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>> rières ont deux singularités, à sçavoir, qu'elles sont excellem» ment damassées en diverses manières, et qu'elles ne sont pas transparentes ny en couleur ny à la lueur du soleil, c'est-à-dire, que quelque soleil brillant qu'il puisse faire, les rayons du » soleil n'éblouissent aucunement ceux qui les regardent direc>>tement; et les couleurs des verrières ne paraissent point sur le pavé ny sur autre chose à l'opposite d'icelles qui sont deux grandes et rares commodités pour tous ceux qui se trouvent en prières dans ladite église 1. »

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On remarquera la variété infinie qu'offrent les armatures des fenêtres inférieures. Toutes ces bandes de fer qui forment comme le squelette du vitrail, se tordent en dessins riches et avec un art qui produit le plus heureux effet.

Nos magnifiques verrières sont des dons faits à la Cathédrale par la foi vive et généreuse de nos pères. La plupart de celles qui garnissent les fenêtres supérieures sont dues à la pieuse munificence de saint Louis, de saint Ferdinand, de Blanche de Castille, des chanoines de Chartres, et d'un grand nombre de seigneurs français leurs vieux blasons, hiéroglyphes de la féodalité, y brillent encore. Les verrières de l'étage inférieur ont été données par les corporations d'arts et métiers de la ville de Chartres au XIII siècle.

L'auteur d'une description de la procession générale faite le 18 juin 1681, dit, après avoir nommé les trente-neuf corps de métiers dont les membres assistaient à la procession avec un gros cierge à la main garni des images des patrons et des armes de la corporation : « Ce n'est pas la première marque de la dévotion >> des ouvriers et artisans de cette ville envers l'innocente Marie : » il y en a d'aussi anciennes que l'église, puisque l'on voit qu'il » se trouve fort peu de corps de métiers considérables en icelle qui n'ayent pas voulu avoir la gloire de contribuer de quelque >> chose à l'ornement de ce fameux temple. On n'a qu'à jeter les

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→ Cousin, cité par M. d'Anstaing en ses Recherches sur la cathédrale de Tournay, tome I, page 324. La cathédrale de Tournay est l'édifice religieux le plus remarquable de la Belgique. Ses nefs et son beau transept ont été construits vers la fin du XIIe siècle; le chœur, si savamment rendu à sa beauté primitive, date de la seconde moitié du XIIIe.

» yeux sur les vitres d'icelui, et ipsa patrum monumenta pro» bant; et l'on y verra les marques de la piété de leurs anciens » maitres dépeintes 1. »

Du reste, voici le tableau exact des divers donateurs et du

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Tels sont les donateurs des admirables vitraux de notre glorieuse Cathédrale. Mais quels sont les artistes qui les ont exécutés? Aucun d'eux n'a voulu signer les chefs-d'œuvre qui sortaient de leurs pinceaux un épais mystère règne aujourd'hui sur les noms de ces hommes de génie et de foi.

M. Félix Bourquelot ne donne, pour le XIIIe siècle, que le

La Bausse desséchée ou Discours sur la procession générale faite à Chartres le 18 juin 1681, contenant plusieurs antiquitez de l'église et autres choses curieuses, par Jacques Anquetin, greffier de cette ville.

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nom de deux peintres-verriers, Balard et Clément : « Le nom de » Ballardus est peint sur une verrière du chœur de la Cathédrale >> de Chartres. Cicognara parle d'un abbé qui fit réparer son église » en 1249 par un peintre nommé Balard. On lit de plus dans une inscription: Doctaque manu Bailardi. Il y a tout lieu de croire » que ces mentions se rapportent au même artiste vivant au XIII » siècle. Clément, natif de Chartres, travailla vers le règne » de Philippe-le-Hardi, aux vitraux du pourtour du chœur de la >> Cathédrale de Rouen. On lit dans une de ces verrières: Clemens » vitrearius Carnutensis. 1 ». Nous devons d'abord faire remarquer que le nom de Ballardus ne se trouve pas sur une de nos verrières; il y a seulement PETRUS BAI..., c'est le nom du diacre donateur du vitrail: il n'en est pas le peintre. Quant à Clément, il a probablement travaillé pour notre Cathédrale, avant que d'aller à Rouen. En effet nous avons cru reconnaître son pinceau dans le vitrail de Saint-Martin; il y a dans le faire de ce vitrail une certaine ressemblance avec le faire des vitraux de la Cathédrale de Rouen.

Il existe deux descriptions des vitraux de la Cathédrale de Chartres. La première est manuscrite et se trouve à la bibliothèque publique de la ville; elle a été faite par Pintard. Rien de plus embrouillé que cette description: les légendes des Saints y sont interprétées comme s'il était question de quelque héros de l'Inde; les faits bibliques mêmes ne sont guère mieux traités. Cependant tel qu'il est, ce manuscrit nous a été utile pour les vitraux qui ont été défoncés. La seconde description n'est pas supérieure à la première c'est plutôt une nomenclature sèche et aride qu'une description; elle est due à M. F. de Lasteyrie et se trouve en son Histoire de la Peinture sur verre.

La description que nous publions nous-même aujourd'hui, ne sera qu'une exposition rapide et tout-à-fait sommaire; nous nous proposons seulement de rendre quelque peu lisibles ces tableaux immenses, ces belles images qu'un concile d'Arras appelait le Livre des Laïques, et que les anciens Catéchismes recommandaient

1 Histoire de la Peinture et des Arts du dessin, par M. Félix Bourquelot, dans la Patria, col. 2,258.

de regarder en récitant le chapelet durant la messe 1. Pour le moment, nous laisserons de côté les détails historiques et les mille remarques qu'il y aurait à faire sur les usages et les costumes du XII et du XIIIe siècle, sur les couleurs et l'art des admirables peintres-verriers qui ont travaillé dans notre Cathédrale.

La vitrerie peinte de Chartres a perdu plusieurs tableaux au siècle dernier; ils ont été remplacés par du verre blanc. Dans ceux qui existent encore, un certain nombre de panneaux ont été, à diverses époques, mutilés, démembrés, retournés, déplacés par le fait de vitriers ignorants et maladroits. L'ordre chronologique est souvent interverti; ce qui rend parfois l'interprétation trèsdifficile. On a coupé des personnages à la tête, au ventre, aux pieds; les inscriptions ont aussi beaucoup souffert. Un remaniement général est donc devenu chose nécessaire.

Nos vitraux ne sont point placés dans un ordre symétrique; tout a été laissé au caprice des donateurs. Il n'y a d'exception que pour les vitraux qui garnissent les jours des quatre extrémités de la croix. Ceux-ci offrent le sujet exigé par la symbolique du XIIIe siècle2, c'est-à-dire qu'à l'occident on a mis le Jugement dernier; au nord, la Glorification de la très-sainte Vierge, comme Refuge des pécheurs; au midi, la Glorification de Jésus-Christ, comme Docteur du monde ; à l'orient, la Glorification de Marie, reproduite une seconde fois, parce qu'elle est la patronne de l'Eglise. Nous commençons par décrire rapidement ces grands et magnifiques sujets.

S1. Les grandes Roses.

Nous n'avons pas à dire ici toute la délicatesse des compartiments dont se composent les trois grandes roses de la Cathédrale; nous ne parlerons que des vitres peintes qui les garnissent; ces

1 Catéchisme en usage dans les diocèses de Cambrai, de Liège et de Namur, avec des explications par Henry, 1782, tome 1, page 146.

2 Voyez sur ce point la Symbolique chrétienne, un savant article du R. P. Cahier, en ses Mélanges d'archéologie, tome I, pages 78-84.

vitres datent du XIIIe siècle. Le lecteur sait déjà que le diamètre des trois roses est de douze mètres environ.

ROSE OCCIDENTALE. Le Jugement dernier est le sujet traité dans cette magnifique rose. Jésus, le Juge suprême, est assis sur des nuages au centre d'une auréole quadrifoliée; de ses cinq plaies coulent des flots de sang. Il est entouré de deux chérubins, de huit anges, de dix apôtres, des quatre animaux évangéliques. Dans le haut deux anges montrent les instruments de la Passion, et quatre autres anges sonnent la trompette du jugement. A droite et à gauche on voit les morts sortir de leurs tombeaux pour paraître devant leur Juge. On voit aussi saint Michel peser les âmes dans la terrible balance: les unes sont menées par les anges dans le sein d'Abraham, et les autres sont conduites par d'affreux démons dans l'enfer à la gueule béante et enflammée; parmi les damnés on en voit un avec une bourse pendue au cou; c'est la personnification de l'avarice. Sous le cercle central, un panneau a été enlevé par un boulet lancé contre la Cathédrale lors du siège de 1590; ce panneau a été récemment remplacé par quelques débris d'un vitrail défoncé à la fin du XVIIIe siècle.

Sous la rose occidentale se trouvent trois splendides verrières du XIIe siècle. Les sujets qui y sont figurés, devaient, dans la pensée du peintre, se rapporter à la grande scène qu'il aurait traitée dans la rose, c'est-à-dire à la Glorification de Jésus-Christ. C'est en effet une loi fidèlement observée par les artistes du MoyenAge, de reproduire deux fois à chaque portail le même sujet; de sorte que la peinture sur verre est toujours la reproduction de la statuaire, pourvu que l'une et l'autre soient de la même époque. Aujourd'hui les trois grandes fenêtres du portail occidental n'ont qu'une signification incomplète, parce que l'artiste qui a peint la rose au XIIIe siècle, n'a pas compris, ou plutôt n'a pas voulu suivre la pensée de son prédécesseur.

La première fenêtre à droite montre un magnifique Arbre de Jessé ou tige généalogique de Jésus-Christ. Dans le bas du vitrail, le vieux Jessé est couché sur un lit; de sa poitrine sort l'arbre de la généalogie divine; les branches de l'arbre se croisent et se recroisent plusieurs fois, et entre les branches s'échelonnent les rois de Juda, ancêtres charnels de Marie et de Jésus: comme la place

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