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ment du XIIIa. siècle on a construit simultanément des églises dans le style roman qui finissait et dans le style ogival qui commençait à prédominer.

Pour savoir si le même fait peut être constaté en Picardie, il faudrait avoir, ce qui nous manque, des dates bien précises. M. Hardouin dit que l'on possède en Picardie très-peu d'églises de l'époque de transition. Mais en considérant que les Fidèles et les architectes avaient sous les yeux le modèle le plus pur, le plus complet, le plus correct dans la cathédrale d'Amiens; en considérant la pureté de style de l'édifice en partie du XIII. siècle, on peut admettre qu'à cette époque le style ogival était naturalisé en Picardie.

La quatrième question posée par M. de Caumont, consiste à savoir si l'architecture du XIII. siecle offrait les mêmes caractères généraux, la même disposition, le même systéme de décoration en Picardie que dans les autres contrées.

Il est bien difficile de déterminer quels sont les feuillages et les autres détails d'ornementation employés dans les sculptures du XIII. siècle. Cette question devra être sérieusement étudiée. M. Rigollot fait remarquer combien les églises du XIII® siècle sont rares en Picardie. A très-peu d'exceptions près, la cathédrale est l'unique monument de cette époque ; les détails d'ornementation qu'on y remarque consistent principalement en raisins et en fleurs qui ont quelqu'analogie avec le trèfle, quoique divisées en quatre lobes.

Ces feuillages sont-ils empruntés à la flore indigène, où appartiennent-ils à la végétation méridionale?

M. Rigollot fait remarquer que dans les parties de la cathédrale d'Amiens appartenant au XIIIe siècle, on ne rencontre guère la feuille de vigne dans les chapiteaux ; on la voit, au contraire, très-fréquemment dans les cordons; l'ornement ordinaire des chapiteaux, c'est la feuille d'acanthe dégénérée.

M. Garnier ajoute que dans l'église de Conty, monument qui appartient à trois ou quatre époques différentes,il a remarqué la feuille d'acanthe et le trèfle; la feuille de vigne allongée et la grappe de raisin n'ont été communément employées qu'aux XIV. et XVe siècles.

M. de Caumont fait observer que les feuilles en volute qu'il a signalées dans son Cours comme ornant habituellement le chapiteau du XIII. siècle, ont en général été abandonnées au XIV. Elles n'appartiennent pas à la flore indigène.

Sur la seconde partie de la question, M. Rigollot pense que les monuments de ce pays n'ont rien emprunté à la végé· tation méridionale au XIIIe siècle.

M. l'abbé Martin demande si la feuille pliée, divisée en trois lobes, dont l'un, celui du milieu est terminé en pointe, qu'il a souvent observée sur les vitraux du XIII. siècle avec l'acanthe dégénérée, n'aurait point un caractère symbolique.

M. Hardouin, qui a fait la même remarque sur le tympan des porches de la façade et du petit porche latéral (sud-ouest) de la cathédrale d'Amiens, se joint à M. Leguehennec pour appeler la discussion sur ce point.

M. Rigollot pense que les vitraux du XIII. siècle ont un genre d'ornement qui leur est particulier ; c'est un lys avec ses feuilles, non pas terminé en forme de lance, mais bien imitant le feuillage, le lys enfin que l'on retrouve sur les florins au temps de saint Louis. Quelques parties de la cathédrale d'Amiens sont citées par lui à l'appui de son opinion.

M. Traxler, qui a aussi remarqué le même ornement dans l'ancienne cathédrale d'Arras, annonce que, pour satisfaire au vœu de la Société, il fera dessiner ces divers objets, et que ces dessins seront par lui envoyés à M. de Caumont.

¿Deux questions, posées par M. de Caumont, ont donné lieu à une séricuse et intéressante discussion ; les voici:

Peut-on découvrir un sens symbolique dans la disposition de certains feuillages, par exemple, dans les bouquets ternaires, et dans plusieurs combinaisons de ce genre composées de trois parties?

Les diverses espèces de végétaux sculptés auraient-elles elles-mêmes un sens symbolique?

M. Martin croit au sens symbolique, soit que ce caractère ait été primitivement donné à tel ou tel objet, à telle ou telle forme, soit que le sens symbolique ait été le résultat du temps, comme il est parfois arrivé dans les signes religieux.

M. de Givenchy ne pense pas, non plus, qu'on puisse attribuer au hasard certaines combinaisons qui se présentent toujours de la même manière, le nombre trois par exemple,

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la coupe des ogives. Cette uniformité annonce assez que, dès l'origine, un sens a été attribué à cette forme.

M. Rigollot cite une pierre tumulaire, dont il est possesseur ; elle représente un personnage revêtu de la tunique, vêtement en usage au XIII. siècle, et couché sur un lit de fleurs; ces fleurs sont-elles des roses ou des mauves, c'est ce qu'il n'a pu distinguer; mais il attribue un sens religieux à cet ornement.

M. l'abbé Goard explique l'origine symbolique du trèfle, comme s'appliquant à la Trinité. Saint Patrice évangélizait en Irlande; l'expression lui manquait pour rendre sensible le dogme de la Trinité. Un objet se trouve sous sa main, divisé en trois parties; c'est le trèfle, et la démonstration est comprise. Depuis cette époque et sans interruption, lors de la fête de saint Patrice, fête nationale en Irlande, on a conservé l'habitude de se parer de la feuille de trèfle.

M. de Givenchy pense que tous les symboles nous sont venus de la Germanie, avec la majeure partie de nos traditions.

M. Goard estime que l'origine du symbolisme se perd dans la nuit des temps: les Payens l'ont fréquemment employé dans

les sculptures de leurs tombeaux; le Christiauisme en renversant le culte des faux dieux, a adopté cet usage, qui n'avait rien d'incompatible avec le dogme.

M. Leguehennec combat l'opinion de M. de Givenchy, en ce qui concerne les trois points de l'ogive. Ce n'est pas, dit-il, de la Germanie que le symbolisme nous est venu. Il partage en général l'avis de M. Martin: les symboles nous ont été apportés d'Orient; les Chrétiens n'ont fait qu'attacher un caractère à des signes adoptés précédemment par les Arabes ou les Perses.

M. Leguchennec ne serait pas éloigné de penser que le trèfle ou le triangle encadré dans un cercle se serait d'abord appliqué à la science comme symbole, et ne serait devenu celui de la divinité qu'au moyen âge.

Cette observation ne donne lieu à aucune discussion.
On passe à la question suivante :

Quels sont les caractères les plus précis de l'architecture du XIV. siècle en Picardie?

Les édifices de ce siècle, dit M. Rigollot, sont rares en Pi cardie; les guerres, et tous les maux qu'elles traînent à leur suite, n'ont pas permis d'élever de vastes monuments. La partie nord-ouest de la cathédrale d'Amiens a cependant été construite à cette époque; on y distingue en effet les statues de Charles V, de Charles VI, du cardinal de Lagrange, et de quelques autres personnages du temps. On peut juger toutefois des modifi. cations que l'ornementation a éprouvées, en passant de ce siècle au siècle suivant.

Il serait bien désirable, dit M. de Caumont, que l'on prît avec soin dans tous les monuments du XIV. siècle et des autres époques, des reliefs, des coupes de détail, etc. Un appel est fait aux architectes, dessinateurs, artistes, pour concourir à cette précieuse collection. Ce n'est qu'après avoir beaucoup recueilli, qu'on pourra elasser chronologiquement lės moulures avec quelque certitude.

M. Martin cite à cet égard la cathédrale de Bourges : on y voit, qu'au temps de Philippe-le-Bel, des échancrures plus larges, des enfoncements moins considérablesavaient rem. placé les nervures profondément fouillées. Les arêtes, rondes jusque-là, devinrent plus anguleuses.

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Diverses questions soumises par M. de Caumont, et relatives au travail des chapiteaux, à la disposition du triforium, à l'emploi et à la forme des crochets, des balustrades ou rampes au XIV. siècle, n'ont pu être discutées. Les éléments manquent; elles seront étudiées plus tard avec tout le soin qu'elles méritent.

A cet égard, M. de Givenchy fait une observation générale, approuvée par l'assemblée : il serait bon, dit-il, que chaque session de la Société française fût précédée de la publication d'un programme contenant l'indication des questions à traiter.

M. de Caumont fait remarquer que, depuis dix ans, il a soumis la plupart de ces questions aux personnes qui pouvaient fournir des lumières sur la succession des formes architectoniques; que ces questions sont déjà connues d'un grand nombre d'antiquaires que le procès-verbal de la session d'Amiens les reproduira en même temps que les solutions auxquelles elles auront donné lieu; mais qu'en outre il les faire réimprimer pour la session de 1840.

pourra

La question concernant l'époque à laquelle les feuilles frisées ou recourbées ont commencé à étre employées dans le XIV. siècle, n'amène pas non plus de discussion; on se réserve de l'étudier. On se borne à faire remarquer que cet ornement, si commun dans les édifices du XV. siècle, a été très-peu en usage dans le siècle précédent. M. de Caumont cite plusieurs monuments du XIVe siècle où il a constaté l'existence de ces feuilles, moins contournées toutefois qu'elles ne le furent un siècle plus tard, et traitées différemment.

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