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dans le moment où nous sommes, que l'archéologie, plus encore que l'histoire et la poésie, tend à l'affirmation de la nationalité et à son développement. Aussi bien la cérémonie à laquelle nous sommes aujourd'hui conviés, avant d'avoir le caractère d'un acte de justice, apparaît aux yeux de tous comme une manifestation éminemment patriotique, dans le sens le plus pur et le plus élevé d'un mot trop souvent profané.

Discours de M. de Beaurepaire, secrétaire de la Société des Antiquaires de Normandie.

MESSIEURS,

La Société des Antiquaires de Normandie ne pouvait pas se désintéresser d'une pareille solennité, et elle a tenu à venir aujourd'hui apporter un derbier hommage à la mémoire de votre illustre compatriote.

Fondée en 1814, elle a été organisée en grande partie par ses soins pendant dix-huit ans elle a grandi et prospéré sous son active et féconde impulsion, et plus tard, à deux reprises, en 1849 et en 1871, elle a fait appel à ses lumières et à son dévouement en le plaçant à sa tête comme directeur.

Permettez-moi d'ajouter que ce fut dans ses Mémoires que parut l'Essai sur l'architecture religieuse, destiné à un si grand retentissement, et qui contient en germe tout le système de classification qu'Arcisse de Caumont devait développer plus tard. Ce sont là des souvenirs dont notre compagnie est justement fière et que nous ne saurions jamais oublier.

A la fin de l'année 1844, le temps écoulé, des entreprises nouvelles, peut-être aussi certaines divergences de vues relâchèrent des liens qui avaient été à l'origine si étroits; mais ils ne furent jamais brisés, et lorsqu'en 1871, au milieu des tristesses et des découragements de cette époque néfaste, M. de Caumont prit, pour la dernière fois, la parole au milieu de nous, nous le retrouvâmes hardi, résolu, l'esprit rempli de

projets, rendant justice sans effort aux illustrations contemporaines et prodiguant à tous les conseils de sa vieille expérience et les encouragements de sa persévérante amitié.

A présent que le sol est bien préparé, nous disait-il, il faut lui faire produire des moissons plus abondantes; il nous faut faire pénétrer plus profondément dans la société les notions historiques et archéologiques; il faut qu'elles entrent dans l'éducation du peuple; il faut que nous développions dans les esprits l'amour du sol natal, rendu plus vif par la connaissance des faits qui l'ont illustré; il faut que nous retrouvions cette initiative que la centralisation a éteinte et sans laquelle nos efforts seraient impuissants.

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Ces paroles simples et graves contiennent tout un programme. Notre Société s'est toujours efforcée de le suivre. En marchant résolûment dans cette voie, nous servirons, Messieurs, les intérêts de cette province de Normandie que nous aimons tous, et nous honorerons en même temps la mémoire de l'illustre archéologue et de l'homme de progrès dont nous inaugurons aujourd'hui la statue.

Discours de M. Druilhet-Lafargue, secrétaire général de l'Institut des provinces.

MONSEIGNEUR,

MESSIEURS,

L'heure de la récompense est enfin venue.

L'illustre fondateur de l'Institut des provinces de France reçoit aujourd'hui de ses concitoyens un éclatant et solennel hommage, auquel, du reste, se sont associés les représentants du pouvoir.

Il appartenait à une bouche plus autorisée que la mienne de dire quel fut le but de M. de Caumont lorsqu'il créa notre association. Je n'ai pas à le rappeler: mieux que personne vous

le savez. Mais ce qu'il importe d'affirmer ici, c'est que l'œuvre du Maître a trouvé et trouvera en ceux à qui il l'a léguée les disciples les plus respectueux et les plus absolument dévoués!

Certes, Messieurs, ils ne se sont pas dissimulés la lourde tâche qui leur incombait, mais, revenant quelque peu en arrière, ils ont pu voir M. de Caumont, lui-même, aux prises avec les difficultés de toutes sortes dont nous devons oublier en ce jour jusqu'à l'amer souvenir, pour parler seulement du savant décentralisateur, qui sut si dignement les surmonter.

Sous les divers gouvernements que notre pays s'est donné depuis près de cinquante ans, afin, sans doute, d'acquérir des libertés plus nombreuses ou des droits nouveaux, M. de Caumont lutta toujours pour la défense de la liberté individuelle, pour la loyale expansion de l'initiative privée. En revendiquant, pour les associations scientifiques qui en sont l'émanation la plus pure, leur protection par l'État et leur développement par les citoyens, il voulut l'indépendance absolue; car, ne l'oubliez pas, Messieurs, jamais les associations scientifiques ne progressent lorsqu'elles sont les instruments serviles d'un pouvoir centralisateur.

Notre Association, indépendante et libre, a vu se succéder bien des hommes, bien des régimes, bien des lois (des lois dont quelques-unes n'auront peut-être pas l'honneur d'un loyal essai), et cependant elle est restée inébranlable sur ses bases, alors que bien d'autres institutions croulaient autour d'elle! Elle est restée, Messieurs, parce qu'elle possédait cette liberté d'action qui ne paralysa jamais sa marche ascendante vers le mieux et vers le bien! Elle fut tolérée, parce que pendant un demi-siècle elle déploya le drapeau de la science sous les cieux les plus divers de notre pays; elle l'est encore, parce que partout on retrouve le souvenir de ses assises et de ses congrès scientifiques, et que, d'ailleurs, la vivacité de l'allure n'a jamais exclu chez elle la pureté de l'intention et la courtoisie des débats Mais, depuis ce demi-siècle, les hommes jeunes alors, qui s'étaient groupés autour de M. de Caumont pour l'aider dans son immense entreprise, ont vu décroître leurs forces et

blanchir leurs cheveux: l'Institut des provinces de France n'avait plus cette activité féconde qui lui avait permis de voir se succéder tant de brillantes étapes!

Ils avaient parcouru une carrière de travail les dévoués collaborateurs de M. de Caumont; mais le Maître était là! Aujourd'hui il a disparu, et le moment du repos est arrivé pour beaucoup de ses zélés coopérateurs!

Certes! l'Institut des provinces de France pouvait bien voir une période de calme, pourquoi ne le dirai-je pas, une période d'affaissement, succéder aux agitations de sa vie militante! mais il devait lui être donné aussi de voir se lever un jour ceuxlà qui formaieut « la pépinière de l'illustre, de l'infatigable semeur! >

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Je le disais avant-hier, permettez-moi de le redire ici en terminant: « Sous les chauds rayons de notre soleil méridional, l'âme s'ouvre toute grande aux nobles et saintes causes; l'Institut des provinces de France est de celles-là!» Son passé sera la lumière qui le guidera à travers les difficultés du temps présent, tout en lui permettant de préparer son avenir, et il n'aura garde d'oublier la philosophique devise que M. de Caumont lui donna :

« Semons, marchons toujours, récoltera qui pourra. »

Discours de M. du Chatelier, correspondant de l'Institut, ancien secrétaire général de l'Association bretonne.

MESSIEURS,

Breton, et l'un des fondateurs de l'Association bretonne, créée à l'exemple de celle de la Normandie, riche de tant de beaux résultats, je ne puis prendre part à la cérémonie qui vous réunit aujourd'hui sans vous demander la permission de vous entretenir un instant de tout ce que nous devons à votre illustre compatriote.

XLII SESSION.

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Sa renommée, ses services et le concours dévoué que vous avez donné à son œuvre, dès le premier jour, étaient arrivés à notre connaissance, quand nous eûmes l'idée, en 1843, de fonder, pour les cinq départements de la Bretagne, une œuvre pareille à la vôtre.

A notre premier appel, de Caumont vint à nous, nous éclaira de son expérience, nous fortifia de ses conseils, et nous eûmes la joie de le retenir à Vannes, près de nous, pendant plusieurs jours.

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notre programme

nous n'en rencontrâmes

Classés comme des réformateurs ardents, n'était cependant pas bien alarmant, pas moins des obstacles difficiles à franchir. Nous étions allés, en fait d'innovation, jusqu'à demander la création d'un ministère spécial d'agriculture. Le préfet du Morbihan, très-aimablement courtois, mais pourvu d'instructions formelles, n'hésita pas à qualifier notre demande d'audacieuse, si ce n'est même de révolutionnaire; et sans la parole autorisée de votre maître, devenu le nôtre, la proposition eût évidemment avorté... Mais le succès de la journée nous resta et fut ratifié par cinquante souscriptions nouvelles.

Comme vous le pensez bien, nous poursuivîmes vivement notre œuvre révolutionnaire, et vous et nous avons eu depuis un ministre spécial de l'agriculture, des concours régionaux, dont nous avons donné les premiers l'exemple, des médailles et des prix généreusement accordés à ceux que nous désignions à la juste attention des dépositaires de l'autorité.

Je n'ai pas, sans doute, à vous apprendre que celui auquel nous élevons aujourd'hui une statue, rallia promptement en Bretagne, autour de sa pensée et de sa personne, autant de cœurs et de sympathiques dévouements qu'il en avait trouvés auprès de vous dans sa chère Normandie.

A partir de ce jour, et après lui avoir touché la main une première fois sur la route d'Auray à Vannes, revenant de la å grotte de Germiny qu'il était allé visiter, je lui suis resté cordialement attaché, et je l'ai suivi pendant plus de trente ans. comme un lieutenant fidèle. Pendant un nombre d'années

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