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Discours de M. le comte de Perthuis, préfet du Calvados.

MONSEIGNEUR,

MESSIEURS,

Il est peu d'hommes dont la vie ait été plus complétement, plus utilement remplie que celle de M. Arcisse de Caumont. Il en est peu dont l'action personnelle, circonscrite dans le domaine de la science, de l'agriculture et des arts, ait exercé aussi loin la bienfaisante influence de ses enseignements, de ses exemples, et j'oserai dire de ses entraînements; elle s'est étendue de son pays natal, cette belle et riche Normandie, à la France tout entière et au-delà.

Doué d'une prodigieuse activité, d'une persévérance à toute épreuve, véritable initiateur, progressiste ardent, il avait la foi qui s'impose, et ce feu sacré, cette étincelle qui éclaire et qui donne la vie.

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Je laisse à d'autres plus autorisés, plus compétents, car ils ont été ses collègues ou ses amis, ses collaborateurs ou ses disciples, ils ont eu l'insigne honneur de le connaître, la bonne fortune de l'approcher, le regret de le perdre, je laisse à d'autres le soin de raconter la vie de l'éminent archéologue, de vous dire tout ce qu'il a fait et créé, de vous parler de ces associations fécondes dont il a été le fondateur. Je ne puis cependant nommer M. de Caumont sans rappeler en quelques mots, les services rendus par la Société des Antiquaires de Normandie et par l'Association normande.

Peu de pays possèdent un aussi grand nombre de monuments que la France; aucun n'en a de plus variés de style et de caractère. Les efforts du gouvernement, les savants travaux de la Commission des Monuments historiques, l'action administrative n'auraient pas suffi à les préserver en grand nombre de la mutilation et de la ruine. Il fallait aussi le concours d'associations libres, puissantes par leur organisation, par le nombre et la valeur de leurs membres, par leurs ramifications et leurs attaches,

pour vulgariser le goût de l'art et l'amour du beau, pour répandre dans le public des notions vraies sur la valeur des constructions antiques.

Les Sociétés des Antiquaires de Normandie, dont M. de Caumont a été, comme secrétaire, un des membres les plus utiles et le véritable fondateur en 4823, figure au premier rang de celles qui se sont formées, tant par son ancienneté que par l'importance qu'elle a su promptement acquérir. Dès 1830, le ministre de l'intérieur, c'était alors M. Guizot, reconnaissant l'efficacité de son concours, recommandait aux préfets de favoriser, dans leurs départements, la formation de réunions analogues.

A d'autres titres, l'Association normande a des mérites égaux, les mêmes droits à la reconnaissance de tous.

Créée dans le but d'encourager l'industrie agricole, manufacturière et commerciale, les beaux-arts, les sciences et les belles. lettres, etc., elle n'a cessé, depuis quarante-quatre ans, de poursuivre son œuvre de moralisation et de progrès. Par ses enseignements et par ses conseils, comme par les récompenses qu'elle a distribuées annuellement dans ses concours provinciaux, avec tant de largesse et de discernement, et qu'elle va distribuer encore aujourd'hui, elle a contribué à améliorer le bien-être général, à développer le goût de l'étude, à conserver et à augmenter aussi les richesses de notre pays.

La première part de ces succès revient encore à M. de Caumont, dont M. de Montalembert a dit au Congrès archéologique de 1844:

« Le premier, lorsque nous étions tous, les uns dans l'enfance, les autres dans l'ignorance, il a rappelé, en quelque sorte, à la vie l'art du moyen âge, a tout vu, tout étudié, tout décrit. Il a plus d'une fois parcouru la France entière pour sauver ce qui pouvait être sauvé, et pour découvrir, non-seulement les monuments, mais, ce qui était plus rare encore, les hommes qui pouvaient les aimer et les comprendre; il nous a tous éclairés, encouragés, instruits et rapprochés les uns des autres. Qui pourrait dire les obstacles, les dégoûts de tous genres contre lesquels il a dû lutter pendant cette laborieuse croi

sade de vingt-cinq années ?... Sachons lui en tenir compte par notre affection, notre respect et notre reconnaissance !... >> L'affection des collaborateurs de M. Arcisse de Caumont, la reconnaissance de ses concitoyens et le concours du gouvernement de la République ont permis, Messieurs, de réaliser enfin

ce vœu.

On vient de découvrir devant vous, au milieu de sa ville natale, la statue de l'illustre archéologue, hommage bien dû à la mémoire de celui dont l'initiative puissante et l'infatigable apostolat ont doté notre pays de tant d'œuvres qui survivent à leur fondateur, hommage aussi, permettez-moi de le dire, à tous ceux, si nombreux dans cette enceinte, qui l'ont aidé dans l'accomplissement de sa grande et laborieuse tâche.

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Discours de M. Pilet des Jardins, député de Bayeux.

MESSIEURS,

Autour de cette statue, les voix les plus autorisées et les plus compétentes viennent de dire, pour la postérité, ce que fut le grand œuvre accompli, pendant un demi-siècle, par Arcisse de Caumont.

Qu'il soit permis à l'arrondissement qui a vu naître ce savant éminent, d'exprimer, lui aussi, les sentiments d'admiration qu'il éprouve pour l'un de ses plus illustres, et, en même temps, l'un de ses plus modestes enfants!

Et ces sentiments n'éclatent-ils pas, de la manière la plus éloquente, par l'enthousiasme que montrent en ce moment nos populations, d'ordinaire si calmes et si paisibles!

C'est qu'en effet, Arcisse de Caumont a grandement honoré son pays d'origine par l'influence si légitime et si efficace qu'il a exercée sur ses contemporains, non-seulement dans notre Normandie, mais encore dans la France entière et à l'étranger.

Le premier en France, il a démontré, par sa vie tout entière, ce que peut produire l'initiative privée quand elle est soutenue 34

XLII SESSION.

par une foi robuste dans l'œuvre qu'elle poursuit, par une activité incessante et par une persévérance à toute épreuve.

Admirateur convaincu des monuments religieux et civils que l'antiquité et le moyen âge nous ont légués, doué d'un esprit de méthode remarquable, il crée l'archéologie en France.

Mais il comprend que là ne doit pas s'arrêter son œuvre; il faut que ces monuments soient conservés et respectés, il faut qu'ils se survivent, en quelque sorte, car ils sont des enseignements vivants pour les générations à venir.

Avec quelle énergie, quelle ardeur, il parcourt la France, luttant contre le vandalisme des uns et l'indifférence des autres !

Mais, seul, que pourra-t-il en présence d'une tâche aussi lourde?

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C'est alors que, nouvel apôtre, employant tantôt la plume dans ses nombreux ouvrages, tantôt la parole dans son cours public et dans ces congrès qu'il va présider dans toutes les régions de la France et à l'étranger, — appelant à son aide la force collective de l'association dans la création de toutes ces illustres sociétés qui continueront son œuvre, Arcisse de Caumont entreprend son grand travail de la vulgarisation de la science de l'archéologie.

«Je travaille, disait-il dans un de ses ouvrages, avec cette exquise modestie qui le caractérisait, je travaille pour ceux qui ne savent rien, pour ceux qui n'ont pas encore épelé dans les grands livres... »

Et il a ainsi répandu le goût du bon, du beau et du vrai; il a rendu l'archéologie populaire, et avec elle et par elle, il a développé le respect du passé... du passé, Messieurs, que nous devons prendre garde d'oublier ou de dédaigner dans tout ce qu'il a eu de grand, de national et de chrétien; du passé, dont Dieu nous a confié le dépôt et dont les enseignements doivent nous guider dans les temps de transformation politique que nous traversons depuis le siècle dernier.

L'action d'Arcisse de Caumont sur son époque aura eu, Messieurs, ce caractère particulier que, procédant des choses du

passé, elle répond merveilleusement aux besoins du présent et aux nécessités de l'avenir.

Quel homme a fait plus d'efforts pour répandre en France le goût des études sérieuses?

Qui, plus que lui, a constamment recherché la décentralisation intellectuelle, littéraire et scientifique, par tous les moyens en son pouvoir?

Qui a mis en évidence la puissance de l'initiative privée, dans un pays si enclin à tout demander à l'initiative de l'État?

Qui a plus fait pour le rapprochement des hommes dans notre France, hélas! encore si divisée par les partis politiques?

Dans son amour pour l'union de tous, les frontières de notre patrie ne peuvent l'arrêter, et la statue de cet homme de bien, qui fut l'ami des Humboldt et des Boch, est saluée, à son inauguration, par d'illustres étrangers venus de divers points de l'Europe!

Oui, Messieurs, notre arrondissement s'enorgueillit avec raison d'avoir vu naître cet homme de bien, cet homme de science, de progrès et de concorde!

Pays essentiellement agricole, il lui doit une reconnaissance particulière. Peut-il oublier avec quelle sollicitude Arcisse de Caumont s'appliqua, durant toute sa vie, à faire progresser l'agriculture?

N'est-ce pas lui qui, le premier, en créant l'Association normande, il y a plus de quarante années, a stimulé, par des récompenses décernées avec éclat, le zèle des habitants des campagnes pour la plus utile des industries? N'a-t-il pas, le premier, encouragé l'enseignement agricole dans nos écoles primaires? N'a-t-il pas cherché à combattre la dépopulation de nos communes rurales, cette plaie de l'agriculture?

Et qui ne se rappelle avec quelle autorité il représenta notre département au conseil général de l'agriculture, où il fut appelé dès 1841 ?

MESSIEURS,

A la vue de cette statue, ne cessons jamais de nous inspirer des exemples que nous a légués Arcisse de Caumont !

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