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ÉGLISE DE SAINT-PIERRE.

L'Église de Saint-Pierre n'a pas la célébrité qu'elle mérite; elle est cependant, après la Cathédrale, le monument le plus remarquable de la province; on peut la regarder, comme une des plus belles églises secondaires que possède la France; plusieurs de nos cathédrales lui sont même inférieures. Après avoir été longtemps la basilique d'une célèbre abbaye, elle est devenue, depuis le Concordat de 1801, l'église paroissiale de cette partie de . Chartres nommée la basse-ville. L'abbaye elle-même sert aujourd'hui de caserne militaire.

L'abbaye de Saint-Pierre, vulgairement de Saint-Père, appartenait à l'institut bénédictin, si célèbre dans l'univers catholique par ses prédications, ses missions étonnantes, sa science, sa. haute destinée religieuse, agricole et littéraire, qui nous a laissé en France, avant de mourir, les trésors de son savoir et les prodigieux monuments de saine érudition et de patient labeur auxquels le XIXe siècle tout entier a peine à ajouter une seule pierre.

Tous nos anciens historiens nous apprennent qu'une église a été fondée à Chartres en l'honneur de saint Pierre par saint Savinien et saint Potentien ses disciples, du temps même que le prince des apôtres occupait la chaire pontificale de Rome. Cette église s'élevait-elle sur l'emplacement actuel? c'est plus que probable; quoi qu'il en soit, au VIe siècle de l'ère chrétienne un

temple s'y élevait bien certainement, puisque dès-lors il fut érigé en abbaye par Clovis Ier; et cette abbaye fut richement dotée par sainte Clotilde 1.

L'église et l'abbaye éprouvèrent bien des désastres; elles furent détruites une fois par les Normands, et à diverses reprises elles devinrent la proie des flammes. Enfin un dernier incendie vint les détruire encore une fois, le 5 septembre 1134, sous l'abbé Udon, qui rebâtit l'abbaye.

Le successeur d'Udon, l'abbé Foulque ou Foucher, entreprit de reconstruire l'église abbatiale, et il chargea un de ses moines, Hilduard, d'en diriger les travaux, qui furent commencés vers 1150, à l'époque où l'ogive venait de s'introduire dans l'architecture religieuse. « Le moine Hilduard travailla tellement à la » solidité du choeur de l'église de Saint-Père, qu'il y employa » tout l'argent qu'on avait amassé de la charité des fidèles chrétiens, en sorte que n'ayant plus moyen de continuer son dessein » et de bâtir la nef, il fut obligé de faire un mur du côté d'occi» dent pour clore le chœur et borner son ouvrage 2. » En creusant les fondations de ce mur, on rompit une voûte en forme de chambrette, dans laquelle se trouvait le corps de saint Gilduin, en

1 Histoire de l'abbaye de Saint Père, par D. Bernard Aubert, prieur de ladite abbaye, chapitre 1er; manuscrit de la bibliothèque de Chartres. — On trouvera dans ce manuscrit tous les renseignements qu'on peut désirer sur l'antique et célèbre abbaye. Une notice sur l'abbaye et église de Saint Père a été publiée par Chevard dans l'Annuaire d'Eure-etLoir de 1808: cette notice est un tissu d'erreurs et d'inexactitudes.

2 Histoire de l'Abbaye, chap. 141.

3 Gilduin était fils de Rudalenus, seigneur de Dol, et neveu, par sa mère, du baron du Puiset, près de Janville; jeune encore il fut nommé chanoine de l'église archiepiscopale de Dôle; son rare mérite le fit bientôt connaître, et il fut élu par le clergé et le peuple de Dôle pour être leur archevêque. Le saint n'y voulut jamais consentir; il se rendit même à Rome pour faire agréer son refus par le pape saint Grégoire VII. A son retour il s'arrêta à Chartres, où il passait les jours à prier dans la cathédrale, devant la sainte Châsse; il tomba malade, il fut transporté dans l'abbaye de Saint-Père, et il y mourut le 27 janvier 1076 ou 1077.

veloppé d'une dalmatique, d'une tunique et d'un cilice. Hilduard ayant fait tailler une tombe en pierre, devant l'autel de la chapelle de saint Nicolas, le corps du saint y fut transporté et déposé en grande cérémonie le 9 mai 1165.

Cependant de nombreux miracles s'opérèrent bientôt sur le tombeau de saint Gilduin; les fidèles y vinrent en foule et firent de riches offrandes qui permirent de reprendre, vers 1215, les travaux interrompus de l'église. On construisit alors la nef et ses bas-côtés, qui durent être achevés vers 1230. L'église abbatiale fut dès-lors complète. Toutefois vers la fin du règne de saint Louis, les moines de Saint-Père reconstruisirent le chœur de leur église; soit que celui de Hilduard fût jugé indigne de la nef, soit qu'il menaçât déjà ruine. L'abside du chœur ne fut même terminée que dans les premières années du XIVe siècle. Ces diverses édifications sont certaines. Il est vrai que tous nos historiens prétendent que l'église actuelle appartient tout entière au XIIe siècle; mais les règles de la critique monumentale ruinent absolument cette opinion erronée. On comprend en effet qu'élevée avec lenteur, l'église abbatiale doit nécessairement présenter les signes architectoniques des siècles qu'elle a traversés: or ces signes, évidents pour l'archéologue le moins exercé, démontrent sans réplique que l'édifice n'est pas d'un seul jet, mais appartient aux quatre époques que nous avons indiquées plus haut.

Ainsi, de nombreuses générations de moines ont apporté à ce beau temple le tribut de leur patience et de leurs travaux. Ce n'est pas ici l'ouvrage d'une société fugitive qui s'épuise en brillantes improvisations pour se procurer, en passant, les jouissances du présent; c'est celui qu'une famille qui a conscience de sa durée, consacre à une religion immortelle.

Pleine de vigueur et de majesté dans son ensemble, l'église de Saint-Pierre se développe en parallélogramme irrégulier avec rondpoint, sur les proportions suivantes :

On l'enterra à l'entrée du chœur de l'église. Les reliques du saint se trouvent maintenant dans la petite église de Champhol, où le curé actuel, M. l'abbé Bazalgète, a fait arranger une ancienne crypte pour recevoir le trésor sacré.

Longueur hors œuvre, en y comprenant la tour..

Longueur dans œuvre, avec la tour..

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EXTÉRIEUR. Avant d'entrer dans quelques détails sur l'intérieur de l'église, esquissons à grands traits son extérieur. Le monument se présente sous des formes graves et majestueuses. Trente contreforts avec doubles arcs-boutants se dressent pour contenir les voûtes; les quatorze contreforts de la nef offrent quatre retraits peu prononcés, et ils sont surmontés d'un pinacle et d'une tête-gargouille. Les contreforts de la nef méridionale << sont fondés dans un côté du cloître; mais au lieu de lui nuire, >> lui donnent un ornement très-beau, car chaque pilier est sup» porté par quatre petites colonnes de pierre ornées de bases et » de chapiteaux, qui par leur ordre embellissent le cloître 1» Les seize contreforts du chœur sont plus hauts et plus légers que ceux de la nef; leurs retraits sont plus prononcés; des animauxgargouilles rampent ou se contournent au dernier retrait; et le tout est surmonté par des clochetons qui forment, autour du sanctuaire, de petites tourelles élégantes, comme autant de sentinelles préposées à sa garde. On remarquera que les six contreforts de l'abside n'ont été terminés que vers 1310; leur architecture le démontre évidemment.

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Les charpentes de la nef et du chœur sont parfaitement construites, et méritent d'être visitées; elles sont recouvertes de tuiles.

1 Histoire de l'Abbaye, ch. 89.

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