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ÉGLISE DE SAINT-ANDRÉ. '

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Cette église, malgré le triste état d'abandon dans lequel elle est tombée, est encore un monument très-intéressant sous le rapport de l'art et de l'antiquité. Elle date du milieu du XIIe siècle.

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Avant 1791 c'était la plus importante des dix paroisses de Chartres: elle comptait plus de deux mille communiants. Elle était tout à la fois paroissiale et collégiale; son clergé se composait d'un doyen, de douze chanoines, d'un curé ou vicaire perpétuel et d'un prêtre sacristain.

S'il en faut croire nos anciens historiens, une église dédiée à saint André aurait été construite vers la fin du second siècle. Plusieurs fois brûlée, comme tous les édifices de la ville, elle fut toujours rebâtie par la piété des fidèles. De ces constructions antiques il ne reste plus que le souvenir historique et l'emplacement, qui est celui de l'église actuelle. L'endroit sanctifié par l'autel primitif n'était jamais abandonné à des usages profanes par les Chrétiens des siècles de foi. L'autel était la pierre indispensable, essentielle, immuable, autour de laquelle s'élevait à diverses époques l'église changée, augmentée, transformée; tout se pouvait déranger, excepté l'autel, qui devait demeurer immobile, comme la religion dont il rappelle les plus augustes mystères.

1 Voyez, pour l'historique de l'église, les Registres capitulaires de Saint-André, Ms des archives du département d'Eure-et-Loir.

Dans les premières années du XIIe siècle, l'église de Saint-André fut érigée en collégiale par le bienheureux Yves, évêque de Chartres. La charte que le saint évêque donna en cette circonstance, est datée du 17 des kalendes de septembre 1108, et commence ainsi Ego Yvo humilis Carnotensium episcopus... in ecclesià » sancti Andree que in suburbio supradicte civitatis est posita, » pro utilitate canonicorum ibi commorantium, decanum consti>> tuimus dominum videlicet Odonem, virum venerabilem, in ec»clesiasticis et secularibus benè eruditum. » Peu de temps après cette érection en succursale, en 1134, l'église devint encore une fois la proie des flammes, lors du terrible incendie qui dévora presque toute la ville de Chartres. On la rebâtit bientôt telle que nous la voyons de nos jours, et elle venait d'être terminée, lorsqu'en 1185 elle fut renfermée dans l'enceinte de la cité.

Au commencement du XVIe siècle, elle était devenue trop étroite pour la nombreuse population de la paroisse; on résolut alors de prolonger l'édifice par-delà le transsept à cet effet on jeta sur la rivière une arche de 14 mètres destinée à porter le chœur et le sanctuaire, qui furent bientôt élevés avec toute la richesse du style ogival tertiaire par le maçon Jehan de Beauce. L'arche jetée sur l'Eure, disent nos historiens, était hardie et d'une grande beauté d'exécution, et sa singularité admirable fixait l'attention de tous les curieux à tel point que Vauban, chargé par Louis XIV de visiter tous les monuments du royaume, se crut obligé, dans son rapport au roi, de le ranger au nombre des merveilles de la France 2.

En 1612, un prolongement nouveau fut ajouté au chevet de l'église on y construisit une grande chapelle dédiée à la trèssainte Vierge; elle était supportée par une seconde arche jetée au-dessus du quai de la rive droite de l'Eure. Les événements de 1793 ont tout fait disparaître et ont déshonoré la belle église dédiée au saint apôtre de l'Achaïe.

1 Histoire de Chartres, par Pintard, page 711.

2 M. Garnier, imprimeur-libraire, possède une vue de cette belle arche et du choeur de Saint-André, fort bien gravée par SergentMarceau nous la reproduirons dans notre Monographie générale.

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Elle offre la forme d'une croix en tau; la porte principale se trouve à l'occident, comme dans toutes les églises du Moyen-Age. La longueur totale dans œuvre est de 39 mètres 1/2; le transsept compte 31 mètres de long; la nef a 10 mètres 90 centimètres de large; et les bas-côtés ont 5 mètres 60 centimètres. La hauteur de la nef est d'environ 20 mètres.

L'extérieur de l'église n'a de remarquable que la façade occidentale. Trois arcades cintrées en occupent toute la partie inférieure; les archivoltes de ces arcades sont ornées de tores et de zigzags contre-zigzagués, et reposent sur des colonnettes, dont les chapiteaux sont très-curieux; ils offrent quelque réminiscence du chapiteau corinthien; entre les feuilles d'acanthe, on voit des têtes humaines riant, chantant, grimaçant. Deux de ces chapiteaux méritent une mention particulière; c'est le second et le troisième, en commençant à gauche sur l'un on voit un individu armé d'une serpe et faisant le geste de se défendre contre un personnage qui le menace de son sceptre fleuronné; sur l'autre, un moine tonsuré semble bénir un personnage qui lui présente une petite fiole; ce dernier porte sur la tête une riche calotte à bordure rehaussée de pierreries. Dans tous ces chapiteaux, la pierre est bien fouillée, et l'exécution matérielle atteste que le ciseau était conduit par une main savante et exercée.

L'arcade centrale sert de porte d'entrée; elle est fermée par deux vantaux armés de belles pentures, œuvre d'un forgeron du XII siècle; plusieurs fragments assez volumineux en ont été arrachés depuis quelques années : ils sont déposés au musée de. la ville. Cette porte était autrefois précédée d'un perron de neuf marches, que recouvrait un porche-auvent en bois peint. Deux petites portes ajoutées au XVe siècle donnent entrée dans les nefs latérales.

On remarquera la forme élégante et bien dessinée du triplet ogival placé au-dessus des arcades que nous venons de décrire. Chaque fenêtre est ornée d'archivoltes dont presque toutes les moulures forment un tout continu avec les pieds-droits qui les supportent c'est là un caractère architectonique du style de tran- · sition. Le triplet repose sur une corniche composée de deux tores séparés par une gorge profonde; et cette corniche est soutenue

par des modillons à têtes saillantes offrant des figures grotesques et grimaçantes.

Au-dessus du triplet, une élégante rose étale les divisions de sa riche corolle. Elle est inscrite dans un triangle semi-curviligne, et formée de trois cercles; le symbolisme en est évident: l'habile et religieux artiste du XVe siècle a voulu nous donner une image de l'Unité et de la Trinité divines. Les cercles sont remplis par des meneaux qui se contournant en lignes sinueuses, s'entrecoupant avec un art merveilleux, présentent une justification complète du terme flamboyant que l'on emploie pour les désigner. Audessus de la rose, à l'amortissement du pignon, il y a un oculus qui paraît du XIIIe siècle.

La tour qui est accolée au transsept méridional, est lourde, et peu élevée; la flèche octogonale qui s'élançait vers le ciel comme une prière, a disparu depuis la tourmente révolutionnaire de 1793. La tour est divisée en deux étages et compte, dans œuvre, 5 mètres 40 centimètres sur chacune de ses dimensions; un escalier de 82 marches conduit au sommet.

Les murs de l'édifice sont construits en appareils moyens, et leur entablement se compose de la seule corniche qui repose sur des modillons fort simples, figurant l'extrémité d'une solive taillée en biseau. Le mur du bas-côté méridional est percé d'une large arcade donnant passage pour se rendre à l'église de Saint-Nicolas, qui y était contiguë.

L'intérieur, qui porte le cachet des principes austères de l'architecture romane, présente un vaisseau partagé en trois nefs. Seize piliers cylindriques soutiennent la nef centrale et le transsept; leurs piédestaux sont arrondis au sommet et carrés à la base, et portent une griffe ou palme à chaque angle. Leurs chapiteaux sont assez variés et offrent des feuilles galbées ou en crochets, d'une exécution très-simple. Au-dessus des arcades sévères des travées, règne un large tore qui ceint l'édifice dans toute son étendue. Plus haut se trouve la claire-voie supérieure, composée d'une suite de lancettes simples sans aucun ornement; aujourd'hui elles sont maçonnées en partie.

Dans les bas-côtés, il n'y a que quelques fenêtres étroites et irrégulières. Les fenêtres du pourtour du chœur étaient larges et garnies de belles verrières peintes, dont il ne reste que le sou

venir dans les archives de Saint-André :

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En 1582, Marin >> Levavasseur, peintre-verrier, de Paris refit tout à neuf les ver» rières du pourtour du chœur, consistant en quatorze vitres, >> en toutes lesquelles était peinte l'histoire de la nativité de Moyse » et comment les enfants d'Israel furent délivrés de la captivité » de Pharaon; moyennant 25 sous tournois par pieds carrés. » Les voûtes de Saint-André sont en bois; elles ont été refaites en 1480 par P. Courtier, qui nous a laissé son nom gravé en relief sur la troisième poutre de la nef centrale. Toutes les poutres sont très-élégantes; elles sont couvertes de moulures dans toute la longueur; le milieu et les deux extrémités offrent des sculptures variées, des armoiries, des feuillages, des têtes d'animaux fantastiques, des scènes historiées. Les trois dernières poutres sont peintes et dorées. La voûte de la nef est ogivale; celle des bascôtés forme un arc surbaissé-irrégulier.

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Dans le bas-côté septentrional, une petite chapelle a été élevée par Jehan de Beauce, au commencement du XVIe siècle; la voûte est chargée de nervures qui se multipliant forment un réseau compliqué d'un bel effet; les deux clefs sont aussi fort gracieuses. Cette voûte est soutenue par des piliers prismatiques dont les chapiteaux sont enrichis d'arabesques.

Presque vis-à-vis de cette chapelle, à l'endroit où se trouvait la chaire, on voit de curieuses peintures murales du XIIIe siècle; elles se composent de trois tableaux : le premier est indéchiffrable; le second représente l'Annonciation; le troisième, l'ange qui tire saint Joseph de son doute. Chaque tableau se trouve dans une arcade trilobée, et le tout est encadré par des rinceaux fort bien dessinés. Ces curieuses et anciennes peintures sont exécutées sur un ciment composé de chaux et de pierres broyées. Elles s'effacent peu-à-peu par le frottement continuel de la paille et du foin qui remplissent l'église; deux têtes seulement ont conservé leur fraîcheur.

Ces peintures murales sont presque les seules qui existent encore de cette époque à Chartres. On sait que cette partie importante de la décoration de nos églises est demeurée, jusqu'à nos jours, fort obscure, à cause du petit nombre d'exemples connus ; espérons que l'esprit d'étude et de conservation signalera une foule de peintures échappées comme par miracles aux iconoclastes du

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