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a fait son testament, « commandant à sainct Jean de donner deux >> robes qu'elle avait à deux filles là présentes, et qui avaient >> demeuré plusieurs années en sa compagnie »; elle tient en ses mains un cierge bénit que lui a donné saint Pierre. Celui-ci est revêtu de l'aube, de l'étole et de la chape, et porte un goupillon pour asperger d'eau bénite la sainte Mourante. Saint Jean en pleurs s'appuie sur le lit de sa mère adoptive. Saint Jacques-le-Majeur à genoux récite dévotement son chapelet (depuis quelques années, les mains de l'apôtre sont brisées). Saint Jacques-le-Mineur prend ses lunettes pour lire dans son livre de prières. Tous les apôtres paraissent dans la plus amère tristesse. Cette scène est bien rendue et traitée avec soin.

XXXVIII. Le portement Nostre-Dame. La très-sainte Vierge, placée dans un cercueil recouvert d'un drap mortuaire, est portée sur les épaules des apôtres en son sépulcre de la vallée de Josaphat; saint Pierre préside au convoi funèbre. Saint Jean ouvre la marche; il a un livre dans un étui. Dans sa main gauche, et sa droite (aujourd'hui brisée) tenait « le rameau vert envoyé du » ciel par un ange, en signe de la puissante victoire que la saincte Vierge remporterait du péché, du diable et de la mort mesme. >> Saint Jacques-le-Majeur porte le goupillon et récite le chapelet. Saint Jacques-le-Mineur tient le rituel et le bénitier.

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XXXIX. Le sépulcre de Nostre-Dame. Jésus accompagné de quatre anges est descendu du ciel vers le sépulcre de sa tendre Mère, et il donne la bénédiction à son corps virginal, qui revient à la vie. Marie se lève en joignant les mains; des anges lui prêtent assistance, et vont la porter au ciel 2. Les anges sont vêtus de

1 L'une de ces deux robes, la Tunique intérieure ou la Sancta Camisia, est conservée depuis 876 dans la Cathédrale de Chartres c'est notre plus précieux trésor, et la tutèle de notre cité.

2 La vérité de l'Assomption corporelle de Marie est solidement établie par l'antique tradition de l'Eglise. Parmi les témoins de cette tradition, on compte les plus célèbres et les plus saints Docteurs : saint Augustin, saint Grégoire-le-Grand, Grégoire de Tours, saint Pierre Damien, saint Bernard, saint Thomas d'Aquin, etc, dans l'Eglise latine; saint André de Crète, saint Germain de Constantinople, saint Jean Damascène, etc.,

l'aube ceinte; l'un d'eux a de plus l'étole croisée sur la poitrine et tient un cierge tors. Sous ce groupe, il y a une belle porte sculptée en bois, qui ferme l'entrée de l'ancienne chapelle de Saint-Guillaume.

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XXXX. Le Couronnement Nostre-Dame. C'est une scène charmante. Agenouillée sur des nuages peuplés de petits anges, Marie reçoit sur la tête une élégante et gracieuse couronne, que lui posent ensemble les trois Personnes de l'auguste Trinité. Le Père est vêtu de l'aube, de la chape et de la tiare à triple couronne, et tient en sa main gauche la boule du monde; le Fils est en tunique et manteau, la couronne d'épines sur la tête; le SaintEsprit se présente sous la forme d'une colombe tenant au bec la couronne de Marie. Celle-ci est vêtue de la robe longue et du manteau; ses cheveux flottent avec grâce sur les épaules; sa figure douce et grave respire le bonheur et la reconnaissance. Dans l'arrière-plan de ce groupe, on voit quatre anges qui prient en joignant les mains.

Ici s'arrête la série des faits racontés par la partie principale de la clôture du chœur. On y voit encore une infinité de sujets tirés de la Bible, de l'histoire locale, et de l'imagination de l'artiste; nous n'osons les décrire ici, de peur d'être trop long. Toutefois il nous est impossible de ne pas dire quelques mots sur les 35 médaillons faisant tableaux, qui ornent le stylobate de la clôture dans sa courbure absidale. Tous ces médaillons ont beaucoup souffert de la main stupide des enfants et des barbares qui y ont gravé leurs noms avec la pointe d'un couteau. En commençant près de la porte latérale du midi, on trouvera les faits suivants placés sans aucun ordre chronologique.

Chartres assiégé par Rollon en 911. De nombreux soldats. sont dans la vallée de Saint-Jean; ils courent vers les murs de la ville, figurés tels qu'ils existent encore. Au haut du mur, on voit l'évêque Gausselin, Wantelmus, vêtu pontificalement et accompagné de clercs et de moines; il montre aux assiégeants la sainte

dans l'Eglise grecque. Voyez Benoît XIV, de Canoniz., lib. II., cap. XLII, no 15; - Suarez, In tertiam partem summa D. Thomæ, tome II, disput.

XXI.

Tunique de la Mère de Dieu. Parmi les clercs, l'un tient la crosse de l'évêque, et l'autre porte la croix. Ce fait est ainsi raconté par Jehan le Marchant:

Li chartain la chemise pristrent

Sus les murs au quarneaus la mistrent
En leu denseigne et de benniere :
Quant la virent la gent aversiere
Si la pristrent moult a desprire
Et entrelx a chufler et rire,
Quarreaus i trestrent et saetes
Et dars turquois et darbalestes,
Mes Dex qui vit lor mescreance
I mostra devine venchance,
Si les avougla quil perdirent
La veue que il point ne virent,
Si quil ne porent reculer

Ne ne porent avant aler 1.

2° David et Goliath. Au premier plan, David lance une pierre au géant philistin qui tombe frappé à mort. Au second plan, David a coupé la tête de Goliath et la montre fièrement à Saül.

3° Déroute des Philistins. C'est la suite du fait raconté au médaillon précédent. Les Philistins voyant que le plus vaillant d'entr'eux était mort, s'enfuirent. Et les Israëlites et ceux de Juda s'élevant avec un grand cri, les poursuivirent jusqu'à la vallée et aux portes d'Accaron 2.

4o Daniel dans la fosse aux lions. On voit Daniel entouré de plusieurs lions, dans une espèce de cachot; le prophète Habacuc (que l'archange Michel tient par la chevelure) lui apporte à manger. A l'ouverture de la fosse, le roi Evilmérodac appuyant sa tête sur la main droite, se lamente sur le sort de Daniel.

5° Pharaon ordonne de jeter dans le Nil tous les enfants males des Hébreux. Le cruel tyran est assis sur son trône; un Israélite demande grâce pour ses frères; mais un héraut sonne de la trompette et publie l'édit de proscription. Thermut, la fille de

1 Le Poème des miracles de Notre-Dame,

2 Rois. I. XVII. 51.

page 181.

Pharaon, est debout à côté de son père et caresse un petit chien qu'elle porte sur son bras.

petit

6° Moïse sauvé des eaux. Au premier plan, on voit Moïse, enfant, exposé sur le Nil dans une corbeille de jonc; son père Amram, Jochabed sa mère et Marie sa sœur se sont jetés à genoux et prient le Seigneur. Au second plan, Thermut, fille de Pharaon, prend la corbeille où se trouve Moïse. Un beau palais se dessine près de cette scène.

7° Moïse sauvé une seconde fois. Pharaon, irrité veut tuer le petit Moïse qui foule aux pieds la couronne; mais sa fille l'arrête; une suivante de Thermut emporte l'enfant. La Bible est muette sur ce fait; mais Philon, écrivain juif du Ier siècle de notre ère, le

suppose.

8° Moïse au Sinai. Au premier plan, Moïse est à genoux devant le buisson ardent; il a ôté ses chaussures. Sur l'arrière-plan, Moïse descend du Sinaï avec les tables de la loi.

9° David à Nobé. Il reçoit du grand-prêtre Achimelech, les trois pains de proposition; David est vêtu en guerrier.

10° Ce dixième médaillon est difficile à déterminer; c'est peutêtre la sage Abigaïl montée sur un âne et allant vers David.

11° David consulte le Seigneur. David en costume de guerrier est descendu de son cheval, et implore à genoux le Seigneur qui lui apparaît dans la nue.

12° Samson victorieux. Samson armé d'une mâchoire d'âne, tue mille Philistins; le sol est jonché de cadavres.

13° Samson livré. Samson a eu la faiblesse de découvrir à Dalila le secret de sa force; aussi le voit-on ici emporté par les Philistins; il a la tête rasée, les pieds et les mains liés.

14° Sacrifice d'Abraham. Il y a ici une triple scène : 1° un ange commande à Abraham d'immoler son fils unique; 2° Abraham précédé d'Isaac, qui porte le bois, se rend à la montagne de Moria; 3o un ange arrête le bras d'Abraham prêt à sacrifier son fils.

15° Samson à Gaza. Il a enlevé les portes de la ville et il va les porter sur le sommet d'une montagne. Gaza est fortifiée comme une ville du Moyen-Age.

16° Jonas. Après être resté trois jours et trois nuits dans le ventre d'un gros poisson, le prophète est rejeté sur le rivage de Joppé. Dans le lointain, on aperçoit le vaisseau flottant sur les ondes.

Les douze médaillons qui suivent, n'offrent que des sujets de pure fantaisie ou de mythologie, suivant la mode de l'époque; on peut y remarquer entre autres choses, Antée étouffé par Hercule. Cacus volant à Hercule ses bœufs, etc., etc. Nous ne les décrirons pas ici. Enfin les sept derniers médaillons sont timbrés d'une tête d'empereur romain; on y lit les inscriptions: TITVS CESAR, DOMITIANVS-CESAR, IVLIVS CESAR, NERON LE CRVEL Cesar.

$7. Le Chœur et le Sanctuaire 1.

Le chœur de la Cathédrale de Chartres est le plus vaste qu'il y ait en France il compte 38 mètres 34 centimètres de longueur, sur plus de 16 mètres de largeur.

:

La disposition actuelle du chœur ne ressemble guère à celle qui existait avant 1763, époque des premiers embellissements faits au moyen des libéralités pieusement barbares de l'ancien Chapitre. Nous ne publierons pas aujourd'hui les nombreux documents que nous avons recueillis sur le chœur tel qu'on le voyait avant cette prétendue décoration que lui infligea la fin du XVIIIe siècle : le but de notre livre est de décrire ce qui existe actuellement. Cette décoration, où la rocaille triomphe sans conteste, a été faite sous la direction du chanoine d'Archambault, et d'après les dessins de Louis, architecte du duc d'Orléans. Décrivons rapidement leur œuvre déplorable.

L'architecture du chœur et du sanctuaire a été défigurée : la noble simplicité des piliers, des colonnes, des arcades et des chapiteaux a disparu sous un luxe ou plutôt sous un gâchis de dorure, de stucage et de marbrerie, qui donnent au chœur le maniéré des salons modernes. Entre les piliers du sanctuaire, il y a des rideaux en stuc bleu et bordés avec des franges de plomb doré il est impossible de choisir un ornement de plus mauvais goût. Les portes latérales du chœur nous offrent les formes lourdes et pesantes de l'art moderne.

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1 M. Doublet de Boisthibault a récemment publié sur le chœur actuel un assez long mémoire; nous y avons puisé plusieurs renseignements. (Voyez la Revue de l'architecture, et le Modéré du 10 et du 24 juin 1849.)

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