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deux statues colossales, nimbées et représentant un saint archevêque et une sainte vierge. Je nommerai, mais avec hésitation, ces deux statues; et je déterminerai, avec une hésitation plus grande encore, les scènes qui sont sculptées sur les piédestaux. La première statue représente saint Savinien, en vêtements pontificaux: amict paré, aube parée, tunique, dalmatique, chasuble, pallium, mître basse, crosse, gants et sandales; il bénit de la main droite. Sur le piédestal: 1° Saint Savinien, assisté de deux clercs en aube, baptise Victorin. 2° Quirinus, gouverneur de Chartres, fait amener devant lui saint Altin, prêtre, envoyé à Chartres par Savinien '; sainte Modeste, fille de Quirinus, est comme accroupie aux pieds de son père. Dans le haut de la niche, on voit un démon qui anime le soldat contre le saint prêtre.

La seconde statue figure sainte Modeste, vêtue d'une robe traînante et d'un manteau; cheveux flottants couverts d'un voile; sa main droite est levée; sa gauche relève un pan de son manteau et porte un livre; elle semble s'entretenir avec saint Savinien. Cette statue de sainte Modeste est sans contredit la plus belle du porche : il est impossible de mieux jeter une draperie et de donner plus de vie et d'expression religieuse 2.

Sur le piédestal fort mutilé : 1° Quirinus vient de menacer sa fille, qui s'est jetée à genoux pour prier le Seigneur; une Main divine sort des nuages et apporte à sainte Modeste la palme du martyre. Cette main, que l'on voit fréquemment dans les œuvres du Moyen-Age, est une heureuse réminiscence de l'époque primitive de l'art chrétien: elle figure Dieu le Père, dont l'intervention est constamment manifestée de la sorte dans les sculptures et les peintures des Catacombes; on s'en assurera en ouvrant presque au hasard, la Rome souterraine, de Bosio ou d'Aringhi. 2° Quirinus a fait jeter le corps de sa fille et ceux d'une foule

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2 La statue de sainte Modeste est dans un fort mauvais état; elle est fendue dans toute sa longueur et menace de tomber en morceaux. On vient de la mouler en plâtre, et un artiste très-distingué, habitué déjà au style du XIIIe siècle, M. Geoffroi, va la reproduire en pierre avec une exactitude mathématique.

de chrétiens dans le puits des Saints - Forts; un clerc en aube ceinte retire de ce puits les membres sacrés des martyrs; un ange descend du ciel pour aider au clerc. 3° Deux anges portent respectueusement sur une nappe la petite âme nue de sainte Modeste.

Sur la face latérale qui regarde la sacristie, il y avait autrefois deux statues colossales; une seule existe encore; c'est celle d'un jeune roi, vêtu comme les autres rois de ce porche; nous croyons pouvoir le nommer Philippe-le-Hardi, sous lequel le porche a été achevé. Le piédestal offre une scène que nous n'avons pas pu déterminer. Quant à la seconde statue, qui paraît avoir disparu depuis longtemps, nous n'avons aucun renseignement sur elle; c'était probablement un prophète. Les statuettes qui ornent le piédestal sont toutes mutilées.

Le pignon de chaque baie du porche est orné d'une niche avec statues. Dans la niche de la baie centrale, Dieu est assis, bénissant de la main droite et tenant un livre dans la gauche; à ses côtés, deux anges qui éclairent; plus bas, deux autres anges qui encensent. Dans les niches latérales, il y a deux jeunes évêques assis et bénissant; ils sont accompagnés de deux anges, dont l'un éclaire et l'autre encense. Chaque baie latérale offre de plus deux autres niches pratiquées à la naissance des archivoltes; on y voit des rois assis; ils semblent s'entretenir deux à deux; à la baie de gauche, l'un des rois a les pieds posés sur un chien; l'autre les pose sur un petit roi barbu et couronné.

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ROSE. Nous ne voulons pas nous occuper ici des compartiments si riches et si gracieux de la rose, nous ne parlerons que de sa bordure supérieure. Cette bordure est ornée de huit niches renfermant chacune une statue. Rien de plus singulier que la disposition des niches et des statues; ces dernières représentent quatre anges et quatre jeunes clercs; elles sont posées entre dais et socles; les socles sont des têtes monstrueuses et grimaçantes. Voici quelques détails sur les statues, qui affectent quatre positions différentes: 1° Deux anges debout, à figure charmante, vêtus d'une ample tunique, une banderolle dans les mains; 2° deux anges qui ont un genou en terre et qui tiennent aussi une banderolle; 3° Deux jeunes clercs, en aube ceinte; ils sont assis sur leurs talons et tiennent un livre ouvert; 4° deux autres clercs

vêtus comme les précédents; ils appuient une main sur leur genou, et l'autre main tient un rouleau à la hauteur de la tête; ils regardent en bas. Le sens de ces mystérieuses statues a déjà préoccupé plus d'un antiquaire; mais tous ont dû avouer leur ignorance; à plus forte raison, devons-nous confesser la nôtre.

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Cette façade offre à peu près la même disposition que la façade septentrionale: elle se compose d'un large perron de dix-sept marches, d'un porche en saillie et à trois baies, d'une rose aux compartiments délicats, et de plusieurs galeries avec balustrades. Nous nous contenterons de décrire le porche.

PORCHE. Nous l'avons déjà dit, nous préférons, comme œuvre d'art, le porche méridional au porche nord; en effet les lignes architecturales se montrent ici plus saisissantes et plus harmonieuses; la statuaire en est aussi plus finie, plus vivante, plus expressive: nous aimons à y contempler toute la magnificence, toute la fécondité de la pensée catholique, exprimée avec un rare bonheur et une habileté ravissante.

Le porche tout entier est consacré à Jésus-Christ venant, dans sa gloire, juger à la fin des siècles les vivants et les morts, Qui iterum venturus est cum gloria judicare vivos et mortuos 1. Le divin Juge est assis sur un trône, entouré de sa Mère, de ses douze Apôtres, des neuf chœurs des Anges, des Martyrs, des Confesseurs, des Prophètes, des Vierges, des vingt-quatre Vieillards-rois; ces divers ordres de bienheureux sont sculptés sur les

1 Au XIIIe siècle, le Jugement dernier est presque toujours figuré sur la porte occidentale; mais à Chartres on l'a représenté au porche méridional, parce que le portail de l'ouest, qui date du XIIe siècle, était occupé déjà par la Glorification du Christ, sujet que les artistes du XIII® plaçaient au midi. On peut en trouver une preuve dans la disposition des sujets traités dans les verrières des trois grandes roses. Voyez là-dessus un travail très intéressant dans les Mélanges d'Archéologie des RR. PP. Cahier et Martin, tome 1, pages 74 -90.

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