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bards; mais il arriva que ces seigneurs, instruments de l'ambition pontificale, ne purent, tant qu'ils furent absents, réprimer le désordre, et que lorsqu'ils franchirent les Alpes, ils donnèrent plusieurs fois aux Papes sujet de se repentir d'avoir remis l'empire entre leurs mains.

A la renaissance de l'empire d'Occident, l'Apulie, la Calabre et la Sicile avaient été laissées sous l'obéissance des. empereurs d'Orient. Les deux premières provinces étaient encore gouvernées par des vice-rois appelés Catapans (1), que la cour de Byzance y envoyait à des époques périodiques; mais la Sicile avait été long-temps tenue en-dehors de leur autorité par les armes victorieuses des Sarrazins.

A l'occident de la péninsule Italique, les trois principautés Lombardes de Bénévent, de Capoue et de Salerne, l'abbaye du mont Cassin et la république d'Amalfi s'étaient proclamées indépendantes. Naples se gouvernait par ses propres lois, mais reconnaissait la suprématie des empereurs grecs. L'harmonie fut loin de régner toujours entre ces divers petits états, mais ils n'étaient point assez puissants pour se faire, sans une assistance étrangère, tout le mal qu'ils auraient désiré.

Tel était l'état des affaires dans cette contrée de l'Europe, quand les Normands y apparurent, non pas comme en France, sous l'aspect d'audacieux forbans, mais en qualité d'émigrés au service d'une principauté italienne. Le résultat cependant fut le même en Italie comme en France, ils devinrent conquérants et dominateurs.

(1) Du mot Catapan, qui veut dire au-dessus de tout est dérivé Captain, Capitaine. Léon d'Ostie observe que le nom de Capitanata, donné à une province d'Apulic, doit venir de Catapanata, surnom sous lequel elle a dû être désignée d'abord.

L'an 1003 (1), Drogon, chef cormand, à son retour d'un pélerinage à Jérusalem, passa avec quarante de ses compatriotes à Salerne. Durant leur séjour dans cette ville, les Sarrazins vinrent y mettre le siége. Drogon se porta à la tête du peuple et repoussa les assiégeants. Le duc de Salerne, témoin de la bravoure de ces étrangers, les pressa de rester dans ses états. Les pélerins s'en excusèrent pour le moment, mais ils s'engagèrent à revenir. En effet, au printemps suivant, Drogon s'attacha un nombre considérable de hardis aventuriers, revint en Italie, et entra au service du duc de Salerne.

Quelques années se passèrent depuis leur arrivée en Italic, durant lesquelles les Normands combattirent à la solde de différents princes (2); le duc de Salerne, le prince de Capoue, l'abbé du mont Cassin payèrent tour à tour leurs services. Mais ils ne tardèrent pas à essayer un jeu plus hardi. Raynulf (3), pour accomplir un vou, s'était rendu avec une partie de la bande à la chapelle de St.-Michel (4), sur les hauteurs du mont Gargano en Apulie. Ils y rencontrèrent Melo (5), noble lombard, sujet de l'empereur de Constantinople, qui avait été exilé de Bari pour avoir trempé dans une conjuration: il leur révéla l'opulence des Grecs et leur faiblesse, et ses récits agirent puissamment sur l'esprit des aventuriers. Les Normands se hâtèrent de rassembler leurs forces, et secondés par les troupes que leur avaient fournies les princes Lombards, qui avaient prêté aussi avidement (1) Leo Ostiensis, lib. II. c. 37.

(2)

plus tribuenti

Semper adhærebant. - Gulielmus Apuliensis.

(3) Gul. Ap.

(4) La dévotion normande à l'archange St.-Michel est suffisamment attestée par l'application du nom de ce saint à deux montagnes, l'une en Normandie, l'autre dans le Cornwall.

(5) Gul. Ap.

l'oreille aux perfides suggestions de Melo, ils attaquèrent et battirent le catapan Turnicius (1). L'année suivante, un autre catapan arriva de Byzance à la tête d'un corps d'armée considérable (2). On en vint aux mains à Cannes (3); les Normands tombèrent dans une embuscade et furent écrasés par le nombre. Ceux qui échappèrent ne trouvèrent leur salut que dans la fuite.

1020. A la suite de cette défaite, parmi les Normands qui avaient survécu, les uns passèrent au service du prince de Capoue, les autres se firent brigands et leurs incursions portèrent dans le pays le ravage et la désolation, Autant pour mettre un terme à ces désordres que pour augmenter la bande qui était à sa solde, le prince de Capone donna aux Normands le territoire qui s'étend entre Capoue et Naples: ils s'y rassemblèrent tous, et y fondèrent la ville d'Aversa.

1021. Peu de temps après, le prince de Capoue emmena les Normands dans une expédition qu'il allait faire contre le nouvel abbé du mont Cassin, et quand il se fut rendu maîtie, par leur secours (4), de la plus grande partie de l'héritage de St.-Benoît, il leur en donna une portion considérable. Plus tard, les Normands rendirent à Sergius (5) son duché de Naples dont on l'avait dépossédé, et en récompense de ce service, le prince les combla de présents, donna sa fille en mariage à Raynulf (6) que les Normands avaient choisi pour leur chef, et lui conféra le titre de comte d'Aversa (7).

(1) Turnicius sed terga dedit. Gul. Ap. lib. 1.

(2) 1019. Fecit prælium prædictus Bugianus cum Francis et vicit.Lupus Protospata.

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solide

1022. Quand une fois les Normands furent un peu ment établis dans la Péninsule, ils se mirent à entretenir des relations avec leurs compatriotes de France (1): ils leur firent connaître leur heureuse position, et les invitèrent à émigrer en foule pour se joindre à leur colonie. L'invitation fut acceptée avec ardeur; en 1022, les Normands arrivèrent en grand nombre en Italie; on remarquait parmi eux ces trois fils de Tancrède de Hauteville (2), qui devaient cueillir une si vaste moisson de lauriers sur ce nouveau champ de la gloire normande.

1023. Les nouveaux venus se mirent d'abord à la solde du comte de Théano; ils passèrent ensuite au service de Gaimar, prince de Salerne, et lui conquirent Sorrente et Amalfi (3). Bientôt après, Maniaees, général de l'empereur d'Orient, à son arrivée à Bari, les engagea à se joindre aux troupes impériales, dans l'expédition qu'il projetait contre les Sarrazins de Sicile. Il leur offrit la moitié des villes prises et du butin qui s'y trouverait. Ea proposition était trop séduisante pour qu'il essuyât un refuse les Normands ayant à leur tête Guillaume, l'aîné des fils de Tancrède de Hauteville, allèrent se ranger sous l'étendard des Grecs (4).

1025. Le petit escadron normand eut en Sicile la gloire des plus beaux faits d'armes, et plus d'une fois quand la vic

(1) Gul. Ap.

(2) Tancrède de Hauteville était un gentilhomme plutôt pauvre que riche, qui vivait sur les terres de sa seigneurie de Hauteville dans le diocèse de Coutances.

(3) Eo tempore Guaimarius, Normannis faventibus, Surrentum cepit; Amalfim, nihilominus, dominatui suo subdidit. Leo Ost. lib. II. C. 44.

(4) Gulielmum, Draconem, et Hunifridum, Tancredi filios, qui noviter à Normannia venerant, cum trecentis aliis Normannis, in auxilium misit. Leo Ost. lib. II. c. 47.

toire était sur le point de déserter les drapeaux des Grecs, lui seul sut l'y ramener. Guillaume, le vrai type de la chevalerie du moyen âge, se signala dans toutes les rencontres, et un jour que traversant de sa lance le corps du gouverneur Sarrazin de Syracuse (1), il jeta dans les rangs des ennemis une terreur panique, on lui décerna d'une voix unanime le glorieux surnom de Bras de fer. Le résultat de l'expédidition fut la conquête d'une grande partie de la Sicile. La coopération des Normands n'avait pas été inutile à Maniaces, et cependant dès qu'il n'en eut plus besoin, il oublia les promesses qu'il leur avait faites (2). On ne fit point le partage du butin; et les clefs d'aucune ville conquise ne furent remises entre les mains des Normands. Ceux-ci cachèrent leur ressentiment pour assurer leur vengeance. Pendant que Maniaces et ses troupes étaient occupés en Sicile, ils retournèrent en Calabre (3), se jetèrent sur le territoire soumis à l'empereur de Byzance, et s'emparèrent de Melfi, de Venosa, de Lavello, et de quelques autres villes (4).

Il fut heureux pour les Normands que, dans ce moment critique, des intrigues de cour déterminèrent le rappel de Maniaces à Byzance. Docianus qui le remplaça dans le commandement, était un général d'une médiocre capacité. Il fut d'abord battu, sur les bords de l'Ofanto, par l'armée normande qui s'élevait à 700 chevaux et 500 fantassins (5), et il éprouva bientôt après une défaite encore plus désastreuse près du mont Piloso (6). Un autre général n'arriva de Byzance

(1) Gaufridus Malaterra. lib. 1. c. 7.

(2) Id. mêmes liv. et ch.

(3) Malaterra, lib. 1, c. 8.

(4) Leo Ostiensis, c. 47.

(5) Gulielm. Ap.

(6) Gaufrid. Malaterra.

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