Page images
PDF
EPUB

évêques. Le Saint-Esprit, sous la figure d'une colombe, plane audessus d'eux. Un diacre debout lit la sentence d'anathème contre Nestorius, qui au même instant est frappé par la foudre, qui le renverse et brise sa crosse. Il nous paraît difficile de rendre d'une manière plus ridicule une scène si imposante et si terrible; les évêques ont tous des figures grotesques, et des costumes fort bizarres.

Retournons maintenant à l'entrée principale du chœur pour étudier les quatre tableaux placés à droite.

1° L'Immaculée conception. La pensée de ce tableau est heureuse; mais l'exécution en est fort médiocre. On voit Marie debout, la tête couronnée de douze étoiles, les bras étendus, les pieds posés sur la lune, et écrasant de son talon le serpent infernal. Le Père éternel se montre assis sur des nuages et entouré de chérubins; il pose sa main droite sur la tête de la Vierge immaculée, et il indique du doigt le reptile auquel il semble dire: Une femme t'écrasera la tête. Dans un coin du tableau, un ange armé d'un glaive étincelant chasse du paradis Adam et Eve.

2o L'Adoration des Mages. Jésus assis sur les genoux de sa tendre Mère, reçoit les présents mystérieux des trois rois, vêtus de riches et bizarres costumes. L'étoile miraculeuse brille à travers les nuages. Saint Joseph s'est placé derrière sa chaste épouse, et s'appuie sur un bâton. Derrière les Mages, on voit un page et un chameau.

3° Mater dolorosa. Jésus est descendu de la croix; son corps inanimé repose sur les genoux de sa Mère désolée, qui ouvre les bras et regarde le ciel. Jean et Madeleine pleurent amèrement; Marie de Cléophas soutient la Mère de Dieu. Le corps du Sauveur est une étude d'anatomie, où vous pouvez compter tous les muscles, mais où vous ne trouverez pas la plus légère trace d'une souffrance divine.

4o Le Vœu de Louis XIII. Le lecteur sait que, par un édit solennel daté du 10 février 1638, ce pieux monarque mit le beau royaume de France sous le patronage spécial de la très-sainte Vierge c'est le sujet de ce tableau. La bienheureuse Vierge Marie est assise sur des nuages; Jésus est sur ses genoux et porte une palme en guise de jouet. Louis XIII est prosterné devant la Mère de Dieu et lui offre sa couronne et son sceptre. Derrière le roi, on

reconnaît Condé et Richelieu avec deux autres personnages; il y a aussi un hallebardier qui se tient debout. Sur le sol, gît un écusson royal dont les fleurs de lys sont effacées. Dans un coin, on lit : Bridan, 1789.

Pour en finir avec le chœur, nous mentionnerons les cent dixsept stalles, disposées sur deux rangs; elles sont assez commodes, mais elles n'ont aucun mérite artistique. A la première stalle de gauche on lit la signature du menuisier qui les a faites: Lemarchant, 1788. Le trône épiscopal, qui se trouve à l'extrémité des stalles, a été exécuté en 1822 par Guittard, le froid menuisier de la chaire.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Nous demandons à nos lecteurs la permission de leur citer ici des paroles qui semblent avoir été écrites pour les anciens chanoines de Chartres, après la prétendue réforme artistique et liturgique qu'ils firent dans le vaste chœur de leur sublime Cathédrale. «Non contents de l'envahissement des statues et des tableaux païens sous de faux noms, on les vit substituer à l'antique liturgie, à cette langue sublime et simple, que l'Église a inventée » et dont elle a seule le secret, des hymnes nouvelles, où une » latinité empruntée à Horace et à Catulle, dénonçait l'interruption >> des traditions chrétiennes 1. On les vit ensuite défoncer les plus magnifiques vitraux, parce que sans doute il leur fallait une » nouvelle lumière pour lire dans leurs nouveaux bréviaires : puis >> encore abattre les flèches prodigieuses qui semblaient destinées » à porter jusqu'au ciel l'écho des chants antiques qu'on venait » de répudier. Après quoi, assis dans leurs stalles nouvelles, sculptées par un menuisier classique, il ne leur restait plus qu'à >> attendre patiemment que la révolution vînt frapper aux portes » de leurs Cathédrales, et leur apporter le dernier mot du paganisme ressuscité, en envoyant les prêtres à l'échafaud, » et en transformant les églises en temples de la Raison. Mais grâce pour leur ombre! ils avaient l'excuse de s'être laissés >> entraîner par le torrent qui a entraîné la société tout entière depuis les soirées platoniciennes des Médicis, jusqu'aux

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

1 On connaît le dicton si juste que fit naître cette métamorphose; Accessit latinitas, recessit pietas.

[ocr errors]

courses de char ordonnées par la Convention au Champ-de» Mars 1. ›

[blocks in formation]

La Cathédrale de Chartres comptait autrefois cinquante-deux chapelles ou autels, savoir: trente-neuf dans l'église supérieure, et treize dans la crypte ou église souterraine. Toutes ces chapelles et tous ces autels avaient été fondés, au XIII et au XIV siècle, ou par Saint-Louis et ses successeurs, ou par des évêques et des chanoines de Chartres, ou par des personnages de haut rang 2. Cette série d'autels sur lesquels s'immolait chaque jour la divine Victime, augmentait encore la gravité religieuse et vénérable de la basilique. Un grand nombre d'autels furent enlevés en 1661, pour dégager l'église; les autres disparurent en 1791. Toutes les chapelles furent, à cette dernière époque, brutalement déshonorées par le vandalisme restaurateur de l'évêque conventionnel Bonnet.

Il n'entre pas dans notre plan de décrire ici les anciennes chapelles, nous ne parlerons que de celles qui existent encore, au nombre de onze. Toutes sont fermées par des grilles en fer plus ou moins mauvaises; les autels de mauvais goût qui décorent ces chapelles proviennent des églises de Chartres supprimées en 1791. Nous devons dire que cette rocaille du XVIIIe siècle a été trouvée admirable par les hommes éclairés d'alors! Nous sera-t-il donné de voir un jour disparaître les monstrueux placages qui défigurent toutes nos chapelles?

Le XIXe siècle a voulu marcher sur les traces de son devancier : il a changé les vocables de toutes les chapelles, pour les baptiser de noms plus jeunes, plus sonores, plus en vogue. Monseigneur l'évêque de Paris a fait rechercher quels étaient au XIII les titulaires des chapelles de sa Cathédrale; et ces chapelles vont être rendues à leurs anciens et vénérés patrons. Pourquoi ne ferait-on pas de même à Chartres?

1 Du Vandalisme et du Catholicisme dans l'art, par M. de Montalembert, page 191.

2 Parthenie, première partic, pages 155-144.

Disons maintenant quelques mots sur les chapelles actuelles. Première chapelle. Cette chapelle est sous le clocher-neuf; elle a été érigée en 1837, sous le vocable de Notre-Dame-des-SeptDouleurs. Auparavant, ce c'était qu'un passage pour se rendre dans la crypte, dont l'entrée est cachée par le lambris qui revêt le bas des murs. Ce lambris, et l'autel avec son tabernacle et son rétable, ont la prétention d'être en style gothique; toute cette décoration est l'œuvre de M. Bravet, menuisier de Chartres. Au rétable on voit un tableau peint sur toile; les connaisseurs disent qu'il est sorti du pinceau du Carrache; il représente une Pieta, comme disent les Italiens; il a été donné par Madame Bouton et son fils. Cinq autres toiles sont pendues à divers endroits de la chapelle. Sur le mur de droite, il y a le groupe en plâtre de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, donné par M. Dubucquoy de Dottignies. Près de l'entrée de la chapelle se trouvent les fonts baptismaux en marbre de Languedoc.

Pour l'archéologue, il n'y a dans cette chapelle que les chapiteaux romans des piliers et des colonnes. La voûte, qui date du XIIe siècle, n'est formée que d'une seule croisée d'ogive avec des nervures toriques.

[ocr errors]
[ocr errors]

Deuxième chapelle (dans le transsept septentrional). C'est la chapelle de la Transfiguration. Elle n'existait pas autrefois; il y avait seulement près du mur un petit autel appelé « l'autel des » Vierges, fondé (en 1259) par sainct Louis par le moïen de ce qu'il remit et quitta au sieur évesque de Chartres, le droict de giste qu'il lui devoit '. » La chapelle a été construite en 1791; pour cela on condamna une porte du transept, on exhaussa le sol, et l'on défonça une verrière peinte, bouchée aujourd'hui avec du mortier. Toute sa décoration est dans le style monstrueux, selon l'expression de M. de Montalembert; l'autel provient de l'ancienne église de Sainte-Foi (convertie en théâtre); pour rétable, il y a un grand tableau qui représente la Transfiguration de JésusChrist. Sur les deux piliers qui sont à l'entrée de la chapelle, il y a deux statues à gauche, c'est saint Fiacre, patron des jardiniers; à droite, sainte Barbe debout près de sa tour tradition

Parthénie, première partie, page 140.

nelle. Cette chapelle est une de celles qui défigurent l'architecture intérieure de notre Cathédrale: il faut espérer qu'elle disparaîtra bientôt.

Troisième chapelle. Ce n'est pas proprement une chapelle; mais c'est là que les fidèles vénèrent la statue miraculeuse de la Vierge-Noire-du-Pilier. Cette statue date des premières années du XVIe siècle; elle est peinte et dorée; on ne peut en voir que le visage, parce qu'elle est toujours couverte d'un vêtement assez singulier sans ce vêtement elle serait plus vénérable encore. Marie est assise sur un trône fort simple; elle est figurée dans toute la grâce de la jeunesse; son visage noir-brun offre l'expression de la bonté et de la candeur; ses cheveux sont dorés; un petit voile jaune couvre le haut de sa noble tête; sa main droite tient une poire, et sa gauche soutient son Enfant assis sur ses genoux. Son vêtement consiste en une double robe et un manteau royal la robe intérieure d'azur et d'or ne montre que ses manches étroites; la seconde robe est toute d'or avec des dessins de couleur rouge de feu, bordée d'azur et doublée de noir; cette robe est retenue par une ceinture rouge-pourpre; le manteau jeté sur les épaules revient grâcieusement se replier sur les genoux, et trouve pour attache, au milieu de la poitrine, une belle agrafe losangée; il est d'azur parsemé de fleurs d'or et doublé d'écarlate; sa bordure est aussi d'or et porte une inscription trois fois répétée, sans doute pour indiquer que chaque personne de l'auguste Trinité adresse ces paroles à la bienheureuse Vierge: Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te. Ses chaussures noires ont les extrémités arrondies. Jésus, qui est assis sur les genoux de sa tendre Mère, bénit de la main droite, et sa gauche s'appuie sur le globe terrestre, sa tête est nue; son visage est grâcieux et plein d'intelligence; il est vêtu d'une robe d'or bordée de rouge et doublée de vert. La sculpture et la peinture de cette belle statue sont irréprochables.

[ocr errors]

Cette sainte image fut d'abord placée devant le jubé, comme nous l'apprennent tous les historiens de l'Église de Chartres : » Au-devant d'icelui (jubé), du côté septentrional, est un hault >> throsne eslevé, sur lequel et dessus une coulomme ronde de pierre fort dure, est posée l'image de Nostre-Dame, entourée >> de coulommes et traverses de cuivre. Feu maistre Vastin des

[ocr errors]
« PreviousContinue »