Page images
PDF
EPUB

bâtiments de ferme, et l'on y a ajouté de vastes magasins destinés à recevoir les provisions de diverses espèces avec lesquelles les tenanciers siciliens s'acquittent envers leurs seigneurs.

L'extrémité Est de l'église n'existe plus, mais la nef et l'extrémité occidentale sont restées dans leur état primitif. L'édifice tout entier porte les caractères de l'architecture ogivale, à l'exception des fenêtres supérieures qui sont circulaires et de petite dimension. Les arcades de la nef ont des pointes obtuses et sont environuées d'une moulure simple. Elles reposent sur des colonnes qui sont alternativement rondes et hexagones, et dans lesquelles le chapiteau est remplacé par une moulure à l'imposte.

Les feuêtres inférieures sont de forme ogivale et indivisées. Le portail occidental est en ogive, d'une bonne exécution, et décoré avec goût. On voit, de chaque côté, plusieurs petits piliers qui soutiennent des moulures en nombre correspondant. Les chapiteaux des colonnes sont ornés de feuilles et de figures grossières dans le style normand (1). Les bases, décorées de moulures, ont beaucoup d'analogie avec celles de l'architecture de transition d'Angleterre. Trois des moulures sont une reproduction du cable normand.

Cette église fut bâtie par la mère de Guillaume-le-Bon, en 1174 (2). Elle était, à cette époque, voisine d'une ville qui avait été fondée par le général byzantin Maniaces et qui por

(1) Les sujets des chapiteaux représentent l'expulsion d'Adam et d'Eve du Paradis terrestre, et l'origine de l'agriculture, de la chasse et de la guerre.

(2) Margarita quoque, regis mater, cœnobium ordinis P. Benedicti non longè ab oppido Maniace, erexit. Fazellus, de rebus Siculis.

Eodem anno 1174, Margarita, Gulielmi mater, in Maniacensi oppido, extruere cœpit monasterium ordinis S. Benedicti. Rocco Pirro, in Notit. eccles. Monteregalensis.

MANIACE.

-TRAINA.

123

tait son nom (1). Celle-ci a disparu sans laisser de traces de son existence, et l'on dit que Bronte a été bâtie de ses ruines, A une époque moderne, alors que personne ne doutait plus de l'influence malsaine de l'air du dans certaines saisons pays de l'année, les religieuses de l'ordre de St.-Benoît qui occupaient le couvent, prirent la résolution d'aller chercher un asile à Bronte. L'été, le lit de la rivière voisine est presque à see, et les matières fangeuses qui y croupissent, engendrent une peste qui se prolonge jusqu'aux premières pluies d'au

tomne.

nuages

s'amonce

des Pendant que nous étions à Maniace, lèrent autour du sommet de l'Etna, et avant notre retour à Bronte, ils crevèrent sur nos têtes, mais l'orage ne tarda pas à s'apaiser.

A dix-huit miles sud-ouest de Bronte, sur le haut d'une colline escarpée, s'élève la ville de Traina, où le comte Roger bâtit une église (2), et dont il fit la métropole de son premier diocèse. Comme il me fut impossible d'aller la visiter moimême, j'en donne iei la description d'après les notes que ine fournit signor Musumeci, jeune architecte de Palerme, qui voulut bien, à ma demande, se rendre sur les lieux, et auquel je suis redevable du plan et du dessin des monuments actuels de Traina.

L'extrémité orientale et le beffroi de la cathédrale fondée par le comte, ont survécu en partie. Le reste de l'édifice est

(1) Manaicium oppidum, ad Ætnæ radices, à Georgio Maniace conditum.

(2) Rogerius cæmentarios conducens undecumque aggregat. Templi jacet fundamenta in urbe Trainicâ. Ad quod perstans ævo brevi superat. Gaufridus, lib. 1, c. 19.

In dedicatione ecclesiæ quæ facta est anno ab incarnatione Domini millesimo octogesimo primo. Diploma apud Fazellum.

une reconstruction moderne. Ces deux lambeaux de l'œuvre antique sont bâtis en grandes pierres carrées, disposées en rangées régulières. Dans le style on s'est étudié à imiter les formes romaines. Dans la partie inférieure du beffroi se voit un porche où l'ou remarque des arcades circulaires qui reposent sur des impostes, ornées d'une moulure romaine. L'extrémité orientale s'éloigne du plan ordinaire de la basilique. Elle est carrée et semble n'avoir jamais eu d'apside semi-circulaire.

[ocr errors]

Le monument est dans une position fort avantageuse, et la ville occupe encore ce poste dominant dont le comte normand avait tant d'intérêt de se rendre maître.

Vers l'année 1080, Roger jeta, à six milles environ de Traina, les fondements d'un autre édifice religieux. Au milieu d'une enceinte de vastes forêts, s'élevèrent le couvent et l'église de St.-Elias d'Ambula, dont furent dotés les moines de l'ordre grec de St.-Basile. Un affreux tremblement de terre qui, en 1643, étendit ses ravages sur la ville et la cathédrale de Traina et sur toute la contrée environnante, renversa de fond en comble la fondation normande. Les forêts seules ont survécu : leurs chênes séculaires sont d'un grand secours pour les constructions navales.

CHAPITRE VII.

A notre départ de Bronte, nous eûmes une montée assez longue à gravir, plusieurs lits successifs de lave à traverser. C'est à diverses reprises que la lave s'est amoncelée dans ces lieux, et elle y a fait de grands ravages. Autour de nous tout était sauvage et sans intérêt; heureusement l'Etna s'élevait toujours à notre droite : son sommet était alors couronné de neige, la pluie qui nous avait surpris dans la vallée, s'y

était congelée. Nous arrivâmes enfin au haut de la colline, et en la descendant nous nous trouvâmes environnés de bouquets de chênes et de châtaigniers.

Au moyen âge, Randazzo était une ville importante. Elle fut, dans l'origine, occupée par une colonie de Lombards venus de Calabre, après que ce pays fut tombé sous la domination normande, et qui se distinguèrent dans la suite par la haine opiniâtre qu'ils vouèrent aux Sarrazins (1).

Randazzo a conservé presque tous les traits de sa physionomie antique : elle a encore ses vieilles murailles, ses vieilles maisons, ses rues étroites et tortueuses, ses belles églises. Partout se présentent aux yeux des portes à ogive et des fenêtres divisées par de minces colonnettes. La plupart des maisons qui portent ces caractères architectoniques sont de petite dimension. Tant qu'une enceinte de murailles fut nécessaire, une habitation spacieuse fut toujours un luxe que la richesse même ne put se permettre.

La Madre Chiesa est moderne, à l'exception de sa campanille, qui est une bonne tour, bâtie de rangées de pierres alternativement blanches et noires. Les arcades de ses fenêtres sont très-obtuses. Celles-ci sont environnées de riches moulures et partagées au moyen de colonnes simples, surmontées de chapiteaux à feuilles sans ornements.

A l'extrémité opposée de la ville, est l'église bien plus cu- · rieuse de Ste.-Marie. Elle est construite de larges blocs de lave de forme quadrangulaire. A son extrémité orientale, se voient trois apsides, qui sont décorées, à l'intérieur, de têtes et de moulures uormandes. A l'extrémité occidentale, s'élève une haute tour au-dessous de laquelle est ouvert un porche. Les arcades

(1) Dès les temps de Frédéric d'Arragon, les plus jeunes fils des rois de Sicile portaient le titre de ducs de Randazzo; ce qui fait voir que cette ville était, pour quelque raison, tenue en grande estime.

de ce porche et celles du portail à l'intérieur de l'église sont en ogive. Le portail a plusieurs moulures supportées par des colonnes en nombre correspondant, lesquelles sont ornées de chevrons en bas-relief et partagées, au moyen d'une bande somptueusement décorée, en deux étages. Sur leurs chapiteaux sont sculptées de grossières figures d'animaux. Bien que parmi les caractères de ce porche, plusieurs aient de l'analogie avec ceux des édifices du nord, il diffère toutefois matériellement d'une construction anglaise ou française du XIII. siècle.

On lit dans cette église une inscription qui rappelle que l'architecte qui en dirigea la construction était un certain Léon Cumier (1); ce nom n'indique pas une origine italienne. Léon Cumier appartenait probablement à l'une de ces nombreuses familles allemandes que l'empereur Henri VI établit en Sicile, où à l'une de celles qui y furent introduites en 1198

(1) La date de l'église est rappelée par deux inscriptions qui existent encore dans deux parties différentes du monument. L'une est ainsi conçue :

« Anno Domini 1328 actum est hoc opus. »

L'autre est gravée sur un bloc de lave qui fait encore partie des murailles de l'église, mais qui n'occupe plus la même place qu'autrefois. Un ou deux mots de cette inscription manquent, et elle est pleine de contractions. Elle a été déchiffrée par les soins réunis de Don Augustino Gallo et de l'abbé Buschemi, qui l'ont lue ainsi qu'il suit: Mille ducenta decem quinque et septena fluebant Tempora post genitum sanctâ de Virgine Verbum, Construitur, tecti lapidum subnixa columnis, Virginis hæc Aula, bis senis arte politis Arcubus illustrat Leo Cumier arte mirandâ,

Hoc opus egregium Christi venerabile templum.

Je suis redevable de ces deux inscriptions et de beaucoup d'autres renseignements précieux, à l'obligeance de Don Augustino Gallo, de Palerme, justement renommé pour ses vastes connaissances archéologiques.

« PreviousContinue »