Page images
PDF
EPUB

Les colonnes de la nef ont été empruntées à des édifices plus anciens, et l'on a fait entrer dans leur composition des matériaux de diverses espèces : les unes sont en granite, les autres en marbre. Leurs chapiteaux appartiennent à la période normande; ils ne sont pas tous exactement semblables, mais on remarque partout un feuillage d'où les figures sont exclues. Toutes les arcades ont l'ogive.

Les fenêtres larges, peu élevées et en lancette, sont en petit nombre. Dans les contrées méridionales, où les rayons du soleil sont si brûlants, on cherche à leur donner le moins d'accès possible dans les édifices, et c'est surtout dans les monuments religieux, à la majesté desquels le demi-jour est d'ailleurs si favorable, qu'on a intérêt de leur interdire de pénétrer en trop grand nombre.

Les apsides, la coupole, les murs, l'intérieur de la chapelle sont ornés de mosaïques qui se dessinent sur un fond d'or : c'est surtout quand un rayon de soleil vient en effleurer une partie, que la décoration revêt un éclat et une richesse qui dépassent tout ce que l'on peut imaginer.

Le plafond est aussi fort curieux. Il est en bois : sa construction et ses ornements rappellent le style sarrazin. Au centre se voit un assemblage de roses et d'étoiles, séparées par des pendants, et sur les bords des compartiments se lisent des inscriptions en caractères Cuphiques (1). A l'un des côtés du

(1) L'abbé Morso qui a étudié, copié et traduit les inscriptions sarrazines du plafond de la Capella Reale, en la comparant avec celle qui est gravée sur la robe d'honneur offerte à Roger par les Sarrazins de Sicile, a trouvé qu'elle en était la répétition presque littérale. Cette Inscription énumère, dans le langage hyperbolique de l'Orient, les excellentes qualités du souverain. La robe du roi Roger fut emportée par l'empereur Henri VI en Allemagne, en même temps que les autres objets précieux trouvés dans le palais de Palerme, et les

chœur, se trouve un candélabre de marbre dont la forme est antique, mais qui présente des ornements familiers à l'architecture normande.

Cette chapelle fut l'oeuvre du comte Roger; elle paraît avoir été achevée en 1132 (1); car, cette année-là, l'archevêque et le chapitre métropolitain de Palerme lui conférèrent les priviléges attachés au titre d'église paroissiale. On ne peut douter qu'on ne se soit servi, pour la construire, d'architectes grecs et sarrazins, puisque les styles des nations conquises en ont le plus souvent exclu l'architecture du peuple conquérant. C'est plus tard qu'on s'occupa de l'orner de mosaïques. Sans vouloir discuter l'opinion qui fait remonter le commencement du travail au temps du roi Roger, je ferai observer qu'il a été bien certainement terminé par Guillaume Ier. (2).

La Capella Palatina de Palerme est un monument si riche de souvenirs historiques, et qui nous éclaire si bien sur l'état des arts à l'époque où il fut construit, qu'il n'est peut-être pas,

empereurs allemands s'en revêtirent dans la suite le jour de leur sacre. Elle était connue sous le nom de robe de Nuremberg, parce que c'était dans cette ville que se célébrait la cérémonie du couronnement.

Les Sarrazins offrirent à l'empereur Othon une robe du même genre, quand ils voulurent l'engager à embrasser leur cause. Cette robe devint dans la suite la propriété de l'empereur Frédéric II, et lorsque, en 1342, on fit l'ouverture de son tombeau, on y retrouva ce vêtement précieux. Voyez Discorsi di Gregorio.

(1), Titulo sancti Petri, apostolorum principis, intra nostrum regale palatium quod est in urbe Panormi, ecclesiam summâ cum devotione fabricare fecimus. Diplôme du roi Roger, à la date de l'année 1140, cité par Rocco Pirro.

Terminata, poi, nel 1132, fu dall' Archivescovo di Palermo, Pietro, é suoi canonici, costituita parochia. - Guida di Palermo.

(2) Willelmus cappellam sancti Petri, quæ erat in palatio, musiva fecit pictura depingi, et ejus parietes pretiosâ marmoris varietate vestivit. Romualdo Salernitano, presso Carusa, p. 870.

sous ce rapport, d'édifice antique plus curieux et d'un intérêt plus grand. La Sicile seule vit les Grecs, les Sarrazins et les Normands se mêler sur son sol, et de cette réunion fortuite résulta la fusion des trois architectures, normande, classique et orientale. Il n'y a pas d'autre contrée qui offre d'exemple d'un pareil mélange.

Sur le mur extérieur de la chapelle est gravée une inscription qui rappelle l'existence d'une cloche donnée par le roi Roger, à une époque où les cloches, mises en mouvement par des pendules, étaient d'une rareté excessive. Elle est écrite en trois langues, en latin, en grec et en arabe ; et c'est encore là une preuve qu'on les parlait alors également toutes les trois en Sicile.

L'inscription latine est ainsi conçue :

Hoc opus horologii præcepit fieri
Dominus magnificus Rex Rogerius,
Anno Incarnationis Domini 1142,

Anno, verò, regni ejus 13 feliciter.

A la Capella Palatiua est attenante la sacristie sur laquelle ouvre l'Archivio. C'est dans cette dernière salle que sont gardées les minutes des chartes et des contrats relatifs à la chapelle, depuis le temps du roi Roger. Les uns sont en grec, les autres en grec et en arabe. Les signatures des témoins sont écrites en caractères grecs et latins. Tous les contrats, à partir du temps de l'empereur Frédéric II, sont en latin. Il y en a un daté du règne de Roger, l'acte de fondation, qui est brodé en lettres d'or sur une étoffe de soie couleur de pourpre : cet usage emprunté aux empercuis de Byzance, est une preuve du soin que les rois Normands de Sicile mettaient à imiter les coutumes byzantines.

Après l'Archivio, nous allâmes visiter la seule partie de la

tour normande qui soit demeurée telle qu'elle était au temps du roi Guillaume Ier. c'est un faible reste de ces appartements privés dont Ugone Faloando décrit en termes si pompeux la richesse et l'agréable variété. Cette pièce témoigne du luxe des rois Normands, car son plafond et ses murailles sont incrustés de mosaïques, et elle est ornée, à chacun de ses angles,de petites colonnes en marbre. Sur les murs on a figuré des chasses, des arbalètes, des cerfs, et des paons aux brillantes couleurs. Les mosaïques-du-plafond représentent des léopards, des lions, des griffons et divers autres animaux.

Le reste du palais est une suite de belles salles modernes, dans l'une desquelles on conserve deux béliers antiques en bronze, de grandeur naturelle, qui sont représentés couchés. Ces béliers ont fait presque autant de chemin que les chevaux en bronze de St.- Marc à Venise. Il fut un temps où ils ornaient l'entrée du château de Maniaces à Syracuse (1).

Les vues que le palais commande sont d'une beauté remarquable: au nord, ib regarde la ville et la mer; au sud, la plaine et les montagnes.

CHAPITRE XHE

18 Septembre.-Ce jour-là, nous nous rendimes à la cathé drafe. C'est un vaste monument dont la beauté serait parfaite, si l'architecte napolitain, Ferdinando Fuga, n'avait eu le mauvais goût d'ajuster à un édifice ogival une coupole italienne.

Il n'est pas une seule partie de cette cathédrale dont la construction soit antérieure à l'année 1169, car elle fut rebâtie en

(1) In majore portâ (arcis à Georgio Maníaco ædificata) duo ænei arietes, hodie in ædiculâ castri ad mare Panormi positi. Claudius Marius Aretius, de situ Siciliæ.

[ocr errors]

entier par l'anglais Walter Offamilio, après son élévation au siége archiepiscopal de Palerme (1). L'ancienne cathédrale, que les Sarrazins avaient convertie en mosquée, fut alors démolie, et on la remplaça par un édifice plus magnifique dont la consécration eut lieu en 1185.

Il ne reste aujourd'hui du monument bâti par Walter, que la crypte, une portion de l'aile méridionale et une portion de l'extrémité Est qui est, pour la plus grande partie, le résultat d'une restauration. Tout le reste de la cathédrale a été reconstruit à différentes époques. Les seuls caractères architectoniques que présente la partie ancienne, sont les fenêtres à ogives de l'aile méridionale, autour desquelles s'enroule une moulure particulière au style sarrazin, et les têtes grotesques qui grimacent sous le toit de l'extrémité Est, et dont il est impossible de révoquer en doute l'origine normande.

On peut considérer l'extrémité occidentale comme ayant revêtu sa forme actuelle dans le cours du XIV. siècle, car la tour qui s'y trouve placée fut bâtie de 1300 à 1355; et le portail était achevé avant l'année 1421 (2).

Le portail méridional fut ajouté en 1426 (3), et ce fut vers 1450 que l'archevêque Simon de Bologne fit construire le porche orné, ou pour mieux dire le portique (4) qui se com

(1) Amato, de principe templo Panormitano.

(2) Porta major per senatum allocata erat antè annum 1421. Amato, de principe templo.

(3) Au-dessus de la porte est une inscription qui se termine ainsi :

Mille quadringenti viginti jungile senos
Cernebant Domini lustris volventibus anni

Quando opus hoc egit, candenti marmore factum,
Sculpere Gambara prudens Antonius arte.

(4) Porticum antè cathedrale construxit Simon de Bononiâ, ubi Bononiensis familiæ videas insignia. Rocco Pirro, vol. 11, p. 167.

« PreviousContinue »