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XII, caractérisée, comme la cathédrale de Noyon, par le mélange du roman et de l'ogival. Une grande nef, séparée de deux basses nefs par des arcs aigus; un transept faisant saillie; un chœur aussi haut que les nefs, accompagné d'un collatéral avec quatre chapelles rayonnantes, de forme demi-circulaire; un triforium qui était ouvert sur la grande nef et le chœur, par des arcades romanes, géminées et tripartites, formant claire-voie, mais aujourd'hui bouchées dans la nef et encore ouvertes dans l'abside; un second étage de baies rectangulaires également fermées; une large corniche à modillons, au-dessus de laquelle s'ouvrent des fenêtres en plein cintre; des voûtes reposant sur des nervures croisées qui, dans l'abside, sont chargées d'une exubérante décoration de zigzags, rosaces, têtes et fleurons; une vigoureuse ornementation en dessins géométriques, répandue sur les ogives du rez-de-chaussée du chœur; telles sont, à première vue, les dispositions les plus saillantes et les principaux détails de cet imposant vaisseau, qui mesure soixante-huit mètres de long, dixhuit mètres de large, comprend huit travées à la nef, sept au chœur et à l'abside, est supporté par soixante-deux piliers isolés ou engagés et reçoit la lumière par cinquante-quatre fenêtres.

De très-nombreuses descriptions ont été données de l'église de Saint-Germer. Nous citerons seulement la note. publiée par M. de Caumont dans le Bulletin monumental, t. VI, p. 162; le mémoire de M. l'abbé Bourgeois, inséré au même Bulletin, 1847, t. XIII, p. 55; la notice accompagnée de nombreux dessins, de M. Eug. Woillez, dans son grand ouvrage sur l'Archéologie des monuments religieux de l'ancien Beauvoisis, et l'article de M. l'abbé Corblet, dans le t. V, 1842, des Mémoires de la Société des Antiquaires de la Picardie.

Parmi les objets qui enrichissaient et ornaient jadis l'église de Saint-Germer, on voit encore de belles pierres tombales, la grille du XIIIe siècle installée autour du chœur, élégant modèle de ferronnerie de cette époque, et son autel du XIIe siècle, nouvellement restauré, ayant conservé la curieuse corniche qui soutient sa table, et bien connu par les dessins qu'en ont donné MM. Albert Lenoir, de Caumont, Woillez, et d'autres encore.

M. Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire d'architecture, a cité, a analysé et dessiné plusieurs détails de l'église de Saint-Germer et particulièrement la galerie de son triforium (1), en faisant observer que cette église, en retard sur celle de Saint-Denis et sur les cathédrales de Noyon, de Senlis et de Paris, fait partie d'une école qui tient encore par bien des points au système roman. Ainsi la galerie du triforium est encore voûtée à la romaine avec arcs doubleaux en plein cintre, et elle sert à maintenir dans leur aplomb vertical les grands murs que les architectes commençaient alors à élever, pour ouvrir sous les nouvelles voûtes, dans les tympans, des fenêtres destinées à éclairer plus abondamment le vaisseau central. Cette galerie était surmontée aussi d'un comble qui recouvrait des arcs-boutants dont la fonction était également de maintenir la poussée des voûtes hautes.

Mais il ne faut point chercher dans l'édifice actuel tous les éléments constitutifs de la première construction. Sans parler des retouches qu'ont subies le collatéral sud et le transept nord, ni des voûtes en bois peint qui, aux premières travées, ont remplacé les voûtes de pierre, ni de la disparition des tours de la façade qui est en partie moderne et se trouvait précédée d'un porche, ce magnifique

(1) Voir le mot triforium.

vaisseau présente un état d'abandon qui produit un déplorable contraste avec les proportions de son harmonieuse et grandiose conception. Il est encore tel, ou peu s'en faut, qu'il était en 1846, lorsque l'attention du gouvernement fut attirée sur l'édifice par une sollicitude à laquelle la Société française d'Archéologie ne fut point étrangère. On peut lire dans le Bulletin monumental, XII, 1846, p. 622, et XIII, 1847, p. 55, 390, la correspondance à ce sujet entre M. de Caumont et M. le ministre de l'intérieur, ainsi que l'historique des différentes phases de cette affaire, dont le résultat, à la suite du rapport des architectes de la Commission des Monuments historiques, en présence du délabrement de l'édifice et de l'énormité des dépenses nécessaires pour sa réparation, fut l'abandon par l'État de l'église « à sa ruine prochaine, » et la conservation de la chapelle qui lui fait suite, jugée susceptible d'être restaurée.

L'église a-t-elle voulu se venger de cette condamnation officielle? quoi qu'il en soit, elle est toujours debout.

La chapelle, aujourd'hui restaurée avec une sage modération, fut construite par l'abbé Pierre de Vassencourt, << alors, dit M. Albert Lenoir (1), qu'au XIIe siècle le culte de la Vierge ayant pris un nouveau développement, les églises abbatiales éprouvèrent le besoin de donner plus d'importance à la chapelle qui lui était consacrée et se trouvait au fond de l'abside. » Splendide bijou de l'art ogival, vaisseau plein d'air et de lumière, la chapelle de Saint-Germer, commencée en 1259, fut achevée en 1267. Elle est postérieure de peu d'années à la Sainte-Chapelle de Paris, dont elle retrace le plan intérieur; mais son caractère, avec ses larges baies occupant toute la largeur des

(1) Architecture monastique, t. II.

murs, moins les piliers, avec ses chapiteaux à double rang de crochets dans les arcatures de la partie inférieure des murs, son caractère est bien plutôt celui du xIve que du XIIIe siècle. Divisée en sept travécs, plus la travée centrale du rond-point, elle mesure vingt-quatre mètres de long sur neuf mètres de large et reçoit le jour par quinze fenêtres et une magnifique rose qui reproduit peut-être, d'après M. Viollet-le-Duc, celle qui éclairait primitivement la chapelle de saint Louis.

La chapelle de Saint-Germer est reliée à l'église abbatiale par une galerie du même style, plus étroite, comprenant quatre travées et ouverte dans l'ancienne chapelle située au fond de l'abside, entre les deux qui subsistent encore. Rappelons à la hâte que la Sainte-Chapelle de Saint-Germer, privée de son magnifique retable, conservé au musée de Cluny, était décorée de précieux vitraux du XIIe siècle, dont quelques-uns seulement, relatifs à la fondation de l'abbaye et à la construction de la chapelle, sont encore restés en place. Elle est riche aussi en pierres tombales, dont la plus remarquable par ses dimensions et la beauté de ses dessins, se trouve derrière l'autel.

Après l'examen des monuments de Saint-Germer, nous avions pour terminer une journée si bien remplie, à visiter l'intéressante église de Saint-Hildevert de Gournay, édifice à trois nefs, du xre siècle, considérablement remanié au XII. Mais outre l'heure avancée du jour, le moment était peu propice, car l'intérieur de l'église en voie. de restauration, a presque entièrement disparu sous l'encombrement des échafaudages, des boiseries déplacées, des matériaux de toute sorte. Nous faisons des vœux pour que l'église, habilement consolidée, sans avoir perdu son caractère primitif, sorte le plus tôt possible de ce chaos

momentané et soit rendue dans toute son intégrité à ses paroissiens et à son vénérable pasteur.

C'est là tout ce que nous dirons de notre passage à Gournay; aussi bien nous craindrions, à notre grand déplaisir, de n'avoir pas assez de place pour remercier ici, au nom de nos confrères, M. de Glanville, l'habile et bienveillant organisateur de cette charmante journée, dont chacun gardera le plus précieux souvenir.

Remercions aussi les quelques dames qni n'ont pas craint d'affronter les fatigues d'une longue course, à laquelle elles ont su donner, par leur gracieuse présence, un charme de plus.

J. DE LAURIÈRE.

XLII SESSION.

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