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élégance admirables. Ces pampres sont un motif d'ornementation assez souvent employé dans les peintures murales aussi bien que dans les bas-reliefs des catacombes, et les interprètes de l'antiquité chrétienne figurée y voient un symbole du divin Sauveur, de l'Eglise, et de l'Eucharistie 1.

Avant de quitter ce porche, jetons un coup-d'œil général sur le faire artistique des nombreuses et ravissantes statues que nous venons de décrire trop succinctement; en les contemplant, on sera forcé de se dire: L'art chrétien est enfin parvenu à exprimer les plus hautes idées avec le moins de matière possible; l'idée est rendue, complètement rendue, mais d'une façon un peu mystique: la tête rayonne de lumière et de beauté; le reste du corps nage dans une demi-teinte, s'il est permis de parler ainsi; la vie, l'expression est concentrée en haut. Toutefois ce ne sont plus les formes allongées et décharnées des statues du XIIe siècle; mais ce n'est pas non plus la plénitude de vie de la Renaissance, le luxe de chair et d'os des sculpteurs modernes. C'est un milieu entre l'affectation de l'époque romane et le sensualisme du XVIe siècle : c'est une chair châtiée par la mortification, une chair chrétienne qui se voile modestement sous des draperies longues, mais pas trop recherchées. L'artiste catholique n'a pas atteint la beauté anatomique des œuvres du paganisme; il n'a pas copié le Laocoon ou la Vénus de Médicis, ni l'Apollon du Belvédère; mais il a pris dans le cloître ou plutôt dans les traditions mystiques de l'art chrétien, ces formes pures et modestes, cette chair crucifiée au péché et exhalant un parfum de céleste odeur. Quant au jet des draperies, il atteint dans quelques statues une perfection qui égale peut-être ce que l'art antique nous a laissé de plus noble, de plus simple et de plus riche en ce genre.

La verve et la science des artistes du XIIIe siècle se sont élevées à une hauteur difficile à apprécier pour ceux qui n'ont pas étudié avec une scrupuleuse attention ces merveilles de la sculpture religieuse. Car tout d'abord on est peu frappé de la perfection de ces statues si sobres de matière. Il faut avoir dans l'âme une prédisposition au recueillement pour comprendre toute la

1 Aringhi, Roma subterranea, tome II, lib. VI, cap. 45.

portée de ces œuvres d'art qui, à la première vue, paraissent assez étranges pour que des esprits inattentifs les aient regardées comme les produits d'un art encore dans l'enfance. Mais ce qui paraît imperfection dans la forme, est culte de l'idée ; ce qui paraît impuissance dans l'expression, est intention profonde chez des artistes qui cherchent à faire prédominer exclusivement l'idée sur la forme, le mysticisme sur le naturalisme. D'ailleurs ce n'est qu'en devenant chrétiens, que nous commencerons à bien comprendre les mystérieuses beautés de l'art divin du Moyen-Age, que nous en saisirons les relations qui le rattachent au monde supérieur, et que nous admirerons la foi et le génie des artistes du siècle de saint Louis.

CHAPITRE III.

DESCRIPTION DE L'INTÉRIEUR 1.

Il est temps de pénétrer dans l'intérieur de notre sublime Cathédrale. Si l'on y entre par la porte royale, un spectacle imposant

1 Nous donnons ici la légende du plan de la cathédrale placé vis-àvis de ce chapitre:

1. Chapelle de Notre-Dame des 10. Chapelle du Sacré-Cœur de Sept-Douleurs. Jésus.

2. Chapelle de la Transfiguration. 11. Chapelle de tous les Saints.

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DU

PLAN DE LA CATHÉDRALE.

1. Chapelle de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs; elle renferme aussi les fonts baptismaux. Elle servait autrefois de passage pour aller aux cryptes.

2. Chapelle de la Transfiguration; elle n'a qu'une mauvaise décoration; cette chapelle doit être supprimée.

3. Chapelle de la Vierge-Noire-du-Pilier. C'est au pied de cette Vierge que les pélerins viennent prier.

10. Chapelle du Sacré-Cœur de Jésus, dédiée autrefois à saint Nicolas.

11. Ancienne chapelle de saint Gilles, connue aujourd'hui sous le nom de chapelle de tous les Saints.

12 Chapelle du Lazare, qui sera supprimée. Auparavant il y avait un autel dédié à NotreDame-des-Neiges.

13. Chapelle des Martyrs, ou chapelle de Vendôme. On y voit sur l'autel un magnifique

4. Chapelle de l'Ecce Homo; autrefois c'était triptyque roman. Le corps sacré de saint Piat

la chapelle de saint Julien-le-Pauvre.

5. Chapelle du Sacré-Cœur de Marie. Jadis elle était sous le vocable de saint Etienne ou des saints Martyrs.

6. Ancienne chapelle de saint Jean-Baptiste; elle est supprimée aujourd'hui.

7. Chapelle de la Communion; elle était autrefois dédiée aux saints Apôtres.

8. Grande chapelle de saint Piat, construite en 1349; elle renferme quelques vitraux du 14é siècle.

9. Ancienne chapelle supprimée pour y établir l'escalier qui conduit à la chapelle de saint Piat.

est dans cette chapelle.

14. Chapelle du Calvaire, établie en 1830. C'est un ancien passage.

15. Sacristie construite vers 1280.

16. Labyrinthe ou chemin de Jérusalem. Au moyen-âge, des indulgences y étaient attachées. 17. Bâtiment de l'horloge de la cathédrale, construit vers 1550.

18. Trésor; il renferme, entre autres choses précieuses, la châsse qui contient la Sainte Tunique de la très-sainte Vierge.

Chartres. Garnier, Imprimeur, Place des Halles.

et harmonieux nous frappera d'abord. On peut le dire sans crainte d'être démenti, aucun autre temple ne produit une plus profonde émotion de pieux recueillement; on sent qu'on entre dans une atmosphère de prière, de foi et de piété: l'on y respire la majesté du Dieu qu'on y adore. Ce sentiment est si vrai que l'on se surprend à parler à voix basse pour ne pas troubler le silence religieux qui remplit la profondeur des nefs mystérieusement assombries par les vitraux peints. Aussi ne sommes-nous pas étonné si l'empereur Napoléon, en entrant dans la Cathédrale, s'écria: Un athée doit se trouver mal à l'aise ici!

Il faut bien le reconnaître, nos cathédrales du Moyen-Age peuvent seules faire vibrer les fibres religieuses de l'âme, et ont seules compris et réalisé l'art vraiment chrétien. L'architecture classique procède suivant les lois mécaniques, à l'aide du compas et de l'équerre, prenant souvent des réminiscences pour l'inspiration. L'architecture catholique, affranchie par la rédemption qui s'est étendue à toutes choses, donne pour ainsi dire des ailes à la matière et monte au ciel comme une prière. Ici les proportions modulées de l'art d'Athènes et de Rome sont dédaignées; es colonnes débarrassées du poids de l'entablement s'élancent et s'épanouissent en nervures sur la voûte qu'elle supporte à des hauteurs prodigieuses; les murailles semblent délivrées des lois ordinaires de la pesanteur, tant elles sont légères et transparentes. "A voir l'enceinte toute entière, inondée de la clarté mystérieuse des vitraux étincelants, la voûte étendue comme un riche pavillon, on croirait une tente enchantée qui, sous un souffle de chérubin, se déroule immense et magnifique aux regards qui le contemplent. La basilique chrétienne surpasse le temple antique, autant que l'idéal catholique domine l'idéal de l'art païen il y a entre ces deux arts la distance infinie de la plus admirable transformation. Aux sentiments de piété et d'admiration qu'inspire l'aspect de cette splendide Cathédrale de Chartres, vient se joindre le souvenir des faits mémorables dont elle a été le théâtre. Trois papes, presque tous nos rois, une multitude d'évêques, de saints et d'illustres personnages, un nombre prodigieux de pélerins de tout âge et de tout pays sont venus présenter leurs hommages à la Reine des cieux, dans son plus beau sanctuaire de la terre.

Mais quittons ces généralités pour entrer dans les détails. Ici

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