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presque égal, je me suis trouvé son collègue comme correspondant de l'Institut: le lien fut intime entre nous.

Dois-je ajouter que, pendant ces trop courtes années, toujours animé de ce vivace esprit de progrès dout je vous parlais en commençant, nous avons souvent abordé, sous son inspiration, des questions qui ont eu les plus heureuses solutions, mais d'autres qui n'ont pas abouti.

Vous vous rappellerez tous, sans que je m'y arrête, ce que sont devenues les réunions de la Sorbonne, après celles de la rue Bonaparte, où se pressèrent d'abord les délégués de toutes les sociétés littéraires de la France, et vous rappellerez comment il s'est fait que le Bulletin, dont de Caumont m'avait confié la rédaction, a été remplacé par les belles et savantes publications que M. le Ministre de l'Instruction publique poursuit aujourd'hui au nom du gouvernement.

Mais, à côté de ces succès, il y eut aussi quelques échecs. Je n'en citerai qu'un, mais je le citerai par cela même que M. le Ministre, si les circonstances le lui eussent permis, se serait rendu au milieu de nous, et que son hommage public à la mémoire d'un savant dont l'illustration procède directement de la province, eût été, en partie au moins, une réparation au refus que plusieurs gouvernements ont fait de reconnaître les congrès fondés par de Caumont comme une institution d'utilité publique dont il aurait voulu assurer l'avenir d'une manière plus efficace.

Et que lui répondait-on dans les ministères du temps? Que son institution manquait de base, qu'elle n'avait pas de siége constant et assuré.

Ce mauvais propos, souvent adressé à des révolutionnaires d'un nouveau genre, ne pourra plus être tenu, et la statue au pied de laquelle nous nous trouvons aujourd'hui dira à tous qu'une partie considérable de l'avenir scientifique de notre pays est dévolue aux travailleurs de la province, et que, dans la mesure de leurs forces, ils n'auront qu'à suivre l'exemple que le maître leur a laissé.

Toast de M. le comte de Toustain, président de la 2o section de la Société d'agriculture, sciences, arts et belleslettres de Bayeux.

MESSIEURS,

S'il est un doux spectacle pour les habitants de Bayeux, certes, c'est de voir dans ces jours de fètes, destinés à honorer la mémoire d'un de ses plus dignes enfants, accourir dans les murs de notre ville aimée l'élite des sociétés savantes, de ces sociétés dont M. de Caumont fut un des plus actifs fondateurs.

Ce puissant initiateur a donné une telle impulsion à toutes les aspirations vers les progrès intellectuels et matériels dans les genres souvent les plus opposés géologie, archéologie, botanique, agriculture, histoire, que ces aspirations ont senti le besoin de se grouper, de s'étendre, de se communiquer leurs pensées, leurs études, leurs découvertes (les vraies joies du travailleur et sa meilleure récompense), en sorte que nous assistons aujourd'hui, Messieurs, à un congrès composé des députations de ces sociétés, véritables académies provinciales qu'il suffit d'énu mérer pour en être émerveillé :

Société linnéenne,

Société des Antiquaires de Normandie,

Association normande,

Société française d'Archéologie,

Institut des provinces.

Vous avez tous ici vos représentants.

La ville de Bayeux a compris l'honneur qui lui était fait et, par un élan spontané de ses habitants, elle s'est parée de la manière la plus élégante, la plus gracieuse, pour vous faire, Messieurs, le meilleur accueil. Les vieilles maisons se sont trouvées décorées avec goût, et tel manoir antique, lassé de défendre

contre les outrages du temps et des destinées modernes les festous de pierre de ses jours de fêtes d'autrefois, est bien étonné de se voir ainsi rajeuni et se demande si de meilleurs jours ne sont pas revenus. Vous nous les rappelez, Messieurs, par votre amour pour la reconstitution du passé, pour la conservation des monuments qui, par leur architecture ou leurs souvenirs, sont dignes d'être classés parmi les gloires de la France.

Au commencement de ce siècle, le souffle de la poésie archéologique naquit de la lecture des pages du Génie du Christianisme, et si Châteaubriand sut ranimer les études en émouvant nos cœurs, Victor Hugo, plus tard, oh! dans son bon temps, sous la forme romantique la plus attrayante, nous inspira le goût de fouiller le moyen âge dans les Mémoires alors oubliés de l'Académie des Inscriptions, dans les travaux des Lebœuf, des Bonamy et de cette grande congrégation religieuse de Saint-Maur, travaux qu'il faut toujours relire, si l'on veut se appeler.

Je crois, Messieurs, qu'il faut être éclectique, si l'on veut être heureux. Et j'en ai la preuve, comprenant que dans cette réunion d'intelligences d'élite que nous avons le bonheur de posséder aujourd'hui, je me sens à l'aise, persuadé que sur les sujets les plus divers, je trouverais parmi vous la réponse à mon ignorance qui vous interrogerait.

Hélas! nous ne pouvons pas tout savoir. Un excellent poëte de nos jours nous en a consolés dans des pages charmantes publiées tout récemment en s'écriant:

Et l'unique bonheur auquel on peut prétendre

En ce monde est de croire, et non pas de comprendre.

Que ces vers nous consolent de notre infériorité relative. Mais permettez, en l'absence de notre vénérable président général, à l'humble président de la section des sciences, arts et belleslettres de Bayeux, de porter au nom de cette Société un toast à toutes ses sœurs aînées qu'elle a eu le bonheur de convier ici. Je bois à la durée de toutes les Sociétés fondées par M. de

Caumont et à la santé de leurs dignes représentants ici pré

sents.

M. G. Villers, comme secrétaire du comité d'érection du monument, a pris ensuite la parole en ces termes :

MESSIEURS,

Au Secrétaire du Comité institué pour l'érection du monument d'Arcisse de Caumont, incombe aussi un devoir à remplir: celui de remercier avec effusion tous ceux qui ont bien voulu apporter leur concours à notre œuvre, placée sous le patronage de l'État, de l'Église, des Sciences, des Arts, de tous ceux enfin qui ressentent, dans leur cœur, les nobles sentiments que Dieu y a placés.

Merci donc à vous tous, qui des divers points de l'Europe avec tenu à offrir votre pierre pour le monument, qu'aujourd'hui nous avons si brillamment inauguré!

Merci à vous, mandataires de l'autorité, prêtres du sanctuaire, représentants des lettres, des sciences et des arts, qui avez honoré de votre présence cette journée, désormais inscrite en caractères ineffaçables dans les annales de notre vieille cité bayeusaine!

Merci aussi à vous, représentants de la presse, qui avez bien voulu assister à nos fètes, pour vous en faire les éloquents chroniqueurs!

Mais merci surtout à vous, chers concitoyens, qui, vous associant à nos joies, n'avez rien épargné pour recevoir dignement des hôtes venus pour honorer avec vous la mémoire d'une illustration sans tache!

Merci encore à ceux que la distance, ou les exigences de leur situation, ont empêché de se réunir à nous!

Le succès ne doit jamais annihiler la reconnaissance : aussi ne devons-nous pas oublier les absents.

Merci donc à MM. de Fourtou et de Cumont, qui placés suc

cessivement au ministère des Beaux-Arts, dont un tour de roue de la fortune inconstante les a fait descendre, furent pour notre entreprise si bienveillants et si généreux !

Merci à M. de Chennevière, qui, dans la haute position qu'il occupe, n'a jamais oublié qu'il est un enfant du pays.

Merci à ces grandes illustrations européennes les Rossi, les Ménabrea, les Demolombe, les Reischenperger, les Egger, les Quast, dont les encouragements ont été pour nous une force!

Merci à ces dignes représentants d'une nation amie, qui, venant en ce jour s'asseoir à l'ombre de notre drapeau, se sont ressouvenu et nous ont rappelé que le sang anglo-normand, qui coule dans leurs veines, est le même que celui qui fait battre nos cœurs!

Enfin merci au ministre archéologue, qui, proclamant le mérite de celui dont les livres contribuèrent à lui ouvrir l'entrée d'une carrière si brillamment parcourue, avait promis d'apporter à l'inauguration de la statue d'Arcisse de Caumont un éclat officiel qui eût été le couronnement de nos efforts; intention dont nous lui serons toujours reconnaissant!

Messieurs, au nom du Comité dont je me rends l'interprète, je résume ainsi mon toast de reconnaissance :

A tous nos coopérateurs!

M. Niobey, maire de Bayeux, visiblement fatigué et souffrant, a exprimé en ces termes la reconnaissance de la ville de Bayeux.

MESSIEURS,

Je ne devais pas prendre la parole, l'état de souffrance où je suis s'y opposait. Il me sera bien difficile de me faire entendre. Mais on a adressé à la ville des compliments que je ne puis laisser passer sans réponse.

Ma participation à ces solennités fut tout d'abord un acte de soumission au devoir. Être appelé à préparer des fêtes me sem

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