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quelques châteaux secondaires. Dans les environs d'Aumale et dans les communes de Conteville, Illois et Ronchois, on retrouve les longs fossés dits Fossés-le-Roi, analogues aux tranchées du même nom que nous avons signalées autour de Verneuil. On peut attribuer ce complément des fortifications de la frontière à Henri II, qui a fait creuser ceux des bords de l'Avre. En arrière de la vallée de la Bresle, le pays était coupé par les vallées parallèles de l'Yères, où s'élevait le château de Grandcourt; de l'Aulne, dont le château de Mortemer défendait le passage; et enfin de la Béthune, sur laquelle se trouvaient les places importantes de Dieppe, d'Arques, de Neufchâtel, autrefois Driencourt; et enfin de Gaillefontaine, qui donnait la main aux forteresses de la vallée de l'Epte.

Le Ponthieu opposait à cette forte chaîne de non moins nombreux châteaux. Ault, Gamaches, Senarpont étaient situés sur la Bresle. Le passage de la Somme était défendu par Saint-Valéry-sur-Somme, la Ferté-en-Ponthieu et Abbeville. Autour de ces places, un certain nombre de mottes sans noms leur ont servi d'avant-postes. Dans le comté d'Amiens on peut citer, outre cette ville, les châteaux de Piquigny, Boves, Poix, Conty, etc.

III.

Après avoir terminé la rapide énumération des châteaux qui défendaient les frontières de la Normandie et de ceux qui leur étaient opposés, il resterait à déterminer les caractères qui les différer.cient les uns des autres et distinguent les châteaux normands de ceux des provinces voisines. Mais je suis forcé d'avouer que jusqu'ici mes recherches sur ce sujet ont eu peu de succès. Les quelques

observations que je vais vous soumettre n'ont ni l'étendue ni la précision que j'aurais voulu leur donner. Là encore, je dois me borner à signaler une lacune dans l'archéologie militaire, sans pouvoir prétendre la combler.

L'architecture des châteaux féodaux a, dans notre pays, trois origines distinctes. C'est d'abord l'oppidum gaulois avec son enceinte irrégulière de murs au sommet d'une colline abrupte. Un mémoire de M. Castagné, lu au Congrès archéologique tenu à Toulouse en 1874, a jeté beaucoup de jour sur ces constructions. Ce genre de forteresse, qui a plus d'un rapport avec les acropoles de la Grèce et de l'Italie, est propre aux pays de montagne et y a toujours été employé. Les châteaux construits d'après cette tradition, et dont Falaise et Domfront me paraissent de bons types pour la Normandie, sont en général trèsirréguliers et peu faciles à classer.

La seconde tradition est celle des peuples habitant les plaines. Les enceintes derrière lesquelles ils s'abritaient, consistaient en un rempart circulaire défendu par un fossé et une palissade, et ayant souvent une motte à l'intérieur. Le plus bel exemple que l'on en puisse citer est l'ancienne place de refuge des Catalauni, située à dix kilomètres de Châlons-sur-Marne, qui était la place de commerce du même peuple. Cette enceinte circulaire, qui renferme vingt-treis hectares et est parfaitement conservée, porte à tort le nom de camp d'Attila. Tous les châteaux nommés la Haye, comme la Haye-Pesnel et vingt autres en Normandie, tous les Plessis, doivent avoir pour origine une enceinte palis adée. Je crois retrouver cette tradition, qui régna seule en Normandie pendant les premiers temps, dans la forme circulaire donnée aux enceintes de Gisors, Dangu, Château-sur-Epte, Mortagne, etc. Il ne faudrait cependant pas en faire un caractère spécial aux châteaux

XLII SESSION.

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normands, puisqu'il se retrouve à Chaumont-en-Vexin, à Nogent-le-Rotrou, à Fréteval et dans toutes les provinces de France. Il serait également très-difficile de différencier les nombreuses mottes de la Normandie, de celles que l'on trouve dans le reste de la France.

Enfin, la troisième source de l'architecture féodale est la tradition romaine transmise par les remparts des cités épiscopales. L'enceinte de ces villes était généralement rectangulaire et défendue par de nombreuses tours rondes. Abandonnée jusqu'au XIIe siècle, au moins dans le nord de la France, cette tradition reprit alors de plus en plus faveur. Henri II fortifia par des tours les murailles de Gisors; Richard Cœur de Lion en munit les remparts de Château-Gaillard, enfin tous les châteaux construits par Philippe-Auguste sont sur plan rectangulaire et flanqués de tours rondes. Le château de Dourdan peut être cité comme un exemple à date certaine (1220), très-bien conservé et très-peu modifié par des travaux ultérieurs. Ce modèle fut suivi avec peu de changements dans les grands châteaux des siècles suivants, comme Coucy, Pierrefonds, la Bastille de Paris, etc. La tradition romaine n'a eu qu'une faible influence dans la construction des châteaux normands antérieurs à la conquête de Philippe Auguste. Je crois voir la même tradition dans tous les camps dont le plan est un rectangle, et, par exemple, dans le fameux château du Puiset, qui n'était qu'un vaste camp posé, au commencement du XIe siècle, au milieu des vastes plaines de la Beauce.

Un caractère beaucoup plus appréciable que le plan général d'un château est la forme de son donjon. Chaque forteresse féodale renfermait dans son enceinte une partie plus forte, dominant les autres défenses, en étant souvent indépendante et pouvant servir de refuge lorsque celles-ci

étaient prises ou détruites. Dans les premiers temps, le donjon consistait le plus souvent dans une motte élevée à main d'homme et couronnée d'une tour de bois, comme ceux que représente la tapisserie de la reine Mathilde; d'autres fois c'était une salle ou maison de pierre, domus lapidea, placée au milieu d'une enceinte non maçonnée; enfin on construisait dans ce but, soit au centre, soit à une extrémité de l'enceinte, une tour ronde, carrée ou polygonale. Les mottes et les donjons rectangulaires sont communs en Normandie; les tours rondes ou polygonales y sont rares; je crois que les tours carrées servant de donjon y sont inconnues.

Le donjon en rectangle allongé que l'on nomme quelquefois donjon normand, est répandu en Normandie, dans le Maine, l'Anjou et le Poitou; on le trouve aussi alternant avec d'autres formes sur les rives de l'Oise et de la Seine. Ce dut être, à l'origine, la salle ou demeure du chef, mise à l'abri par la hauteur et l'épaisseur de ses murailles. Lorsque l'art de la fortification fut plus avancé, la maison forte ne se défendant que par sa masse ne fut plus que le moindre des châteaux. Un souvenir de cette origine se trouve dans les contre-forts qui ornent plus qu'ils ne soutiennent la masse d'un grand nombre de donjons rectangulaires. On pourrait diviser ceux-ci selon qu'ils ont huit, douze ou quatorze contre-forts. Dans ce dernier cas, les longs côtés sont divisés en trois travées, et les pignons en deux, comme à Mortagne, Sainte-Suzanne, Nogent-le-Rotrou, Chevreuse, etc. Domfront n'a que huit contre-forts, mais ceux des angles forment de véritables tourelles. Souvent, comme à Falaise, à Loches et dans plusieurs donjons anglais, un édifice de moitié moins important est accolé à la masse principale. Mais toutes ces formes se retrouvant dans diverses provinces, il est bien

difficile de dire celles nées en Normandie, et de les distin

guer de celles dont l'origine se trouve sur les bords de la Sarthe ou de la Vienne. Un examen plus minutieux et la comparaison d'un plus grand nombre de plans permettra peut-être d'y arriver un jour.

A Abbeville, le donjon des anciens comtes de Ponthieu, conservé comme beffroi de la ville, est une tour romane carrée et à douze contre-forts, beaucoup moins volumineuse que les donjons normands. Le donjon de Boves est une tour carrée sans contre-forts. Ces deux types se retrouvent dans toutes les provinces de l'est et du centre de la France, mais pas en Normandie. A plus forte raison n'y trouvons-nous pas les maigres donjons carrés du Languedoc, dont la hauteur égale quatre fois la base, tandis que dans le Nord la hauteur des tours n'est que le double de leur diamètre, et pour les donjons rectangulaires le double de leur petit côté.

M. de Salies, dans son Histoire de Foulques Nerra, a montré que tous les châteaux construits par ce prince avaient un donjon rectangulaire, tandis que ceux des comtes de Blois avaient pour donjon une tour ronde. On doit renoncer à signaler une différence aussi tranchée entre le domaine royal et la Normandie. En effet, si dès le x1° siècle, nous trouvons les donjons ronds de Châteaufort, Magny, Maurepas, la Hunière, la Queue-en-Brie, Neaufle, près Montfort, Galardon, Auneau, etc., d'autres s'élevaient sur plan rectangulaire, comme Mantes, Meulan, Beaumont-sur-Oise, Chevreuse, Bretencourt. Guillaume de Hainaut, construisant sous le roi Robert les deux chàteaux de Montfort et d'Épernon, donna au premier une forme octogone irrégulière et à l'autre un plan rectangulaire. D'autre part, nous trouvons en Normandie et avant le x siècle, des tours rondes à Neaufle, près Gisors, et à

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