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chitecte, est nommé inspecteur général des édifices diocésains, en remplacement de M. Viollet-le-Duc, démissionnaire. Les habitants d'Évreux vont être contents.

L. P.

Je trouve dans la Gazette de Normandie la note suivante relative à l'infortunée cathédrale d'Évreux :

« L'affaire de la reconstruction de la cathédrale d'Évreux continue à soulever des débats qui ne sont pas prêts de s'apaiser. Les architectes du ministère des cultes, continuateurs de M. Viollet-le-Duc, se préparent à rebâtir en style pigeonnier ce noble édifice.

« La cathédrale d'Évreux a un tort elle est d'origine normande, elle a un caractère religieux très-marqué : il faut donc se håter de faire disparaître un édifice gothique, féodal, provincial, hérissé d'arcs-boutants, de pinacles, de dentelles, de gargouilles, de figures étrangères aux idées du jour. Une bâtisse neuve sera toute préparée pour la religion de l'avenir, prédite par les prophètes du Temps et du XIX Siècle.

<«< Une publication qui a eu un grand succès, c'est l'Examen critique du projet de reconstruction de la cathédrale d'Évreux, publié dans le journal l'Architecte. L'auteur, M. H. Sabine, architecte, secrétaire général de la Société nationale des Architectes et membre de la Société des Antiquaires de Normandie, y réfute le rapport officiel fait au ministère, et démontre que la cathédrale d'Évreux n'a besoin que d'une simple restauration et que sa reconstruction constitue un véritable gaspillage des deniers. publics. »

Espérant contre toute espérance, j'aime à me persuader que le ministre actuel des beaux-arts ne laissera pas ac

complir, sous prétexte de restauration, une œuvre de vandalisme aussi universellement réprouvée que l'est la reconstruction de la belle cathédrale d'Évreux. Si l'on a pu dire autrefois que la France était assez riche pour payer sa gloire, on doit reconnaître qu'elle ne l'est plus assez aujourd'hui pour payer les fantaisies et les débauches d'esprit de certains architectes diocésains.

N° 15.

LA RESTAURATION DE NOS MONUMENTS HISTORIQUES DEVANT L'ART ET DEVANT LE BUDGET PAR M. LEROY-BEAULIeu. (Extrait de la Revue des Deux-Mondes, du 1er décembre 1874.)

Ce remarquable mémoire est dans toutes les mains, nous ne le reproduirons pas ici.

N° 16.

RÉPONSE DE M. VIOLLET-LE-DUC A M. A. LEROY-BEAULIEU. (Extrait du XIXe Siècle, 24 décembre 1874.)

Croyant avoir édifié mon ami sur ce qu'on doit entendre par le parti clérical, à mon sens, j'allai me coucher et j'ouvris le numéro du 1er décembre de la Revue des DeuxMondes, que je n'avais pas eu le loisir de couper encore, car c'est une rude besogne que de couper en haut, en bas, sur les côtés, un numéro de la Revue des Deux-Mondes; mais il paraît que cela doit être ainsi et que la Revue perdrait de sa gravité si on n'était tenu que de la couper comme toute autre brochure in-8°.

Mon attention fut naturellement attirée par ce titre : La Restauration de nos monuments historiques devant l'art et devant le budget. « Bon! me dis-je, c'est solennel, mais ce peut être intéressant. » Or, cet article, divisé en trois chapitres I, II et III (suivant l'usage admis dans la Revue, je ne sais pourquoi au cas présent, puisqu'il n'est question, tout du long, que d'un seul édifice diocésain, la cathédrale d'Évreux), est la répétition presque mot pour mot d'un factum dû, il y a quelques mois, à des archéologues du crû, dont un abbé terrible, contre les projets adoptés régulièrement pour restaurer cette cathédrale. Cet article est signé Anatole Leroy-Beaulieu, et bien qu'il me prenne à partie, je le laisserais passer, comme beaucoup d'autres appréciations de cette nature, si M. A. Leroy-Beaulieu n'avait pas traité avec un singulier parti pris de dénigrement, sans connaître la matière, des travaux de confrères, dévoués, habiles, attachés avec un désintéressement rare à une besogne difficile, parfois périlleuse, et dont on ne tire guère que l'honneur de subir la critique la moins éclairée, mais la plus malveillante; car la plupart de ces confrères encore se décider à entrer dans la congrégation cléri n'ont cale.

Mais que diable M. A. Leroy-Beaulieu allait-il faire. dans cette galère? Qu'il me permette de lui dire qu'on a abusé de sa bonne foi et qu'on lui fait dire des énormités pour les gens du métier. Ce qui est plus grave, on lui fait avancer des faits absolument faux, citer des passages tronqués d'un rapport qu'il n'a certainement pas lu et d'où il tire des arguments contraires au texte de ce rapport. Mais voici qui édifiera M. Anatole Leroy-Beaulieu sur la bonne foi de ceux qui lui ont fourni les éléments de sa longue diatribe. Et qu'il ne nous dise pas que cette œuvre est due entièrement à son appréciation, car j'ai là sous la main

ces éléments. M. Anatole Leroy-Beaulieu se plaint de ce que la restauration de la cathédrale d'Évreux a été entreprise sans examen suffisant, qu'on a brusqué les choses, sans tenir aucun compte des réclamations de gens dont l'opinion devait être d'un grand poids. Or, voici les faits: le projet a été soumis au Comité des inspecteurs généraux, lequel a cru devoir prescrire, sous sa responsabilité, les mesures propres à assurer la stabilité future de la partie de l'édifice qui menaçait ruine...

Reproduire exactement les causes de cette ruine, c'était tout simplement absurde, d'autant que les parties dont les conditions de stabilité devaient être modifiées n'avaient, au point de vue de l'art et de l'archéologie, aucun intérêt, puisqu'elles avaient été reprises vingt fois, et notamment fort mal il y a quarante ans.

Cependant, deux ou trois archéologues très-remuants à Évreux, dont cet abbé terrible, poussèrent les hauts cris. Second rapport. Nouveaux cris plus forts. Les conseillers généraux s'émeuvent, le duc de Broglie s'en mêle, M. Dupanloup est dans l'affaire. L'évêque d'Évreux qui ne désire qu'une chose, savoir que les voûtes de sa cathédrale ne coiffent pas les fidèles, demande une conférence à Évreux, sur place. Les inspecteurs généraux, le chef de l'administration des cultes, M. Passy, député, s'y rendent; les archéologues du crû font défaut, sauf l'abbé terrible. On discute devant le prélat, on grimpe sur les échafauds, on prouve ou l'on croit prouver à l'abbé terrible que son émotion n'a pas de fondement, et l'on suppose que c'est fini. Non pas! On crie toujours là-bas; sur ces entrefaites, un des inspecteurs généraux (le rapporteur) donne sa démission. Celui-là en a assez. Un autre est nommé. Voilà l'homme qui va enfin se rendre aux désirs d'une population éplorée devant sa cathédrale qu'on lui change.

XLII SESSION.

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Non; le nouvel inspecteur général conclut comme son prédécesseur, comme conclura tout homme dont la responsabilité est engagée. Voilà encore un architecte vendu? On se récrie. Le ministre à bout de moyens et n'osant affronter des gens qui crient quand M. de Broglie et Mgr l'évêque d'Orléans sont derrière eux... « Mais que vient faire là, direz-vous, M. Dupanloup? - Ah! dame! »> Le ministre, dis-je, a l'heureuse idée de réunir une commission en dehors des inspecteurs généraux, nommée mi-partie par l'évêque d'Évreux, mi-partie par lui. L'évêque d'Évreux répond à cette ouverture par une lettre pleine de loyauté et de bon sens, que je ne me permettrai pas de donner ici, puisque je n'y suis pas autorisé, et je le regrette, car c'est un chef-d'œuvre; lettre par laquelle ce prélat déclare au ministre qu'il ne nommera aucun commissaire, que la cause est entendue et qu'il laisse à M. le ministre seul la responsabilité de sa nouvelle décision. En effet, le ministre seul nomme donc cette commission. Elle conclut exactement comme l'avait fait la commission des inspecteurs généraux. Alors probablement l'abbé terrible va trouver M. Anatole Leroy-Beaulieu et lui dicte l'article de la Revue des Deux-Mondes, et M. Anatole Leroy-Beaulieu se trouve être, bien inconsciemment, car c'est un galant homme, l'instrument ici, non du clergé, non de l'Église, mais de vrais cléricaux, de la cabale cléricale, qui en cette affaire a voulu comme elle fait parfois, essayer ses forces, se compter, comme ces corps détachés qui se tâtent avant une grande bataille. De la cathédrale d'Évreux, ces bonnes gens n'ont cure, et ils l'ont bien prouvé, en arrêtant des travaux très-urgents pendant six mois et en inventant les plus folles histoires à propos de projets très-simples et très-clairs, soigneusement élaborés. Des intentions formelles de leur évèque, de ses recomman

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