste étendue et leur immense hauteur, symbole

» immobile mais éloquent de la vérité et de l'autorité de cette Eglise dont chaque cathédrale était l'image en pierre 1. »

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Nous allons d'abord décrire le porche; les autres parties de la façade auront leur tour plus tard.

1 Rapport fait à la Chambre des Pairs, le 11 juillet 1845, sur la réparation de la cathédrale de Paris.

PORCHE. Le porche est composé de trois baies donnant entrée dans la nef principale; les parois, les chambranles, les tympans et les voussures sont peuplés de statues et de statuettes fort remarquables, au nombre de 719, en y comprenant les animaux qui se jouent dans les rinceaux et les entrelacs.

Avant de chercher à connaître ces nombreuses statues, il est bon que le lecteur se rappelle que toute l'iconographie des églises du Moyen-Age n'est qu'un livre de doctrine et de morale; son but est l'instruction du peuple et l'édification des fidèles; y voir autre chose que la théologie chrétienne se résumant par des faits de l'ancien et du nouveau Testament, c'est se tromper, c'est ne rien comprendre à l'art de nos pères '. Les verrières, les peintures, les sculptures, tout, dans la cathédrale gothique, représente la Bible, l'Evangile, la vie des Saints avec leurs dogmes mystérieux, leurs divins enseignements; mais offerts avec une méthode, un savoir profond. C'est à ce point de vue qu'il faut se placer pour interpréter les personnages figurés dans notre Cathédrale par la peinture et la sculpture, vrais hiéroglyphes du Moyen-Age que l'archéologie chrétienne apprend à déchiffrer. Oh! qu'ils se sont trompés, ces écrivains qui n'ont vu que des caprices d'imagination disposés sans goût ni logique, que des produits de l'ignorance et de la barbarie dans cette admirable statuaire qui peuple l'extérieur de nos cathédrales catholiques!

Ceci posé, revenons à notre porche. Il a été élevé vers 1170, sous l'épiscopat de Guillaume de Champagne. Une pensée d'ensemble a dirigé l'habile et pieux artiste 2 qui l'a construit. Quelle est cette pensée ? C'est de nous dire la glorification ou le règne de Jésus-Christ. Mais en même temps l'artiste a voulu nous montrer comment Jésus a mérité d'être glorifié, et il nous a tracé à grands traits la vie terrestre du divin Sauveur. Il a distribué son sujet de la manière suivante: sur les chapiteaux, il a sculpté les principales

1 Voyez l'introduction à l'Iconographie chrétienne, par M. Didron, pages II-VIII.

Cet artiste, n'est-ce pas Bérenger, architecte, dont parle un nécrologe du XIIIe siècle? IIII Kal. novembris 1180 obiit Berengarius Ecclesiæ artifex bonus.

scènes de l'enfance et de la vie publique de Jésus-Christ; sur le tympan de la baie latérale de gauche, c'est l'ascension au ciel; et sur les parois, les chambranles des trois portes, sur le tympan et sur la voussure de la porte centrale, le sculpteur a placé le sujet principal, la glorification du Fils de Dieu. Le tympan et la voussure de la porte latérale de droite offrent un hommage à la trèssainte Vierge. Telle est la majestueuse unité que nous avons cru apercevoir dans ce beau porche.

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On le voit, c'est l'Évangile tout entier qui est offert aux regards du chrétien prêt à franchir le seuil de la Maison du Seigneur. Ce beau sujet est sculpté sur la façade occidentale de toutes les grandes églises du XIIe siècle. En voici la raison symbolique : « Du côté de l'occident, dit le R. P. Cahier, côté de l'ombre, du sommeil et » de l'ignorance des choses divines, l'Église doit faire luire le >> flambeau de l'Évangile et de la foi; il faut qu'elle y fasse retentir >> bien haut le signal du réveil et qu'elle arbore les fanaux de ral» liement pour le voyageur égaré par les ténèbres... Cette façade » de l'édifice doit donc rappeler les notions fondamentales de l'enseignement chrétien, et surtout présenter à nos regards celui qui est la voie, la vérité et la vie; celui qui est l'unique entrée à » la science divine et à la gloire qui est le terme 1. »

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Entrons maintenant dans les détails, et commençons par les chapiteaux historiés.

Ces chapiteaux ont beaucoup souffert de la main du temps et de celle des hommes; un grand nombre de têtes surtout ont été brisées. Dans les statuettes bien conservées, on remarquera avec quel bonheur et quelle justesse les moindres détails sont rendus; les figures, malgré leur petite dimension, semblent respirer, tant elles traduisent fidèlement les sentiments qu'on a voulu leur faire exprimer. La plupart des scènes qui y sont représentées, exigeraient de longs développements, que nous réservons pour notre Monographie. Nous nous contenterons donc d'indiquer brièvement le sujet. Le point de départ est le haut du chambranle gauche de la porte principale en suivant jusqu'au clocher-neuf. 1o Le grandprêtre Isaschar refuse l'offrande de Joachim, qui donne un agneau;

1 Mélanges d'archéologie, tome 1, page 81.

Anne offre deux tourterelles 1. 2° Anne et Joachim couverts de confusion se retirent. 3° Joachim assis au milieu de ses troupeaux, reçoit la visite d'un ange qui lui annonce la naissance de Marie. 4° Joachim et Anne se rencontrent à la porte dorée.

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5o Marie est née; on la lave dans un baquet. 6° Joachim et Anne assis prennent la résolution de mener Marie au temple de Jérusalem. 7° Joachim, Anne et la petite Marie, âgée de trois ans, se rendent au Temple; un âne est derrière eux. Marie monte les degrés du Temple; Joachim et Anne restent au pied des degrés. 9° Joachim et Anne retournent en leur demeure. 10° Marie est conduite à l'autel par un prêtre et par saint Joseph, qui tient un bâton fleurdelisé. -11° Mariage de Joseph et de Marie; ils se donnent la main devant un prêtre. 12° Joseph emmène à Nazareth sa chaste épouse. 13° Marie et Joseph sont assis; un ange vient annoncer à Marie qu'elle sera Mère de Dieu. - 14° Le grand-prêtre Abiathar reproche à Joseph d'avoir déshonoré Marie. 15° Marie est couchée dans un lit, et tient son Enfant emmaillotté; Joseph est assis dans un fauteuil; deux sagesfemmes sont près de Marie 2; l'âne et le bœuf réchauffent l'Enfant avec leur haleine. 16° Les anges annoncent aux bergers de Bethleem la naissance du Fils de Dieu. 17° Les trois Mages viennent demander à Hérode où est né le nouveau roi des Juifs deux docteurs sont derrière Hérode. 18° Les trois Mages offrent

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1 Voyez les Évangiles apocryphes, Paris, 1849, pour les quinze premiers faits sculptés ici; ou le Miroir historial, lib. VI.

2 Toutes les légendes parlent de ces deux sages-femmes. (Voyez les Evangiles apocryphes, pages 127-129.) Saint Zénon, évêque de Vérone, mort en 380, en parle aussi dans un sermon; un moine grec nommé Epiphane rapporte également que Marie a été assistée par deux sagesfemmes. (Voyez les Anecdota litteraria d'Amaducci, tome III, page 29.) Saint Jérôme et divers écrivains du Moyen-Age traitent ces récits de fables absurdes; leur antiquité se démontre toutefois par des passages de Suidas et de Clément d'Alexandrie. (Voyez les Stromates, lib. VIII.) Il existe une dissertation de Goez, imprimée à Lubeck en 1707: Num Maria, Filium Dei pariens, obstetricis ope fuerit usa? Le décret du pape Gélase mentionne, parmi les divers ouvrages qu'il frappe de réprobation, un Livre de sainte Marie et de la sage-femme.

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