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La Conservation des Echantillons de Lait destinés à l'Analyse

par M. G. DENIGÉS,

Professeur de Chimie biologiqne à la Faculté de Médecine de Bordeaux.

M. X. ROCQUES, dans un très intéressant article publié dans le Numéro de Juillet 1912, page 338, des Annales des Falsifications a précisé les conditions (addition de l'antiseptique dès que la traite vient d'être effectuée; absence d'acide lactique) dans lesquelles le dichromate de potassium est un agent suffisant de conservation des échantillons de lait destinés à l'analyse.

Or il est malheureusement exceptionnel que ces conditions soient réalisées dans la pratique du prélèvement des échantillons. Aussi ces derniers s'altèrent-ils rapidement et sont-ils fréquemment remis aux experts dans un état de décomposition avancée qui en rend l'analyse particulièrement laborieuse et délicate et ne permet pas toujours dans les cas difficiles, de tirer les conclusions fermes réclamées par les tribunaux.

Pour ces raisons et je crois que c'est le vœu de bien des chimistes le choix d'un antiseptique plus efficace s'impose : j'ajouterai que cet antiseptique existe et qu'il a depuis longtemps fait ses preuves.

Dans un travail très soigné (1) fait en 1900 sous ma direction et dans mon laboratoire, un de mes élèves, M. DUBOIS, s'était déjà préoccupé de la question de la conservation des échantillons de lait destinés aux expertises légales.

Après avoir rejeté les poisons violents tels que les sels de mercure, notamment le cyanure, qu'il est imprudent de mettre entre les mains de tout le monde et pourraient exposer à de funestes méprises, après avoir essayé puis rejeté pour des raisons diverses les essences de moutarde, de cannelle, de girofle, d'eucalyptus, le camphre, le safrol, le thymol, les naphtols, le nitrite d'éthyle et le sulfure de carbone, nous nous étions arrêtès à la formule suivante qui nous donna pleine satisfaction.

Dissoudre 50 grammes de phénol neigeux dans 10cc. d'alcool à 95o. On obtient ainsi, un mélange qui reste toujours liquide et dont un centimètre cube ajouté et mélangé par vive agitation à 100 centimètres cubes de lait conserve ce produit indéfiniment.

C'est ainsi qu'un lait ainsi traité le 20 Avril 1900 et renfermant 2 gr. 70 d'acidité exprimée en acide lactique, en contenait la même dose le 25 Mai et, malgré le débouchage du flacon, n'en renfermait pas davantage le 6 Juin.

Voici du reste, extraites de la thèse de DUBOIS, des analyses de deux échantillons de lait, traités au phénol, analysés au bout de 35 jours pour l'un et de 16 jours pour l'autre :

(1) Sur l'analyse et la conservation des échantillons de lait prélevés pour les expertises légales. Travail du laboratoire de Chimie biologique de la Faculté de Médecine de Bordeaux, présenté comme thèse auprès de cette Faculté, en 1900 par M. A. DUBOIS, pour le grade de docteur en pharmacie.

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Je puis, personnellement, fournir un document plus décisif encore en faveur de ce procédé de conservation.

En juillet 1910, à la suite d'un remaniement de mon laboratoire, je retrouvais intacts 5 échantillons de lait (sur 5) laissés par M. DUBOIS lors de la préparation de son travail c'est-à-dire dix ans auparavant.

L'un de ces échantillons correspondait au lait No 2 dont l'analyse vient d'être reproduite; j'eus la curiosité de l'examiner à nouveau. Après homogénéisation du produit, préalablement porté au bain d'eau tiède, j'obtins les chiffres suivants :

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L'analyse des laits additionnés de phènol s'effectue sans aucune difficulté, il suffit seulement d'émulsionner la couche butyreuse qui s'est formée à la partie supérieure du flacon. Pour cela, on porte le récipient qui contient le lait dans de l'eau chauffé à 40 degrés environ et, quand la fusion de la matière grasse est obtenue, on émulsionne le liquide en l'agitant vigoureusement et on le refroidit aussitôt après.

A cette dose, le phénol ne trouble en rien la détermination exacte de l'acidité. Il est aussi sans action sur la liqueur de Fehling et n'amène aucune pertubation dans le dosage du beurre suivant la méthode d'Adam

par exemple. Le phénol qui se trouve entraîné par le réactif éthéroalcoolique s'évapore facilement à 100o et, quand la capsule où l'on recueille la matière grasse a été placée durant une heure sur un bain-marie bouillant, l'odeur phénolique même a sensiblement disparu et on obtient un chiffre rigoureusement exact. Il en est de même pour l'extrait qui, après dessiccation, ne contient plus de phénol.

Le dosage de la caséine par la méthode cyano-hydrargyrimétrique que j'ai indiquée s'effectue aussi facilement qu'avec le lait frais et, quand on fait le dosage pondéral, le phénol est éliminé par les lavages et la dessiccation. Il va sans dire qu'il faut tenir compte, dans les résultats que le volume a été augmenté d'un centième par l'addition de 10cc. de solution phéniquée par litre de lait.

Le phénol maintenu dissous par addition d'alcool répond donc à tous les besoins de la pratique, tant au point de vue de la conservation du lait, qu'à celui de la détermination des éléments qui permettent d'en juger la valeur.

Ce produit, d'un usage si courant, se trouve partout à un prix trés minime; l'odeur et le goût qu'il communique au lait le font déceler immédiatement et mettent en garde contre toute méprise et tout usage criminel.

On pourrait, ainsi que l'a proposé DUBOIS, pour l'utiliser, se servir d'une pipette pompe de 5 cent.-cubes de capacité divisée par cent.cubes en tenant compte qu'il faudra mettre autant de divisions que l'on aura de fois 100cc. à stériliser. Le volume de 5cc. répond d'ailleurs à tous les besoins de la pratique vu qu'il est rarement prélevé plus d'un demi-litre de lait pour l'expertise.

Les agents, chargés de saisir les laits suspects pourraient être munis de cet appareil qui, placé dans un étui de métal près du flacon ou dans le flacon même contenant le mélange, ne serait nullement encombrant.

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Dans un précédent No des Annales des Falsifications (Bulletin International Répression Fraudes, Juin 1912, p. 178), une courte note résumait une étude fortement documentée due à M. GALFARD, Conseiller du Commerce extérieur de la France, exportateur de graines de vers à soie, sur la concurrence déloyale faite par la soie artificielle à la soie véritable tirée directement par dévidage du cocon du Bombyx muriae.

Cette question présente une telle importance pour l'Industrie séricicole française qu'il nous paraît opportun d'y revenir avec plus de détails, en ce moment où se prolonge et devient plus aiguë que jamais la crise que traversent la filature et les industries connexes.

La production de la soie en France diminue chaque année, en dépit

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