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point de la poussée des voûtes, l'autre beaucoup audessus (Rapport de M. Viollet-le-Duc) et n'ayant d'autre effet que de solliciter les contre-forts déjà trop grêles à sortir de la verticale. » Nous examinerons plus loin les contre-forts. Quant à ce second étage d'arcs-boutants, destiné peut-être, dans la pensée du constructeur, à contenir la légère poussée du comble, mais ayant, à coup sùr, pour destination première de porter les gargouilles et les canaux qui reçoivent les eaux du chéneau principal, ce second rang d'arcs-boutants, trouvé trop grêle par le rapport, est en accord parfait avec le style de l'édifice; il a souffert surtout des intempéries et du défaut d'entretien, et a besoin de réparations sérieuses. Peut-être faudrait-il refaire en tout ou en partie plusieurs arcs, remplacer ou redresser quelques-unes des colonnettes qui supportent leurs sommiers, mais il serait regrettable d'anéantir sans motif sérieux cette partie caractéristique de la nef, partie intégrante de la conception primitive, dont la destruction. modifierait défavorablement l'aspect extérieur de la cathédrale, pour cette seule raison que ce second rang d'arcsboutants est trop grêle aux yeux de nos modernes restau

rateurs.

Le premier rang d'arcs-boutants est aussi trouvé trop grêle, et le projet le remplace par un autre arc qui ne serait pas trop grêle, bien au contraire. Et ici l'urgence de la reconstruction est encore plus contestable, car ces arcsboutants inférieurs n'ayant pas à conduire les eaux des chéneaux, sont moins exposés aux dégradations. Ils sont en meilleur état que ceux du second rang, et si leur butée n'est pas exactement placée au point géométrique indiqué par la ligne de poussée des voûtes, ce n'est pas pour une différence de quelques centimètres sur ce point. de butée, qu'il faudrait les reconstruire; car, après tout,

ils ont fait leurs preuves, ayant reçu l'effort primitif des voûtes, résisté au déversement de 011 des trumeaux, et l'ayant transmis régulièrement à leurs contre-forts, qui l'ont eux-mêmes supporté en se déversant de 008, mais sans déformation ni tassement compromettant.

4° Les contre-forts.

Les contre-forts anciens sont plus larges que ceux du projet, « mais, dit le rapport, mal plantés, båtis en matériaux légers, trop élevés par rapport à leur base. »

Mal plantés, c'est vrai, pour plusieurs qui sont légèrement hors d'équerre et hors de l'axe des arcs-doubleaux, mais le projet conservant les murs inférieurs qui portent ces contre-forts, est bien forcé de les replacer sur ces mêmes murs et conséquemment avec les mêmes défauts de plantation.

Bâtis en matériaux trop légers, c'est un point à discuter, car ces contre-forts n'ont éprouvé qu'un dévers proportionnel à celui des murs de la nef, et eussent-ils été en bronze, que ce mouvement évidemment graduel eût été absolument le même.

Trop élevés par rapport à leur base, et sollicités à sortir de la verticale. Encore affaire de sentiment sur le premier point et erreur de fait sur le second, car ces contre-forts sont en bon état, et n'ont d'autre défaut que la plantation erronée de quelques-uns d'entre eux. N'oublions pas qu'ils sont du XIIIe siècle, et depuis longtemps nullement

entretenus.

« Au xve siècle, les architectes ont accolé un renfort en avant des culées, dans l'espoir de les consolider. Maist ce travail, fait sans soins, grossièrement, et sans relier la

nouvelle bâtisse à l'ancienne, n'a fait que développer le mal déjà produit avant cette reprise. » (Rapport de M. Viollet-le-Duc.)

Nous retenons déjà produit, et nous déclarons le surplus de ce passage absolument erroné. Voici quelle est la vérité, d'après notre humble avis :

Les restaurateurs du xve siècle ayant constaté la poussée des voûtes de la nef, le surplomb des façades, le déversement proportionnel des contre-forts, jugèrent utile de les consolider. Ils ajoutèrent ce renfort avec des pinacles dont le poids donna plus de stabilité au contre-fort, et augmentèrent ainsi la largeur de la culée, que le projet actuel propose à nouveau de réduire. Ces renforts sont bien construits, en bonne pierre parfaitement conservée, non déformés.

Ils n'ont pas bougé depuis le jour de leur juxtaposition à l'ancien contre-fort; et la preuve, c'est qu'ils sont d'aplomb sur leur face extérieure, tandis que le dévers primitif peut être constaté sur la face intérieure de la partie ancienne.

C'est aussi la preuve que le mouvement des contre-forts des murs de la nef et la poussée des voûtes sont arrêtés depuis la même époque, c'est-à-dire depuis le xv siècle.

Mais ces renforts sont mal liés, dit le rapport. Erreur de fait, répondrons-nous, puisqu'ils n'ont pas bougé. Nous reconnaissons volontiers qu'ils sont liés comme une reprise, et non comme une construction neuve, mais cela démontre pour nous l'attention des architectes du XVe siècle, et leur respect pour le monument, car ils n'auraient pu faire des liaisons plus fortes sans démolir presque entièrement les contre-forts qu'ils devaient consolider et conserver, et sans faire tomber les arcs-boutants qu'ils supportent.

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Le projet propose de refaire en entier la couverture des bas-côtés. Cette couverture, en dalles que nous avons trouvées en bon état et généralement bonnes, serait refaite à neuf; mais, au lieu de reposer sur la chape des voûtes, elle serait surélevée et soutenue par un système de voùtains en briques, superposés aux anciennes voûtes. Nous croyons ce système défectueux, mais il ne paraît pas utile de s'y arrêter, attendu que le dallage actuel est bon, peut ètre conservé, et n'appelle d'autres travaux que ceux d'entretien ordinaire.

6o - Le comble.

Le comble est composé de fermes en chêne, dont le plus grand nombre, les anciennes, sont d'une construction meilleure que celles indiquées par le projet. Ces fermes, en bois très-sain, parfaitement conservé, ont pour base un entrait d'une seule pièce sur lequel porte le pied des arbalétriers, dontil retient ainsi la poussée tout entière. Et nous voyons dans le projet des fermes dont l'entrait est coupé et traversé par le poinçon de la ferme, disposition qui ne vaut pas l'ancienne et laisse plus de jeu à la poussée des arbalétriers.

Le rapport est muet, d'ailleurs, sur les motifs de reconstruction du comble, et nous n'en trouvons la trace que dans la phrase suivante, qui a si fort effrayé les défenseurs de la cathédrale, et qui nous semble en contradiction avec les plans de reconstruction partielle :

« C'est-à-dire, en un mot, que l'état actuel de l'édifice

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exige une reconstruction complète des œuvres hautes. » Or, nous n'avons rien découvert qui exige la reconstruction d'une charpente en aussi bon état, bien établie, et d'une qualité supérieure à ce qu'on pourrait trouver de meilleur aujourd'hui.

Conclusion.

Une panique, la chute de plâtras et d'un moellon durant l'office, voilà les causes de cette grave affaire. Cette panique, cette crainte fort exagérée, assurément, a-t-elle gagné les architectes diocésains? Est-il vrai, selon le dire des défenseurs de l'édifice, qu'on n'ait pas étudié avec suite, avec attention, les causes et les effets des déformations de la nef et de ses arcs-boutants. Ces mouvements, assurément anciens, ont-ils recommencé en ces dernières années, ont-ils été accrus par l'absence totale d'entretien de la cathédrale? Un édifice aussi négligé ne paraît-il pas beaucoup plus compromis qu'il ne l'est en réalité ? Enfin les travaux importants qu'il faut exécuter doiventils n'être qu'une restauration simple, une restitution pierre par pierre, selon le vœu des habitants d'Évreux, ou doit-on procéder à la reconstruction totale des œuvres hautes, selon les termes du rapport, et contrairement aux plaus adoptés, telles sont les questions à résoudre.

Or, nous croyons avoir démontré l'inutilité absolue des travaux en ce qui touche le comble;

La convenance d'une simple réparation des terrasses des bas-côtés;

Le peu d'utilité de refaire en entier les fenêtres, tout en conservant les murs surplombés de onze centimètres ; Le danger de refaire en entier les voùtes de la nef appuyées sur ces murs, qui auraient ainsi à subir

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