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siècle passé, et veillera avec la plus généreuse sollicitude à leur entière conservation. Ainsi se prépareront les éléments d'une régénération complète dans cette partie oubliée de l'art catholique.

A l'entrée du choeur s'élevait un jubé, gracieuse tribune en bois, sculptée vers 1510 par P. Courtier, probablement d'après les dessins de Jehan de Beauce. Au nombre des ornements du jubé, on remarquait un porc dressé sur ses pattes et battant le beurre. » dans une baratte, sous un chêne; l'animal grossier ouvrait la » gueule pour en saisir le gland qui tombait. » C'est ainsi que des vieillards nous ont raconté le fait; il nous semble que cette baratte n'était autre chose qu'une chaire d'où le porc prêchait. Ces sculptures épigrammatiques si singulières désignent presque toujours des hérétiques notoires. C'est ainsi qu'à Saint-Sernin de Toulouse, on voit «< un porc assis dans une chaire en rase campagne, avec >> cette inscription: CALVIN LE PORC PRÉCHANT1. »

Derrière le chœur, à droite de la chapelle absidale, il y avait une petite chapelle dite des Challine, parce qu'elle avait été fondée par cette famille. La chapelle contenait un caveau destiné à leur sépulture, et dans lequel les corps se conservaient sans corruption, comme dans l'église des Cordeliers de Toulouse. « En faisant >> l'ouverture de ce caveau en 1725, dit Piganiol de la Force en sa » Description historique et géographique de la France, on y trouva » sept corps entiers et très-sains, savoir: quatre d'hommes, >> deux de femmes et un d'enfant âgé d'environ trois ans. On re» marqua que l'un d'eux, mort depuis cinquante ans, avait encore » les traits si bien conservés qu'il fut reconnu aussitôt par d'an>> ciens bourgeois de la ville; l'un de ses bras était ceint d'une » bandelette, et la piqûre était encore aussi fraîche que si elle eût » été faite dans la journée. » Lors de la dévastation des églises en 1793, ces corps furent retrouvés dans le même état de conservation; on les retira et on les inhuma clandestinement dans la crypte méridionale, où l'on en voit encore les ossements épars sur le sol humide.

L'église de Saint-André possède deux cryptes vastes et profondes, qui s'étendent dans toute la longueur du transsept: celle

1 Du Catholicisme et du Vandalisme, par M. de Montalembert, page 49.

qui est creusée sous la croisée septentrionale, a son entrée près de la petite chapelle du XVIe siècle que nous avons décrite plus haut. Elle est très-irrégulière; dans sa plus grande longueur elle mesure 12 mètres 80 centimètres; et sa largeur est de 10 mètres 50 centimètres. La voûte, haute d'environ 5 mètres, est en pierre de taille. La crypte méridionale est moins irrégulière sa longueur est de 9 mètres 80 centimètres, sa largeur de 9 mètres. La voûte est aussi plus élevée; elle compte plus de 6 mètres de hauteur. Dans le mur qui regarde le midi, il y a une niche assez profonde, remplie de terre; c'est là que l'on a inhumé en 1793 les corps intacts des Challine. Dans un coin de cette crypte, il y a une fontaine toujours pleine d'une eau limpide et potable. Les deux cryptes communiquaient autrefois par une grande arcade fermée aujourd'hui avec de la maçonnerie.

Hélas! depuis soixante ans, l'église de Saint-André ne voit plus célébrer les augustes Mystères; les anges saints qui veillaient à sa garde, l'ont abandonnée : elle sert de magasin à fourrage pour les chevaux de la garnison et appartient au ministère de la guerre! Mais bientôt le magasin à fourrage va être transporté ailleurs; et alors verrons-nous le beau temple redevenir une maison de prières? Cela dépendra du Conseil municipal de Chartres. Nous espérons qu'il comprendra que mettre une église à la portée des populations est une des œuvres les plus utiles auxquelles les chrétiens et les politiques puissent travailler œuvre religieuse et profondément catholique, puisqu'elle tend à réveiller dans les âmes une foi bien endormie, sinon tout-à-fait éteinte; œuvre politique et sociale, puisqu'en contribuant à rappeler aux hommes les saintes prescriptions de la loi divine, la Religion leur enseigne à obéir aux lois de l'État, à respecter le bien d'autrui, à s'aimer et à s'aider mutuellement. Au nom de la Religion, de la société et de l'art, nous faisons les vœux les plus ardents pour le rétablissement de l'église paroissiale de Saint-André.

Je termine ici mon modeste travail. Je n'ignore pas que je n'ai fait qu'effleurer à peine mon vaste et magnifique sujet : le cadre

étroit de mon livre ne m'a pas même permis d'indiquer les nombreuses et importantes questions qui se donnent rendez-vous sur le terrain de la cathédrale de Chartres; car seule elle résume en quelque sorte toute l'histoire intellectuelle du Moyen-Age: c'est l'interprétation biblique, c'est la littérature et la civilisation de l'époque; c'est l'architecture, la peinture, la statuaire d'une longue période d'années; ce sont les arts et les métiers, les idées dominantes des peuples, leurs mœurs et leurs usages, leurs costumes, leur caractère, leur vie intime; c'est l'humanité, c'est la Religion, c'est Dieu!

Je dois ici témoigner toute ma reconnaissance à mon honorable et savant ami, M. Paul Durand, qui, après mon départ de Chartres, a bien voulu corriger les épreuves de mon livre, et vérifier, collationner pour ainsi dire, avec patience et un savoir profond, la description des vitraux de la Cathédrale et des autres églises. C'est à lui que je dois d'avoir pu faire disparaître de mon travail plusieurs erreurs assez graves.

Malgré l'attention la plus minutieuse dans la correction des épreuves, quelques fautes typographiques déparent encore mon livre le lecteur intelligent saura bien les corriger.

Parmi les modifications que j'eusse voulu faire subir à mon travail, il en est deux que je tiens à faire tout de suite. J'ai avancé, page 21, que le jubé de la Cathédrale datait de la fin du XIIIe siècle. C'est au contraire dans la première moitié de ce siècle qu'il faut reporter la construction de ce beau monument. - Page 95, j'ai attribué au XIVe siècle des sculptures et des soubassements qu'un examen plus attentif me fait reporter un peu plus tôt ils datent du même temps que le reste du porche ; les différences d'aspect doivent être attribuées à une autre cause qu'à celle d'époque plus ou moins ancienne.

Valenciennes, le 24 septembre, en la fête de Notre-Damede-la-Merci, 1850.

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