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INAUGURATION

DE

LA STATUE D'ARCISSE DE CAUMONT

L'inauguration de la statue d'Arcisse de Caumont a eu lieu, à Bayeux, le 15 juillet dernier, au milieu des fêtes que la municipalité avait magnifiquement préparées, et qui se sont accomplies suivant le programme publié dans le dernier numéro du Bulletin monumental.

Nous avons hâte de le dire, jamais hommage plus éclatant n'a été rendu à un citoyen, avec un élan de sympathie plus générale, avec un enthousiasme plus significatif; jamais une preuve plus éloquente n'a été donnée de cette vérité qu'un pays ne saurait mieux s'honorer luimême qu'en honorant le souvenir des hommes qui font sa gloire !

Dès le mercredi, 13 du mois, la ville avait revêtu un air de fête qu'on ne lui avait jamais vu. Les décorations de feuillages et de fleurs, les arcs de triomphe dressés dans différents quartiers, le mouvement inusité des étrangers dans les rues, les oriflammes et les drapeaux qui s'étalaient gaiement depuis les habitations les plus modestes jusqu'au faite de la cathédrale, tout annonçait que la cité bayeusaine était en grande liesse. Mais, spectacle bien plus touchant encore et qui reposait l'esprit de la façon la plus salutaire au milieu des agitations trop

souvent irritantes de notre époque, sur tous les visages, au fond des cœurs, se lisait l'union des sentiments de la reconnaissance, du respect et de l'affection pour celui qui, encore présent au souvenir de tous, était le sujet de cette démonstration essentiellement patriotique.

Les différentes institutions fondées par l'éminent archéologue étaient représentées par un grand nombre de leurs membres, arrivés de divers points de la France. On sait aussi que l'Association normande, dirigée par M. de Glanville, avait choisi la ville de Bayeux pour tenir cette année son congrès pendant la semaine de cette inauguration.

M. Wadington, ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, dont la qualité de membre de l'Institut de France et la réputation de savant archéologue auraient ajouté un double intérêt à cette cérémonie, s'était fait excuser la veille de ne pouvoir venir, à son grand regret, comme il se proposait de le faire, témoigner. par sa présence de l'estime qu'il professait pour les travaux et les mérites du propagateur des études archéologiques en France. M. le comte de Perthuis, préfet du Calvadɔs, avait été chargé de le remplacer.

A dix heures du matin, le samedi, grand jour de l'inauguration, MM. les invités et fonctionnaires envahissaient les beaux salons de l'hôtel de ville, où ils étaient gracieusement reçus par M. Niobey, maire de Bayeux, M. G. Villers, adjoint. Dans cette nombreuse assistance, on remarquait M. le comte de La Loyère, colonel du 2e cuirassiers, et M. le comte du Moncel, membre libre de l'Institut de France, deux neveux d'Arcisse de Caumont; MM. Léopold Delisle, membre de l'Institut, administrateur-directeur de la Bibliothèque nationale, Douesnel, ancien député, président du Comité pour l'érection du

monument, de Glanville, directeur de l'Association normande, Léon Palustre, directeur de la Société française d'Archéologie, Le Harivel-Durocher, l'habile et sympathique sculpteur, auteur de la statue, de La Sicotière, sénateur de l'Orne, Pilet des Jardins, député de l'arrondissement de Bayeux, sir John Parker, commandeur de l'ordre du Bain, l'érudit archéologue d'Oxford, l'abbé Le Petit, secrétaire général de la Société française d'Archéologie, E. de Beaurepaire, conseiller à la cour d'appel de Caen, secrétaire de la Société des Antiquaires de Normandie, Gaugain et Campion, exécuteurs testamentaires de M. de Caumont, Druilhet-Lafargue, secrétaire général de l'Institut des Provinces, du Chatelier, membre correspondant de l'Institut de France, de La Mariouze, le comte de Toustain, membre du conseil général du Calvados, Hébert du Perron, inspecteur de l'Académie de Caen, Bataillard et Héron de Villefosse, de la Société des Antiquaires de France, de Thiac, président de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Charente, de Liesville, le commodore Saumarest, le colonel Howel, commandant le régiment d'infanterie de Kent, le révérend ministre Le Maitre, le major Dorey, sir Mallet et sir Labbey, de la Société royale d'Agriculture de Jersey, Bouet, G. Le Vavasseur, secrétaire général de l'Association normande, le comte Du Manoir de Juaye, de Rampan, le comte de Pontgibaud, membre du Conseil général de la Manche, l'abbé Decorde, Julien Travers, conservateur de la bibliothèque de Caen, Quénault, ancien sous-préfet de Coutances, Le Royer, maire de Vincennes, Monnin-Morière, secrétaire de la Société linnéenne de Normandie, de Bonnechose, Chatel, archiviste du Calvados, des VauxSavouré, Formigny de La Londe, Hervé, directeur de la Gazette des Campagnes, plusieurs représentants de la

presse parisienne et d'autres personnages dont il est impossible de donner la trop longue énumération.

M. le comte de Mellet, président honoraire de la Société française d'Archéologie, retenu chez lui pour des raisons de santé, avait exprimé par lettre ses regrets de ne pouvoir assister à la solennité, et s'était associé, dans les termes les plus sympathiques, à l'hommage général.

A dix heures et demie, le cortége, ayant à sa tête M. Niobey et M. Douesnel, et composé d'environ cinq cents personnes, s'est rendu à l'hôtel de la sous-préfecture pour y chercher M. le préfet, président de la cérémonie. De là il s'est dirigé vers la cathédrale, où, après avoir été reçu par Mgr l'évêque de Bayeux, entouré de son chapitre et de tout le clergé de la ville, il a pris place dans le transept et une partie de la nef, pendant que le reste de l'édifice était occupé par une compacte affluence.

Une messe en musique de Diestsch a été chantée par la maîtrise, sous l'habile direction du maître de chapelle, M. l'abbé Capard, avec le concours de la Société philharmonique, de l'orphéon de Bayeux et de la musique d 36° de ligne. Le grand orgue aussi a fait entendre ses accents les mieux inspirés sous les mains de M. Escudié.

Jamais, assurément, solennité religieuse ne s'était aussi bien harmonisée avec les splendeurs incomparables de l'imposante basilique. Il semblait que les voûtes de la vieille cathédrale normande s'animaient pour se faire l'écho de cet hymne de reconnaissance et d'hommage en l'honneur de Celui qui, si souvent, avait pris la défense du noble édifice contre les injures du temps et les menaces des hommes, et qui, sans préoccupations d'étroites limites. de territoire, confondait, dans la même admiration et le mème amour, tous les monuments épars sur le sol de notre France, qu'il a si puissamment contribué à faire

aimer, en nous faisant apprécier les merveilles architecturales qui racontent son histoire.

A l'issue de la messe, Mgr l'évêque, de son trône épiscopal, a prononcé une allocution qui a vivement impressionné l'assemblée, et par laquelle, avec la haute antorité de son caractère, il a rendu un éclatant hommage au maitre de l'archéologie française et reconnu les services que lui doit la restauration de l'art chrétien.

En sortant de l'église, le cortége est venu prendre place dans la cour de l'hôtel de ville, où l'a rejoint Mgr l'évêque, devant la statue, dressée sur son élégant piédestal de granit. Bientôt le voile qui la recouvrait est tombé au bruit des salves d'artillerie, aux acclamations et aux saluts de l'assistance. Alors M. le préfet a prononcé un discours dans lequel il s'est attaché à retracer rapidement la vie laborieuse et l'importance des œuvres de l'homme dont les traits, fidèlement reproduits dans le marbre, passeront désormais à la postérité; puis il a donné successivement la parole à M. Pilet des Jardins, député de Bayeux, à M. de Glanville, directeur de l'Association normande, à M. Léon Palustre, directeur de la Société française d'Archéologie, à M. de Beaurepaire, secrétaire de la Société des Antiquaires de Normandie, à M. C. DruilhetLafargue, secrétaire général de l'Institut des provinces, en l'absence regrettée de M. le comte de Toulouse-Lautrec, directeur de cette compagnie, à M. du Chatelier, membre correspondant de l'Institut de France, directeur de l'Association bretonne. Ces orateurs ont lu des discours, chaudement applaudis, que l'on trouvera plus loin et qui résument les caractères les plus saillants de la complexe personnalité du grand initiateur, archéologue avant tout, ami des arts et des sciences, savant naturaliste, géologue, agronome, infatigable fondateur des congrès.

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