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M. de Cayrol lit une partie du premier chapitre de l'Essai qu'il se propose d'écrire sur l'histoire de la ville de Compiègne, d'après les manuscrits de Dom Grenier.

M. de Cayrol, dans ce chapitre, s'attache principalement à faire connaître les différentes variations que la demeure des rois a éprouvées à Compiègne, depuis Charles-le-Chauve jusqu'au temps présent; et il termine en appelant l'attention des historiens sur cette observation qui ne se trouve consignée nulle part, que l'importance des villes de l'intérieur de la France n'a plus été la même dans la balance politique quand leurs vieux créneaux sont tombés sous les coups du marteau des démolisseurs.

M. le Cte. de Calonne rappelle à la Société que M. Alexandre Lenoir a terminé, il y a peu de temps, sa carrière. Les services de cet antiquaire, conservateur des monuments de St.-Denis, ne sauraient être oubliés. M. de Calonne demande à la Société de contribuer pour une somme qu'elle déterminera à l'érection du monument que la capitale va élever à la mémoire de M. Lenoir.

M. de Caumont déclare qu'il adhère à cette proposition; il demande seulement que le chiffre ne soit point fixé quant à présent; il appartiendra au Conseil de la Société de le déterminer.

Il est onze heures et demie. La Société se propose de visiter immédiatement les églises de St.-Germain et de St.-Leu, et l'ancienne église St.-Rémy, situées toutes trois dans la ville. La séance est levée pour être reprise à trois heures.

Le Secrétaire,

LE SERRURIER.

Exploration monumentale du 9 juillet 1839.

A midi, la Société quitte la salle de réunion pour visiter les monuments de la ville d'Amiens.

M. l'abbé Goard est prié de remplir les fonctions de secrétaire-rapporteur:

D'après la résolution prise dans la séance du matin, on se rend à l'église de St.-Germain, le plus beau monument de la ville d'Amiens après la cathédrale. On s'arrête un instant devant le portail qui, couvert, comme tout l'extérieur de l'édifice d'une teinte grisâtre, imprimée par le temps, laisse voir les mutilations qu'il a subies à une époque désastreuse. Ce portail se compose d'un porche central, cu arrièrevoussure, orné de personnages en costumes du temps, avec consoles et dais gothiques de l'exécution la plus délicate, et tels que, selon l'expression de l'un des membres de la Société, ifs seraient dignes de figurer parmi des objets d'orfévreric. Les portes, ornées de curieuses arabesques et sculptures de la Renaissance, et récemment restaurées dans le même goût, méritent à M. le curé de St. Germain, de la part de M. de Caumont, les éloges les plus flatteurs et les mieux mérités; tous les membres présents donnent également une approbation sans réserve à leur parfaite restauration. On regrette à bon droit que, sur onze baldaquins que présente le portail, huit soient dépouillés dé leurs statues, et l'on conçoit l'espoir que M. le curé de St.-Germain, qui a tant fait déjà, ne laissera pas son œuvre incomplète, et qu'aux réparations qu'il reste à faire présidera le même goût qui se remarque dans celles qui sont déjà exécutées dans cette partie du monument.

Entrée dans l'intérieur, la Société admire la beauté et l'élégance du vaisseau. Les angles de ses piliers, les nervures des

voûtes qu'ils soutiennent, tout y signale le style de transition qui précéda l'architecture de la Renaissance, à la fin du XV siècle c'est qu'effectivement St.-Germain a été achevé en 1477. L'intérieur, quoiqu'en très-bon état, fáit éprouver à la Société un sentiment pénible par la manière dont ses restaurations et embellissements ont été faits. A une époque déjà éloignée, lors de la réparation des nervures des fenêtres, ceux qui furent chargés de ce travail ont poussé les meneaux en droite ligne, sans avoir égard aux inflexions flamboyantes dont les fenêtres parallèles leur présentaient de bons modèles : on voit un exemple déplorable de cette mutilation sur les fenêtres du transept de droite, et dans celles du chœur loute nervure a disparu. La manière non moins déplorable dont on a traité cette église dans des temps bien voisins de nous encore rend désirable une disposition législative, ou toute autre disposition, qui empêcherait à l'avenir toute suppression, réparation, ou embellissement qui ne serait point conforme au bou goût, et plusieurs membres font des voeux pour qu'une semblable mesure vienne promptement tranquilliser les amis de l'art. En effet, tout en rendant justice aux intentions, bien pures sans doute, et au zèle pour la décoration de leur église qu'ont montré les membres de la fabrique de St.-Germain, et des artistes chargés de l'exécution des travaux, on ne peut s'empêcher de reconnaître que les vitraux coloriés, existant au fond de l'apside et des bas-côtés, sont presqu'entièrement cachés par de lourds rétables d'autel et d'incompréhensibles lambris; on s'étonne de voir aux fenêtres du sanctuaire de modernes rideaux en toile des Indes remplacer de charmants vitraux, qui leur étaient destinés, et qu'on rencontre avec non moins d'étonnement à la bibliothèque de la ville où on les a fait déposer, il y a moins d'un an, sous le prétexte qu'ils auraient pu être vendus; comme s'il n'était pas plus simple de

les replacer. Les piliers du sanctuaire ont été environnés d'une boiserie, se prolongeant le long des murs, et offrant l'aspect d'énormes tambours, ce qui interrompt fort désagréablement la perspective que présentait cette partie du monument. Au-dessus de cette boiserie sont placés de çà et de là deux autres espèces de rétables, comme les premiers, assez bien quant à l'exécution, mais qui ne sont véritablement plus qu'un non sens là où ils se voient. Le sanctuaire entier est clos par une balustrade en bois, de la même date que les boiseries citées, et qu'on croirait volontiers formée avec des rais de roues équarries, tant le dessin en est étonnant. La considération de tous ces objets et spécialement des lambris, fait émettre à M. de Caumont et à M. l'abbé Martin, le vœu, que M. le curé de St.-Germain réalise, aussitôt que possible sera, le dessein conçu par lui de faire disparaître ces prétendus embellissements; M. de Caumont en particulier invite MM. les ecclésiastiques de St.-Germain, à témoigner à M. le curé tout le regret qu'il éprouve de n'avoir pu le rencontrer à Amiens, et à être auprès de lui l'interprète de la Société. L'élégance des voûtes de l'édifice; la hardiesse de la voûte de la croisée; la délicatesse des quatre piliers qui la supportent et qui n'ont cependant pas un diamètre plus considérable que les autres ; les clés de ces voûtes très-remarquables et représentant des roses en style flamboyant, les évangélistes, d'autres saints, et des armoiries; les chapelles sépulchrales voûtées en arête et anse de panier, sur le bas côté gauche, dont l'une contient un groupe en pierre de Liais, représentant la descente du Christ au tombeau, de la date de 1506, attirent l'attention de la Société. La tribune de l'orgue est le sujet de plusieurs réflexions: MM. de Caumont et Pollet en louent l'exécution, mais ils pensent que la partie inférieure des chapiteaux des colonnes pourrait être critiquée, et que tout l'ensemble

de la tribune, quoique d'un bon effet, aurait plus de mérite s'il était en harmonie avec l'édifice; ces MM. observent que d'ailleurs la dépense eût été moins considérable.

La manière dont a été placée une statue de Ste. Marguerite, sur un lourd piédestal grec, au milieu d'une fenêtre, est unanimement improuvée. Au sortir de l'église M. Dusevel observe que c'est à tort qu'on a nié l'existence d'un Cupidou parmi les sculptures de la porte latérale, qu'il avait signalće ' dans un de ses mémoires : l'exactitude de son assertion demeure constatée par tous les membres. Avant d'abandonner l'édifice, on signale l'état menaçant des bahuts qui recouvrent les galeries qui règnent autour de St.-Germain, ainsi que l'effrayant affaissement de trois des arcs-boutants dissimulés en partie par les toitures des bas-côtés. Les ignobles échoppes, dont la destruction a occupé il y a quelque temps le Conseil municipal, sont remarquées à leur tour, et la commission conçoit l'espoir que l'autorité donnera suite à son projet et fera promptement disparaître ces cabanes dont l'aspect fait mal à voir et qui sont en même temps une cause d'insalubrité pour le quartier de la rue St.-Germain.

On se rend ensuite à l'église de St.-Leu, dont une partie du portail remonte au XI. siècle, mais dont les autres parties ne sont que de 1481. Au bas du clocher, sur la rue St.-Leu on remarque une large baie, remplie par une échoppe, qui servait autrefois de porte d'entrée, surmontée d'un fronton, en accolade, orné de feuillages en volutes. Au-dessus le nu du mur est décoré selon le style de ce temps d'arcades feintes avec nervures variées; ce genre d'ornement, que M. de Caumont appelle panneaux, prodigué ailleurs jusqu'à l'abus, se trouve parfaitement à sa place ici. L'intérieur, comme la Société le remarque, n'offre aucun intérêt, et elle pense que la fabrique de St.-Leu en a tiré tout le parti possible. Elle s'arrête avec

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