Page images
PDF
EPUB

la Grande Grèce et importés dans les Gaules, puis par les emprunts qui ont été faits par l'industrie gauloise, qui reflète l'art étrusque ou archaïque.

L'influence pré-romaine de l'art étrusque dans les Gaules paraît d'autant plus admissible qu'elle s'est fait sentir dans une grande partie de l'Europe. Elle a laissé sur l'industrie en général et particulièrement sur le bronze, des traces incontestables. Nous partageons l'opinion des archéologues du nord qui reconnaissent une influence orientale, précédant l'influence étrusque qui s'accentue d'une manière particulière dans la dernière période de l'âge du bronze, comme plusieurs savants l'ont affirmé au congrès de Stockholm. Les peuples de l'Europe n'étaient pas tous arrivés à la même époque, au même degré de civilisation. Il est admis que l'influence orientale pure et l'influence gréco-étrusque ont laissé des traces dans les pays scandinaves, à deux époques différentes. Il est donc permis de se demander si le reste de l'Europe et la Gaule particulièrement n'ont pas subi cette même influence. La question ainsi posée semble avoir une solution assez naturelle. La dernière période du bronze en Scandinavie correspond, de l'avis de beaucoup d'archéologues, au second âge du fer en Gaule. Il est donc possible que l'influence étrusque se soit simultanément exercée dans diverses régions sur le théâtre de civilisations différentes. Il serait fort intéressant de pousser plus loin les investigations et de rechercher les traces de l'industrie orientale dans les sépultures du second âge de fer ou époque gauloise. Déjà quelques faits paraissent affirmer cet art oriental. Quoi qu'il en soit, que l'influence étrusque ait été précédée ou non d'une influence orientale, elle n'en est pas moins antérieure à la domination romaine. Les archéologues sont cependant partagés sur ce point.

Gerhard prétend que les bronzes étrusques ont été importés en Gaule à l'époque romaine. D'autres refusent de leur accorder une origine étrusque et les rangent parmi les objets d'art fabriqués à l'époque romaine.

La solution de cette question peut être singulièrement facilitée par la comparaison des objets trouvés en Gaule avec leurs similaires provenant des nécropoles de Marzabotto, de Villanova et plusieurs autres de la Haute-Italie. Ces nécropoles sont considérées d'une manière absolue comme pré-romaines. Les travaux si remarquables des savants italiens le démontrent surabondamment. Les objets trouvés en France et en Allemagne, comparés à ceux qui proviennent de la Grande Grèce les ont fait regarder comme provenant de ce dernier pays. Il est donc naturel de les classer dans la même époque et de les regarder comme pré-romains. A quelle cause convient-il d'attribuer la présence des objets de fabrication étrusque? Si l'on admet l'origine pré-romaine de ces objets, on voit immédiatement ce que devient l'opinion des archéologues qui prétendent qu'ils ont été apportés en Gaule par de riches romains collectionneurs. Cette opinion, qui manque d'ampleur, a été du reste combattue victorieusement par le docteur Lindeschmidt, directeur du musée de Mayence. Néanmoins, malgré la défaveur dont elle est l'objet, elle a conservé encore quelques partisans. M. A. de Barthélemy a préconisé une autre explication qui a obtenu un plus grand succès et semble rallier le plus grand nombre. d'archéologues. Il considère les objets de fabrication étrusque comme des importations opérées par les expéditions guerrières. Il est impossible de nier l'importance de cette cause. Les Gaulois, l'histoire en fait mention, ont fréquemment rapporté des butins considérables. Mais, s'ensuit-il que la guerre, toujours accompagnée de troubles,

que la guerre, qui suspend les travaux et le progrès intellectuel, que la guerre, qui accumule les ruines, ait été la cause d'une évolution heureuse dans les arts. Il est difficile de l'admettre. C'est pourquoi d'autres archéologues attribuent au commerce l'introduction des objets de fabrication étrusque. Le commerce lui-même, tel qu'on l'entend dans sa signification absolue, a-t-il pu produire un si grand effet dans les arts? C'est peu probable. Pour expliquer cette imitation dans les formes et l'ornementation, il faut quelque chose de plus que l'introduction d'un butin si considérable qu'on le suppose, quelque chose de plus que le commerce lui-même, car les importations ont souvent pour résultat de paralyser l'industrie indigène dans la production des objets qui sont livrés par l'importation. Il y a lieu de croire que des relations intimes, des formes sociales semblables, une certaine pénétration morale, ont produit cette influence artistique. Nous sommes loin, en préconisant ces explications, de nous égarer dans le domaine des hypothèses, comme on serait tenté de le supposer. Nous trouvons tant d'usages communs entre les Étrusques et les Gaulois, que ces relations étroites, cette pénétration intime que nous indiquions naguère, s'élève à la hauteur d'un fait. Les inhumations des grands personnages n'offrent-elles pas chez les deux peuples un caractère frappant de ressemblance? Ne voyons-nous pas, dans les deux nations, une aristocratie bien constituée ? L'or n'atteint-il pas des deux côtés un degré de pureté qui semble indiquer une pensée commune dans la confection des objets de luxe et la possibilité d'échanges réciproques? Les objets gaulois trouvés dans certaines parties de l'Italie, qui n'avaient jamais été cnvahies, ne prouvent-ils pas des relations intimes? La ressemblance ne se rencontre donc pas seulement dans l'art,

elle apparait aussi dans les usages, dans les formes sociales. Certains cimetières gaulois ont donné aussi des sépultures à incinération. J'ai moi-même trouvé des preuves de l'usage de l'incinération à l'époque gauloise sur le territoire d'Aulnay-aux-Planches. M. Hanusse et M. l'abbé Ménuel ont aussi observé les mêmes faits dans d'autres localités de la Champagne.

Le nombre des sépultures à incinération est certainement plus considérable qu'on ne le croit vulgairement. Elles ont été, il est vrai, remarquées dans une faible proportion parmi les autres sépultures. Mais il convient de constater qu'elles excitent peu la curiosité des chercheurs, parce qu'elles ne renferment pas d'armes, de parures, ni de vases entiers. En outre elles échappent plus facilement. à l'observation.

Les caractères grecs, employés par les Gaulois pour écrire, ne révèlent-ils pas aussi d'anciennes et intimes relations?

L'art étrusque, dont nous avons signalé la présence en Champagne, ne se trouve pas néanmoins circonscrit dans les limites de notre province. Nous avons particulièrement rappelé les faits qui lui sont propres, mais plusieurs autres régions de la Gaule ont donné lieu à des observations qui autorisent les mêmes conclusions. L'étendue territoriale des provinces gauloises et leur distance, ne constituent pas, il est facile de le démontrer, un obstacle au développement et à l'extension de l'industrie tyrrhénienne, car les traces qu'elle a laissées sur les bords du Rhin et bien au delà, sont très-visibles et se peuvent suivre jusqu'en Danemark. M. Engelhardt a rencontré de nombreux produits de cet art, il les a fait connaître en se demandant si réellement ils n'étaient pas des objets étrusques.

Nous avons déjà parlé de la découverte d'Eygenbilsen; c'est là un fait bien connu qui atteste la présence de l'art étrusque dans les provinces les plus éloignées des Gaules. Évidemment l'aspect, la nuance ne se reproduisent pas toujours avec le même caractère d'identité sur tous les points.

M. de Belloguet, dans son Ethnogénie gauloise, fait remarquer qu'il y avait, dans un aussi grand pays que la Gaule, dont une extrémité reflétait la civilisation de Marseille et des colonies grecques, tandis que l'autre touchait à l'état presque sauvage des peuples septentrionaux, bien des nuances intermédiaires.

Les assertions de M. de Belloguet ont été confirmées par des faits nombreux observés sur tous les points des pays formant l'ancienne Gaule. Il serait facile de les réunir et d'établir l'influence étrusque sur l'art gaulois en général.

Lorsque j'ai sommairement exprimé la même pensée sous une autre forme et dans une autre réunion, M. Quicherat a pensé pouvoir articuler: que les détails sur lesquels j'avais basé mon argumentation n'autorisaient pas à préconiser un système. Je ne puis admettre ce raisonnement. Il est au contraire d'expérience que ce sont les détails, les faits bien constatés et multipliés qui servent nécessairement de base à tous les systèmes. En physique, par exemple, comment reconnaît-on l'existence d'une loi, c'est en constatant les détails, les faits qui se reproduisent constamment dans les mêmes conditions. Comment l'archéologue date-t-il un monument? En observant les détails caractéristiques. S'il constate, dans un édifice déshonoré par le temps et les mutilations, des détails d'ornementation propre à une époque archéologique, il rattache naturellement l'édifice à cette période. Pour moi, du reste,

1

« PreviousContinue »