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entier dans la première moitié du XIV. siècle, grâce au riche legs fait en 1387 aux moines de St.-Augustin, par la comtesse Pasca (1). Les parties qui appartiennent au style ogival doivent être les restes des travaux qui furent entrepris alors.

A peu de distance de l'église de St.-Augustin est la Madonna della Scala. La partie inférieure de sa façade occidentale est une œuvre rustique bien exécutée, et présente une belle porte qui date des derniers temps du style ogival. Elle a un linteau carré, lequel est décoré ainsi que les jambages, de feuilles et de figures pleines de délicatesse et de bon goût. Une des moulures représente le feuillage emblématique de la vigne. Cette église fut toujours l'objet d'une grande vénération Guillaume-le-Bon, l'impératrice Constance et Frédéric II d'Arragon, répandirent sur elle leurs bienfaits. Ce dernier prince, qui fut couronné en 1295 et mourut en 1355, fit les frais de l'entière reconstruction de l'église, et son œuvre était considérée comme un modèle d'architecture (2). L'édifice actuel appartient donc au XIV. siècle, mais il ne ressemble en rien aux monuments anglais et français de cette époque. Il n'a pas une seule moulure profonde; son ornementation et ses accessoires trahissent les idées et le mode d'exécution des architectes grecs.

Au-delà de la Madonna della Scala, mais à peu de distance de ce monument, existe un autre édifice qui reproduit tous les caractères de l'architecture ogivale du nord: l'église de San Francesco, si elle était en Angleterre, serait considérée, grâce à ses lancettes unies, comme remontant au règne de Jean. Mais telle n'est pas sa date: trois pieuses comtesses de Messine firent les frais de son érection dans la dernière partie

(1) Sampieri.

(2) Frederico d'Aragona, re di Sicilia, edificò qual tempio con bellissima architettura. Sampieri.

du XIII. siècle, La première pierre fut bénie à Naples, par le pape Alexandre III, en 1254.

La revue des édifices, dont nous venous de donner une description abrégée, nous prit toute la matinée. Dans l'après-midi, nous louâmes une de ces voitures découvertes qui stationneut toujours dans les environs de la cathédrale, et qui portent les élégants de Messine dans leurs pélerinages habituels à la Grotta. La route qu'elles parcourentlonge le rivage de la mer, au pied des collines qui s'étendent jusque dans le voisinage du phare. Le penchant de ces collines se pare d'oliviers, de figuiers, de vignes, de haies nombreuses de maronniers et d'aloès. A gauche, la route est bordée de délicieux vergers dont les oranges et les limons out quelque chose de fort séduisant, de jardins fleuris, de villas gracieuses. A droite, les regards s'étendent sur une vaste mer bleue, et entrevoient, dans le lointain, la côte de Calabre et ses majestueuses montagnes. La brise du soir ne manque jamais d'apporter à ce site favorisé une poétique fraîcheur. Aussi les Messinois trouvent un bonheur indicible dans leurs prome. nades au Corso. Au coucher du soleil, les brillants équipages, les élégants cavaliers, les piétons plus humbles se rassemblent en foule sur la route de la Grotta. Sur le rivage, des pêcheurs qui préparent leurs filets, des femmes qui filent leurs quenouilles au seuil de leurs chaumières, viennent compléter le caractère méridional du tableau. La Grotta, but de la promenade, est une partie du péristyle d'une église circulaire; les voitures en fout le tour, et reviennent à la route qu'elles ont déjà parcourue (1). Auprès de la mer, le portique est découvert, et il y a là une colonnade circulaire suspendue au-dessus des vagues qui figure dans les portefeuilles de tous les artistes qui sont venus à la Grotta.

(1) La Madonna della Grotta fut bâtie, en 1622, par Emmanuel Philibert, grand amiral et vice-roi de Sicile. Sampieri, Iconologia.

Comme nous revenions sur nos pas, le même tableau nous apparut sous des couleurs tout différentes et plus intéressantes encore. Il faisait, ce soir là, clair de lune, le ciel était pur: tous les objets prenaient une teinte douce, à l'exception des bateaux pêcheurs, et des voiles latines des grands vaisseaux, qui planaient fièrement sur les molles vagues de la Méditerranée. Sur le rivage on faisait de la musique et on dansait : à voir ces jeunes filles en mantille noire, au pas léger, à la danse expressive et agaçante, on se serait cru transporté sur les bords du Tage.

Nous entrâmes dans un café sur le quai, et là nous savourâmes, en nombreuse compagnie, la meilleure glace du monde à quatre sous le verre.

CHAPITRE III.

25 Août. -A onze heures du matin, nous remontâmes à bord du bateau à vapeur, et nous voguâmes lentement sans trop nous écarter du rivage. La côte est partout montagneuse. Le sommet des éminences est rocailleux et entrecoupé de torrents; la partie inférieure est semée d'oliviers, de vignes, d'amandiers et de mûriers. Des hameaux épars, de petites villes animent la rive : des villages suspendus sur des hauteurs en apparence inaccessibles, donnent la vie à des lieux qui sembleraient devoir rester déserts; et puis, derrière ce rideau de collines, l'Etna, une des gloires de ce rivage, commence à montrer, dans le lointain, son front desséché. A mesure que nous avancions, la masse du volcan se déployait peu à peu à nos regards. Son étendue est telle que sa hauteur se perd, pour ainsi dire, dans l'immense développement de sa base. Ce n'est pas une montagne, c'est une vaste contrée qui s'élève et

plane dans l'isolement, et qui descend jusque sur le bord de la mer. Nue et stérile au sommet, ses flancs déroulent aux yeux tous les trésors d'une végétation abondante, de nmbreuses forêts, de riches vignobles. Une large bande noirâtre environne sa base: c'est la lave que l'Etna a vomie dans ses éruptions successives.

En poursuivant notre voyage, nous découvrîmes bientôt la ville si pittoresque d'Aci Réale assise sur une éminence, et nous passâmes auprès des rocs de basalte qui sortent des flots au-dessous d'elle. Nous doublâmes ensuite une sorte de promontoire, et nous nous trouvâmes face à face avec la blanche ville de Catane. Elle est debout sur les sombres masses de lave qui ont servi de tombeau à plus d'une ville avant elle. Les belles coupoles de quelques-unes de ses églises, l'air de richesse des collines auxquelles elle est adossće, et son vieil ennemi. le volcan, qui semble la menacer encore, tout cela compose un des tableaux les plus intéressants que j'aie jamais vus.

Ce fut plutôt pour le profit des hôteliers siciliens que pour notre propre satisfaction, que nous débarquâmes à Catane pour y passer la nuit. Cependant cette station nous procura le plaisir d'assister à l'une de ces fêtes nocturnes qui ne sont pas un des moindres charmes des climats méridionaux. A Catane, deux fois par semaine, pendant l'été, le quai est le théâtre d'une fête appelée la Passagiata. On suspend des lampions au feuillage des arbres, et un bon orchestre élevé sur une estrade qui fait face aux promenades, exécute des symphonies pleines de goût. Vers neuf heures, tous les habitants, nobles et peuple, viennent jouir de la fraîcheur de la nuit et des délices de la musique : les uns se promènent, les autres prennent place sur des chaises rassemblées là en grand nombre. Toute la ville s'y amuse, et la Passagiata se prolonge souvent jusqu'à minuit. Pour bien connaître les habitants du midi, c'est durant l'été qu'il faut aller les visiter.

26 Août. — Le lendemain, à une heure de l'après-midi, nous mîmes à la voile pour Syracuse. La rive que nous cotoyions était plate, et à l'exception de la ville d'Augusta, nous n'y rencontrâmes rien qui méritât d'arrêter nos regards. L'Etna se montrait toujours dans le lointain. Après une course de quatre heures, au moins, nous doublâmes un autre promontoire, et notre paquebot toucha le port de Syracuse. L'entrée en est étroite et les vaisseaux sont obligés d'approcher si près du côté où s'élève la ville, qu'ils passent sous les murailles de la forteresse qui la protège. Mais, en avançant, on découvre bientôt un port naturel où les navires d'Europe ont un champ libre pour la manœuvre. C'est ici que nous primes congé du Neptune, enchantés de la rapidité avec laquelle il nous avait amenés au terme d'un aussi long voyage. En débarquant, nous fûmes agréablement surpris de rencontrer une auberge excellente dans un endroit peu fréquenté.

Il nous restait encore assez de temps pour pouvoir visiter avant la nuit la cathédrale de Syracuse, qui était autrefois un temple consacré à Minerve (1). Le monument, dans les vicissitudes qu'il a traversées, a perdu toute sa magnificence. On voit encore sur un de ses côtés onze colonnes doriques, avec une portion de l'architrave et ses triglyphes. Le temple resta intact. jusqu'après la conquête normande; mais l'an 1100, pendant la célébration de la messe, la voûte en pierre s'écroula, et les fidèles réunis daus le lieu saint furent tous misérablement écrasés; les murailles demeurèrent debout, et l'on accommoda plus tard l'édifice au rit du culte chrétien (2).

(1) C'est le temple dont parle Cicéron, dans son 6. discours contre Verrès: « In ea sunt ædes sacræ complures, sed duæ quæ longè cœteris antecellunt; Dianæ una, et altera, quæ fuit antè istius adventum, ornatissima, Minervæ. »

(2) 1100. In questo anno cadde in Siracusa l'antico tempio di Mi

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