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Derrière ses amis, apparaissent trois femmes, dans une attitu le de surprise et de curiosité. Il est évident que le peintre a voulu ainsi représenter le démon au moment où il reçut de Dieu la permission de posséder le saint homme Job, sous la condition de lui conserver la vie. Dans la partie inférieure de la croisée, la St.-Vierge tient l'enfant Jésus sur son bras gauche, et une fleur à la main droite. A la gauche sont placés deux vieillards, remarquables par l'expression de leur figure et par la longueur de leur barbe. Au côté droit de la St. Vierge, sont deux femmes dans une attitude de prière et d'offrande il paraît que ces divers personnages sont les portraits de la famille donatrice de cette croisée : au-dessous, on lit cette inscription en lettre majuscules: Du legz de Bernard Lame, en juillet 1596, décédé vray espovx de Marie Bodier, qvi en jvin, troys ans après, décéda de c'est univer: Diev leur veille pardon donner, 1599. Les couleurs du vitrage de cette croisée ont conservé tout leur éclat et toute leur fraîcheur.

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La quatrième croisée présente, à son sommet, le père Éternel ayant à ses côtés deux anges jouant de la flûte. Les autres petits encadrements n'offrent rien de particulier. Le sujet qui occupe le milieu, se dessine d'une manière grandiose. On aperçoit Jésus priant au jardin des Olives, et demandant à son père l'accomplissement de sa volonté sainte ; la résignation se peint dans ses traits; un peu au-dessus, apparaît un ange tenant d'une main le calice d'amertume qu'il présente au Sauveur, et de l'autre une croix environnée de rayons d'un rouge éclatant : le fond de ce tableau est occupé par des arbres de diverses espèces parfaitement dessinés. Au-dessus du Sauveur, on aperçoit les trois disciples endormis : il y a dans ces trois personnages, une grande vérité d'expression. Pierre tient en sa main droite l'épée dont il doit frapper Malchus. Dans la partie inférieure de cette croisée, on remarque une

espèce de sanctuaire pavé en damier oblong et couronné d'un plafond marqueté de caissons, qui est supporté par un riche entablement reposant sur de magnifiques colonnes, dont les fûts sont décorés de pampres légers, serpentant avec grâce et de rosaces alternant avec des têtes de chérubins. Au milieu de ce sanctuaire, une femme se tient à genoux, les mains jointes, les yeux élevés vers le Sauveur, priant au jardin des Olives, un chapelet est suspendu à sa ceinture; est-ce le portrait de la donatrice de cette croisée? aucune légende ne l'indique. D'après la tradition du pays, une simple domestique paya cette verrière du produit de son travail, et ne voulut pas que son nom passât à la postérité.

Tel est l'état actuel (septembre 1839) des croisées de l'église de la Ferté-Bernard. Cette église possède encore dans ces différentes verrières, des richesses inappréciables, mais chaque année elles se détruisent et disparaissent peu à peu. Il faudrait des fonds suffisants pour leur restauration, et la fabrique se trouve dans l'impossibilité de subvenir à de telles dépenses, vu l'extrême modicité de ses ressources. Depuis trois ans néanmoins, elle a pu, à force d'économie, consacrer quelques centaines de francs à la restauration de plusieurs croisées; mais cette restauration marche trop lentement, pour pouvoir obtenir, d'ici à de longues années, un résultat satisfaisant, si le gouvernement, si les amis des arts, ne viennent au secours de cette église.

NOTE

Sur des antiquités nouvellement découvertes au bas du rocher de Pierre-Scise, à Lyon ;

PAR M. AMBROISE COMMARMONT,

Inspecteur des Monuments du département du Rhône.

Dans des temps reculés, le rocher de Pierre-Scise plongeait à pic dans la Saône ; son revers abrupt barrait ce point du rivage et interdisait en cet endroit la communication par terre, vraisemblablement un simple sentier fut d'abord creusé dans

roc

le le long de cette rive escarpée, et suffit aux habitants riverains pendant une longue série de siècles.

Plus tard, Agrippa comprit l'utilité d'une route en cet endroit; il fit couper le rocher, et ce chemin nouveau nommé Petra-Scissa, fit partie de l'une des quatre grandes voies militaires qu'il avait ouvertes dans les Gaules. Postérieurement à la domination romaine, ce chemin fut élargi; il est présumable que ce fut à l'époque où les archevêques de Lyon firent leur habitation du château fort qui était construit sur le sommet du rocher. L'élargissement s'obtint au moyen d'un mur très épais qu'on fonda sur la base du rocher et qui devint un mur de soutènement. L'on y construisit ensuite l'une des portes de la ville avec un pont-levis.

Pour bâtir le mur dont nous venons de parler, on se servit non seulement du granit trouvé sur les lieux, mais on employa aussi de nombreux débris de constructions romaines. C'est ainsi que la plupart de nos monuments antiques ont été dé

truits pour servir à en construire de modernes; nous pouvons citer à l'appui de cette opinion notre pont au Change, qui recèle une partie des pierres de taille enlevées au forum de Trajan et au temple d'Auguste. Quoi qu'il en soit, c'est dans ce mur que les ouvriers de M. Laffitte, entrepreneur du nouveau quai de l'Observance, viennent de découvrir les antiquités dont nous allons donner une courte description.

Parmi les anciens matériaux qui ont servi à faire le mur dans le moyen âge, on a trouvé 1o. un grand nombre de pierres de taille défigurées par le marteau, doet l'origine est la même que celles où l'on reconnaît encore la trace du ciseau romain. Elles sont toutes, en général, en calcaire désigné sous le nom de vieux choin. J'ai remarqué entre autres deux soubassements de pilastres de très-grande dimension; le faire et le volume des moulures indiquent qu'ils ont appartenu à un monument considérable; on y voit aussi un débris de corniche orné de plusieurs rangs de moulures.

2o. Un cippe funéraire en 'forme d'autel de l'époque, portant cette inscription ainsi gravée :

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Les lettres sont déformées en plusieurs endroits, quelquesunes sont entièrement détruites; il existe beaucoup d'abréviations, et quantité de mots n'ont entre eux aucun intervalle, de manière qu'ils présentent assez de difficultés pour parvenir à les traduire. Dans cette inscription funéraire nous voyons qu'un nommé Fontius Incitatus était sévir augustal, à Ainai : la première syllabe du premier nom n'était point usitée chez les Romains, c'est vraisemblablement un nom gaulois latinisé.

Parmi les inscriptions qui se trouvent au musée, la distinction de sévir augustal est gravée sur plusieurs pierres tumulaires. Fontius Incitatus était aussi de la corporation des mariniers de la Saône, membre de celle des centonaires siégeant à Lyon, et marchand de blé. Il avait été distingué par des honneurs.

Ainsi, Fontius était sévir de la corporation des mariniers, il faisait en même temps le commerce de grains, negotiatori frumentario. Il paraît que de tout temps Lyon a reçu par la Saône une grande quantité de blé et qu'elle était un entrepôt important qui alimentait le midi de la Gaule narbonaise.

Nous avons déjà ouvert les portes du musée à la pierre tumulaire d'un marchand de vin, nous devons avec le même empressement offrir un asile au tombeau d'un négociant distingué dans le commerce des blés, qui occupait alors le même rang que les Tramoy, les Tissot et quelques autres ont pris de nos jours.

Ce célèbre négociant des siècles passés était, comme je viens de le dire, centonaire; ces hommes étaient des espèces de fournisseurs d'armées, ils étaient chargés de la fourniture des tentes et de tous les objets de campement; cette mission annonçait de la fortune, sinon du crédit.

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